Exit Tablantec, le personnage de bonimenteur marin breton créé par Sébastien Barrier. Sa dernière création « Savoir enfin qui nous buvons » était programmée par le CDN au Kursaal de Besançon dans le cadre des traditionnelles « Rencontres du 20 ».

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On s’y est donc rendu en mode détente. Tellement détendu qu’on est arrivé à l’arrache avec une heure de retard. Malgré une entrée discrète, Seb Barrier n’a pas manqué de nous repérer et, en bon (ex ?) comédien de rue, de nous chambrer un peu sur notre arrivée tardive. Prenant la peine de nous faire un bref résumé du début du spectacle, on a été très vite dans le bain. Et on a été impressionné. Le mec est un sprinteur doublé d’un marathonien. Une mutation génétique, un coureur tenant à la fois de Gebreselassie et de Usain Bolt. La performance artistique revêt ici également le sens de performance sportive. Le spectacle à duré 7 heures (enfin 6 pour nous). Ouais mec, 7 heures ! « Possiblement sans fin » comme dit le dossier de presse. Mais on s’est pas emmerdé un instant.

La première raison est qu’avant chaque portrait de vigneron, tu goûtes un verre de pinard. Et c’est très bon. Comme il y a quand même 7 portraits, tu peux être assez vite bourré, surtout si comme moi tu tapes en plus discrètement dans le verre de ton voisin qui ne « tient pas trop la marée » comme dit Seb. La deuxième raison, c’est que le comédien maîtrise « l’art de la parole », même s’il prend ses distances avec cette pratique contemporaine dont on peut penser qu’elle n’est qu’un avatar pour remettre au goût du jour celle de conteur. Il désacralise donc en se comparant à un ado fumeur de joints draguant sur un banc.

Travail, plaisir, vin naturel et addiction

« Savoir enfin qui nous buvons » a pour thème des femmes et des hommes vignerons et le fruit de leur travail, le vin naturel. Mais ne se limite pas à ça. Le truc de Sébastien Barrier, c’est les « bulles digressives ». Il t’emmène très loin dans la digression : ethnologie en Papouasie Nouvelle Guinée, description de réveil de lendemain de beuverie digne de Very bad trip, allusion au maire de Besançon aperçu dans la rue à la pause, anecdotes sur sa famille, son chat, les techniciens qui le suivent en tournée…

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Lancer de Wee wee, le « chat-chien »

Sébastien Barrier t’emmène loin mais ne te perd jamais, il revient toujours à son récit sur les vignerons qu’il a appris à connaître et qui sont devenus ses amis. Le résultat est un spectacle hors du commun, sorte de documentaire à la sauce gonzo ou l’artiste livre sa vision subjective mais passionnante des histoires singulières de ces paysans passés à un mode de production raisonné.

L’impression générale est un joyeux bordel ou la description des échanges et des errances prennent une fonction cathartique… En rencontrant les vignerons, le comédien va à la rencontre de lui-même et de ses addictions. Un des moments complètement hypnotisant du spectacle est la lecture du texte d’un médecin décrivant méthodiquement son addiction à la morphine. La salle est restée longtemps médusée après cet intermède inquiétant qui tranchait franchement avec le ton léger du spectacle. Travail, plaisir, vin naturel et addiction : Sébastien Barrier, c’est du lourd.

 – Augustin Traquenard
Photos : DR