Mazen Kerjab, dessinateur, peintre, trompettiste – rien que ça – l’artiste né à Beyrouth en 1975 a plus d’une corde à son arc. Invité par Why Note dans le cadre du festival des nuits d’Orient, il est allé à la rencontre de son public. Il a inauguré son exposition au sein de la bibliothèque de la Nef, au plein cœur de Dijon. Ambiance intimiste, dans la salle au plafond surdimensionnée et ornée de tableaux anciens où était présente (seulement) une petite trentaine de personnes.
On le considère comme le premier auteur libanais à avoir obtenu une reconnaissance au-delà de ses frontières. Quand on lui demande quelle relation il entretient avec le dessin, Mazen répond qu’avant d’apprendre à lire, il avait déjà la tête plongée dans des bandes dessinées. Et pour cause, de 1975 à 1990, c’était l’époque de la guerre civile au Liban. Il passait son temps à feuilleter des classiques comme Spirou chiné à son grand frère. Pas de télévision comme tous les gosses de l’Hexagone car il y avait des coupures d’électricité pendant une semaine au moins, à cause des bombardements. Ses premiers dessins, publiés, dans son blog, ont donné une réelle ouverture sur les évènements du Liban. Les habitants du monde pouvaient voir ses œuvres, et ce qui se passait réellement sous une autre forme que nous le balance les journaux télévisés de France télévisions. Pendant la guerre, il dessinait jusqu’à 200 dessins en seulement 3 jours.
Viens ensuite, « Beyrouth, Juillet – Août 2006, » C’est le nom de l’œuvre marquante et brutale qui rassemble ses dessins durant l’époque du conflit Israélo-Libanais. Certainement sa façon de faire la résistance et de laisser aller ses émotions face à cette « urgence » comme il l’appelle. En 2012, l’artiste s’est lancé le défi de faire un dessin par jour sur un agenda. – Un an, journal d’une année comme les autres – agenda qu’il a préféré de mauvaise qualité – Bah oui, c’est un artiste, il aime le challenge – Il dit en se marrant, qu’il a commencé ce projet avec une bonne gueule de bois un 1er janvier. Seule règle du jeu : ne pas retoucher à ses dessins une fois la journée terminée.
On le connaît aussi comme un trompettiste reconnu, en 2000, il joue pour la première fois à Beyrouth avec la saxophoniste Christine Sehnaoui. C’est le premier à faire un concert d’improvisation libre dans la région, Mazen est un précurseur. En 2006, quand le Liban est sous les bombes, les nuits sont longues. Il crée « Starry Night », un long morceau qu’il enregistre en rythme avec le son des obus qui éclatent à Beyrouth, sa ville natale qu’il aime tant. Pour la petite anecdote, déjà à l’époque son acolyte Sharif lui ramenait des CD de France qu’il écoutait sans même connaitre le visage des artistes.
Il y a une sorte de frénésie dans sa production. Il expérimente plusieurs techniques comme l’aquarelle, le stylo, le crayon. Ses dessins sont humoristiques, satiriques, il ne parle pas clairement de politique. À la Nef, vous verrez principalement lui, lui et encore lui. Un homme barbu représenté sur une année complète. Enfin, sur exactement, 385 jours comme il le fait remarquer. Première galère, c’était une année bissextile et en plus, à la fin de son agenda, il y avait un truc dénommé « récapitulatif de l’année », donc, il a continué. Mazen se donne tout entier à cet œuvre. Il se dévoile entièrement, ne se confie pas à moitié. Il a un penchant pour l’amour, le vin, le sexe, les femmes. Conclusion, artiste barré au style particulier, un poil dépressif, flemmard, mégalo, mais bon sang, chouette découverte.
Jusqu’au 19 décembre vous pourrez découvrir son exposition à la bibliothèque de la Nef. Aucune excuse d’en prendre plein les yeux car l’entrée est gratuite.
Il est également présent au consortium le vendredi 11 décembre, dans le cadre du festival des nuits d’Orient, avec son pote, Sharif Sehnaoui, guitariste acoustique. L’un créant la musique, l’autre créant le visuel. C’est à 19h, entrée 10 euros.
– Charline Chehida
Photos : Marion Boisard