Cette semaine, c’est groove et funk allemand avec le disque Invisible Joy de Polyversal Souls, sorti en septembre chez Philophon. Oui, t’as bien lu : c’est allemand.

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Si un pote me dit : « Tiens Dimitri, il faut que je te fasse écouter ce groupe allemand », j’ai immédiatement plusieurs images qui me viennent à l’esprit. Je me revois d’abord pré-adolescent dans une boum un mercredi après-midi en train de danser un slow sur Still Loving You de Scorpions tentant maladroitement de rouler mes premières pelles. Je m’imagine également en train de pogoter sur 99 Luftballons de Nena puis me vient l’image d’un jeune gothique androgyne à la Tokyo Hotel. Pour finir, et vu que je suis d’humeur taquine, je vois un bavarois en culotte de peau avec une bière dans chaque main entonner un chant à boire. J’aurais pu penser pourtant au reggae de Seeed et de Patrice, ou à l’électro de Kraftwerk, mais j’aime bien rigoler. Tout ça pour dire que jamais je ne pense à du groove, cliché quand tu nous tiens !

Pourtant, deux frangins multi-instrumentistes munichois, Jan and Max Weissenfeldt, se battent depuis pas mal d’années déjà pour placer l’Allemagne sur la carte de la deep funk et de l’afro soul. Ils commencent en 1991 et sont rapidement repérés par Lyrics Born qui les signe sur le label de DJ Shadow, Quannun Projects. Ils sortent leur premier album dans la foulée sous le nom Poets Of Rhythm, un de leurs nombreux avatars et font figure de précurseurs du mouvement revival soul & funk bien avant Sharon Jones & The Dap-Kings pour ne citer que les plus connus. Depuis, ils enchaînent albums, collaborations et productions sous des noms divers et variés tels Whitefield Brothers. Jan s’émancipe ensuite pour fonder Karl Hector & The Malcouns et ainsi explorer les sonorités sahariennes et ouest africaines.

Max, de son côté, passe cinq ans avec Embryo, groupe pionnier de world music, sur une tournée européenne et africaine de 500 dates en bus. Il voyage ensuite en Asie du sud-est où il découvre l’orchestre de musique traditionnelle birmane Saing Waing, puis il passe du temps à Londres auprès des Heliocentrics. Il travaille avec d’anciens membres du Sun Ra Arkestra aux États-Unis avant son premier voyage au Ghana en 2010. C’est fort de ces expériences et de ces rencontres qu’il créé son label Philophon et son projet The Polyversal Souls.

Direction Berlin où il s’entoure de pointures tels Guy One, une superstar au Ghana, la légende de l’ethio jazz Hailu Mergia ou encore BAM, MC des Jungle Brothers et Roy X, fils du génie du Highlife Ebo Taylor. Le résultat de cette alchimie donne l’album Invisible Joy, 10 titres d’une rare intensité, fusion d’afro soul, de highlife, d’ethio jazz et de reggae. Rien à jeter dans cet opus même si mes plus gros coups de cœur vont aux chansons « Yele Be Bobre » qui ouvre l’album et « Dunia Dela Da’A », véritables hymnes dont les mélodies s’impriment instantanément dans le cerveau ! Max Whitefield décrit ce projet comme “un manifeste de Soul Power du 21ème siècle” mais selon moi le refrain de la chanson homonyme de l’album résume assez bien la démarche et l’état d’esprit du groupe : « Music is the Invisible Joy ». À écouter sans modération et après, quand vous entendrez « groupe allemand », vous penserez groove et highlife ghanéen. Sur moi, ça a marché !

– Riddimdim Selecta