Oui, il fait chaud. Une bien bonne raison pour aller se caler dans un fauteuil de l’Eldo au frais, et en plus à L’Ombre des femmes.
Philippe Garrel est un vieux de la vieille. Il trace son sillage cinématographique depuis plusieurs années. Il est resté bloqué dans les années Nouvelle Vague. Il ramène sur la toile du noir et blanc, de la jeunesse contestataire des années 60 et des acteurs au jeu « réel ». La pellicule-numérique est granuleuse et l’on y parle d’amour, encore et toujours. On ne rappellera pas ici que c’est le fils de Maurice Garrel et le père de Louis et Esther Garrel. Ha mince.
Si Garrel s’est parfois joliment vautré, toujours avec une certaine classe (cf. La Frontière de l’aube avec Laura Smet), L’Ombre des femmes est un joli film écrin sur le couple, celui formé par Paul – Stanislas Merhar – et Manon – Clotilde Coureau – qui travaillent ensemble (ils réalisent un film sur un ancien résistant), et complètent les fins de mois avec des petits boulots. Ils s’aiment mais il faut bien que le corps exulte et Paul rencontre la très sensuelle Lena Paugam et entame une relation avec elle. L’on passe du couple à l’éternel trio. Sauf que Manon, elle aussi, va aller voir ce qui se passe ailleurs. Commence alors le grand jeu de la mauvaise foi masculine face à l’intelligence des femmes. Quand Paul cache sa tromperie, Manon avoue. Quand Paul ne quitte pas Elisabeth, Manon n’hésite pas à rompre dans l’heure avec son amant. Quand Paul ne sait que faire de leur couple qui ne retrouve pas la légèreté d’avant, Manon décide de partir. Et quand ils se retrouvent au bout de quelques années, c’est Manon, encore, qui mène le jeu de l’amour et du hasard.
Comme ça, ça fait un peu cliché. On rit des remarques de Paul, de sa mauvaise foi, de sa malhonnêteté presque. Manon, elle, ne dit presque rien mais elle sait. Les filles savent tout. Garrel filme les visages au plus près et la direction d’acteurs est au cordeau. Alors même si on flirte parfois avec les stéréotypes, les réactions sont justes, les dialogues acérés et les acteurs au top. Coureau a peut-être son meilleur rôle, terriblement touchante et belle (elle a fait quoi déjà avant ?) et Merhar est un beaugosse-taiseux à la limite de l’ours. Le temps d’une séquence, de retour chez lui alors que sa maitresse vient de lui apprendre que Manon voyait quelqu’un, ses yeux deviennent fuyants, la bouche se contracte, tout l’intérieur bouillonne, enfin. La Paris de L’Ombre des femmes est presque vide, à peine une maman, une amie : sorte de théâtre où il ne resterait que ce trio. Le film est court : 1h10, c’est dire la concision des dialogues, des décors, du scénar. Le film est une sorte d’épure délicate de la vie d’un couple, de tous les couples. Film court, chronique courte : c’est beau et concis. Allez-y.
– Melita Breitcbach
L’Ombre des femmes, en ce moment à l’Eldo (plus d’infos)