Philippe Faucon était présent à L’Eldorado la semaine dernière pour parler de son nouveau film, Fatima. L’homme est timide, certainement un peu pudique, discret. Comme Fatima. Il ressemble au film, à moins que ce ne soit l’inverse. Double belle impression.
Philippe Faucon tourne autour de la question de l’intégration depuis une dizaine d’années. Peut-être un peu plus : La Trahison en 2005 ( l’un des rares films sur la Guerre d’Algérie) ; Dans la vie en 2008, la rencontre de deux femmes, l’une de confession juive et l’autre musulmane ; La Désintégration en 2011 (où comment l’on peut devenir terroriste, ou pas) et Fatima aujourd’hui. Comment être immigré en France ? Fatima vient contrebalancer La Désintégration : si son précédent film montrait un arbre (un cas isolé), Faucon voulait cette fois montrer la forêt d’anonymes, les héros du quotidien.
Fatima est inspiré du journal de Fatima Elayoubi. Algérienne, elle est déscolarisée assez jeune. Elle part quelques années plus tard en France pour suivre son mari. Dans ce nouveau pays, elle apprend seule à lire et à écrire l’arabe. Elle commence un journal intime qui retrace son quotidien de femme de ménage et de mère de deux adolescentes, deux filles qui elles, parlent le français. Elle écrit pour elles, pour leur dire ce qu’elle ne peut pas faire au quotidien à cause de la frontière imposée par la langue. Fracture familiale entre deux générations qui littéralement ne se comprennent pas.
La relation entre les trois femmes (le père a refait sa vie, ce n’est qu’une ombre qui vient de temps en temps reprendre son rôle) met à jour trois attitudes face à la vie. Celle de Fatima d’abord qui est à la fois fière et courageuse et dont le seul moteur est le bonheur de ses filles. Pour l’aînée, ce sera la revanche, la volonté de réussir coûte que coûte une première année de médecine, obtenir sur la vie cette revanche sociale que sa mère ne peut plus s’offrir ; la seconde, plus jeune, est dans la violence, la colère sourde. Sa mère n’est pour elle qu’un torchon que les grandes bourgeoises blanches utilisent. Fatima résiste, accompagne et entoure de son amour ses deux filles. Inébranlable. Presque.
Une fois de plus, et comme souvent maintenant, le rôle de Fatima est tenu par une comédienne non-professionnelle, assez proche de la vraie Fatima. Et une fois de plus, c’est une démonstration magistrale. Soria Zeroual a vécu au moins autant que son personnage humiliations, difficultés et fiertés.
Je ne vais pas dire que ce film est intelligent, que ces personnages existent intensément, que le film vous touche là, tout au fond, que le scénario est extrêmement fin, que la mise en scène sert au mieux les moindres battements de cœur de ces trois femmes. Je vais juste vous dire d’aller voir le film. Il n’y a RIEN d’autre à voir cette semaine.
– Melita Breitcbach
Fatima de Philippe Faucon au cinéma Eldorado.