Il a fait toutes les grosses dates de l’été, des festoches en veux-tu en voilà et il prépare un nouvel album pour la fin de l’année. Lors de son passage aux Eurockéennes de Belfort en juillet dernier, on a rencontré Théo Le Vigoureux, plus connu sous le nom de Fakear. À 24 piges, ça fait 5 ans qu’il opère sous son blase de magicien hindou, et le 6 novembre prochain il va mettre le feu à La Vapeur. Entretien avec le jeunot qui renverse la scène électronique musicale française.

 fakear

Ça fait quoi d’être considéré comme la révélation électro 2015 ? C’est hyper flatteur, mais c’est aussi plus surprenant qu’autre chose ! Je suis sûrement le plus pop de cet espèce de groupe de producteurs d’électro et c’est peut-être pour ça que je me retrouve à jouer autant dans les grands festivals assez généralistes.

Est-ce tu essayes de faire transparaître quelque chose de particulier au travers de ta musique : un message, une émotion, une ambiance ? Je ne sais pas s’il y a vraiment un message particulier, d’abord parce que le propre de l’électro c’est qu’il n’y a pas de paroles. Mais je dirais plutôt que ce sont des émotions, un truc assez primaire. Je ne fais jamais une chanson “colère” ou une chanson “triste”, les morceaux sont inspirés par le quotidien, ce sont des émotions mélangées et j’aime bien que le public se les approprie, comme avec La Lune Rousse où le public chante “mimi mathy” sur le refrain. C’est super drôle. Je peins des tableaux de quotidien avec mon ressenti et les autres viennent l’interpréter comme ils veulent, se l’approprier.

Du coup, est-ce que c’est plus facile de transmettre ce quelque chose de primaire par l’électro ? On se souvient qu’avant d’être Fakear, tu t’inscrivais dans une mouvance plus pop-rock, tu trouves plus ton compte musicalement aujourd’hui ? Pas forcément parce que dans le rock, il y a quand même ce truc bestial, un peu sauvage. Ce qui change vraiment, c’est que je ne suis plus dépendant d’un seul instrument comme dans une formation rock : là, juste avec mon laptop et mon synthé, je peux construire mon univers avec beaucoup plus de liberté. Y’a aussi moins de risque de se casser la gueule, car dans un groupe il y a plusieurs visions croisées. Là je suis indépendant du début à la fin.

Pourquoi t’être dirigé vers des sonorités plutôt orientales, japonisantes ? Ce sont des sons qui sont vachement moins connotés : un sample de jazz ou de soul, ça fait tout de suite très hip-hop. Et les samples de musique world, ça évoque une partie du monde ou un pays mais pas forcément un style musical. Après, l’Asie, je pense que c’est plutôt un délire de beauté, ça m’a plus touché qu’autre chose. Ensuite, j’utilise pas mal de musiques africaines et cubaines dans ce que je fais, c’est plus par un attrait du beau qu’une volonté de me démarquer.

Si on te compare à des artistes comme Bonobo ou Onra avec son album Chinoiseries, ça te fait quoi ? Tu t’identifies à ces mecs-là ? Ben je suis trop content ! On m’a déjà comparé aussi à Flume, c’était hyper cool. Je ne m’identifie pas spécialement à eux, après je m’inspire pas mal de leur technique et de leur manière de faire. C’est surtout leur sensibilité et leur manière de recréer qui m’ont inspiré, ce sont des références plutôt que des inspirations en fait. Ce sont les voyages, les rencontres et la musique world qui sont plus à l’origine de l’inspiration.

Comment t’as commencé l’électro et comment t’es-tu fait repérer par ton label, Nowadays records ? D’abord je m’y suis mis vraiment pour moi, dans mon coin. Je quittais la formation de groupe et je commençais à maîtriser les outils informatiques. J’ai bossé pendant deux ans. Et puis j’ai tenté le tremplin du Cargö, la salle de concert de Caen, un an après que mon meilleur pote Superpoze l’ait gagné, et je l’ai gagné aussi ! Du coup le Cargö m’a permis de développer mon projet et de rencontrer les acteurs avec qui j’allais bosser plus tard. Et puis j’ai un peu tourné en première partie de Wax Taylor et c’est comme ça que j’ai rencontré Hugo et Vincent, les gars de Nowadays qui font aussi partie de La Fine Équipe. C’était à une after au Trianon, il étaient là et on a bu des coups. C’est surtout une aventure humaine en fait, on a sympathisé et on a fini par se dire : pourquoi pas sortir un truc ? Aujourd’hui on est très lié et le label est essentiel dans ce qu’est devenu Fakear.

T’as une explication pour ce succès fulgurant ? C’est toi qui choisis ta promo (on pense à ta pub pour BMW) ? T’as pas peur que tout ça s’essouffle assez vite finalement ? J’ai moins peur de ça car en fin de compte, mon aventure, c’est plus humain que du business. Au niveau de ma crainte de devenir mainstream ou qu’on me colle une image qui n’est pas la mienne, ça va, parce que je garde vraiment le contrôle. Cette histoire de pub par exemple, on m’en propose plein et j’en accepte peu. Là, ça s’est fait parce qu’ils ne m’ont pas demandé de créer, ils ont kiffé le morceau et ils le voulaient. En plus, les agences qui s’occupent de ça ont des types hyper branchés et qui ont un goût vraiment sûr. Je tiens à ce que les liens autour de moi restent vraiment humains, ça me tient à coeur. Mon éditeur, mon agent, mes producteurs, mes attachés de presse, je veux vraiment que ce soit mes potes et qu’on puisse aller boire des coups et discuter sans que tout tourne autour du business. Il faut qu’ils soient en accord avec mon projet et qu’ils sachent où je veux en venir.

Est-ce que tu es vigoureux ? (Fakear s’appelle Théo Le Vigoureux, ndlr) Haha oui c’est bien mon nom, c’est pas une légende ! Même si j’ai tendance à considérer que pas trop. Je suis plutôt fasciné que vigoureux. Là on est en festoche, je suis trop content ça grouille de partout, je suis au taquet.

Et du coup, tu préfères cette période de tournée, de festivals ou quand tu es dans la phase création enfermé avec ta musique ? C’est vraiment différent. Le live c’est euphorisant, mais c’est une autre personne, je rentre vraiment dans la peau de Fakear. Quand je crée je suis tout seul , je suis Théo face à Théo et c’est moi, ma musique et ma life. Je suis plus vigoureux en étant Fakear.

Le futur de Fakear, c’est quoi ? C’est hyper compliqué. Enfin non, là on voit le bout. Je bosse depuis pas mal de temps sur un album prévu pour fin 2015 début 2016, y’a l’Olympia le 8 octobre qui est quand même un gros morceau. Je bosse à fond là dessus. On s’arrête pas de tourner depuis 2 ans, et du coup c’est difficile de faire évoluer la scéno, là on va avoir une semaine de résidence pour polisher le show. L’album ne sera pas qu’avec Nowadays, il y aura d’autres gens, c’est le début d’un truc chanmé.

– Propos recueillis par Chloé Cloche, Benjamin Moreux et Léa Singe
Photos : Vincent Arbelet