La Seine-et-Marne improbable et magique. Vendredi 3 et samedi 4 juillet, quelque part entre deux champs de blé, une maison de retraite et une gare RER du fin fond de la région parisienne pousse un festival indie-punk-new wave-freak. Dans ce coin de Brie (oui, c’est de là que vient le fromage), la Ferme Électrique agite et étonne par sa programmation depuis 6 éditions. Pendant deux jours dans un vieux corps de ferme réaménagé, avec deux salles de concert, un spot outdoor, un stand de tir, une salle de tatouage minute, un atelier de sérigraphie, on était bien, tout simplement. Esprit DiY posé dans des canapés de grands-mères chinés chez Emmaüs, avec à vue de nez 1000 personnes par soirée.
INDICE TRANSPI.
Imbattable. Semaine rouge canicule qui met ce critère hors concours. Les salles étaient transpiration et le public est hot, du début à la fin. Le public est là pour la zik, ou parce qu’il habite le village, pour danser sur des rythmes binaires, pogoter dans un bonne ambiance. Bon point météo pour Chassol qui présentait son spectacle Big Sun en plein air, relativement à la fraîche vers les 23h00. On transformera cet indice transpi en indice no poser : les gens sont pas là pour se montrer mais pour écouter les groupes.
POINT FASHION WEEK.
Oui, bon, on n’est pas à la Ferme Élec’ pour parler mode. En Dijonnais, on a quand même remarqué cet homme t-shirt psyché siglé Sziget et chapeau de paille Bien Public : « improbable », « magique » deux adjectifs qui collent bien au festoche. Ah si, quand même, c’est quoi cette déferlante de tatouages ?
CE QU’ON A AIMÉ, AU FINAL.
Colombey, forcément. Colombey est un génie. Seul au micro sur des rythmes synthétiques, il chante, crie, psalmodie un blues briard. Héros de la Seine-et-Marne, il vient de Coulommiers et incarne comme personne cette jeunesse banlieusarde qui rêvait de musique, se faisait chier, allait en teuf dans les bois, se faisait chier, faisait de la zik, se faisait chier, se droguait, oubliait un temps qu’elle s’emmerdait, redescendait, se faisait chier à nouveau, faisait de la musique, tombait amoureux, se faisait chier, rompait, regrettait, se faisait chier, mais insistait quand même avec le musique… Colombey est aussi un génie du marketing (créer l’envie par le manque), il n’avait qu’un 45T vendre, n’avait pas encore reçu ses nouveaux disques et proposait seulement un t-shirt enfant à son nom. Le Prince Harry, ça déboîte méchant. Un duo punk-new wave-(teknoide un peu) qui démarre son concert par une reprise de Motormark, c’est bon, forcément. Pierre & Bastien, ils sont trois, prouvent qu’en 2015 on peut encore chanter français, faire du punk-rock un peu pop, ou l’inverse, et envoyer de super morceaux. Ami bourguignon, leur musique te rappellera celle des Semurois Poirier XL. Régal, trio punky garage qui joue vite fort et… bien. En plus, la voix chevrotante du chanteur a un quelque chose de Jello Biafra. Pas dégueu du tout.
La pause groovy Chassol était pas mal, le vendredi soir. Christophe Chassol et un batteur jouent un live sur un film tourné en Martinique avec des quidam, des images de carnaval et des figures locales. Le son (et l’image) du film est samplé, répété, retravaillé : les voix des protagonistes ou les gazouillis des oiseaux deviennent les parties chantées des deux musiciens. Classe la projection dans ce cinéma en plein air monté pour l’occasion. Les vétérans Charles de Goal on prouvé que leur post-punk cold wave composé dans les années 1980 n’avait pas mal vieilli du tout, même si ce gap spatio-temporel et musical s’entend et sépare ces papys coldeux et la nouvelle génération présentée sur les deux soirs. Fantazio et Costes : une fois passée le caca chanté en solo par Costes, la rencontre entre deux allumés de la musique était assez réussi. Les deux dans le monde, sans concession mais avec un porte ouverte pour leur permettre de communiquer-improviser avec l’autre. Mais bon, deux plombes du mat’ pour ça, c’est un peu tardif.
Très belle l’initiative, à prix libre, on pouvait s’offrir une sérigraphie de Mathieu Desjardins à condition de venir avec son t-shirt ou sa musette.
En fait, tout était bien. Du début à la fin, les festivaliers naviguent, bonne ambiance cool et familiale avec, on imagine, les fils, les nièces du maire, des adjoints, des administrés et des organisateurs galopant entre les docs des rockeurs, les baskets des spectateurs ou les espadrilles de Fantazio. Truc très bien : comme la Ferme, qui est aussi un conservatoire à l’année, est totalement réquisitionnée, il n’y a pas vraiment d’espace réservé aux artistes ou « aux professionnels de la profession » comme ça se pratique ailleurs. Les artistes mangent la même chose, au même endroit que le public. Dans la rue qui mène au festival : spéciale dédicace à la DDE du 77 qui, grande classe, sans sourciller, affiche « centre gériatrique » et « funérarium » sur le même poteau. Improbable. Magique.
CE QU’ON N’A PAS TROP AIMÉ
Rien, on vous dit… ! Ah si, c’était la boisson énergisante ou le curry qui m’a réveillé à 6′ du mat et qui m’a donné la désagréable impression de passer la journée avec Costes ?
TAUX DE REBOND
Rendez-vous l’année prochaine…
– Martial Ratel
Photos : La Ferme Électrique