Pluridisciplinaire, collectif et DIY : on est allés à la découverte de l’Atelier Chiffonnier. Reportage en immersion dans l’un des lieux émergents de l’underground dijonnais.

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Un hangar bordélique et mal isolé, c’est la première impression que donnent les 590 m2 investis par le collectif Chiffonnier, situés aux abords de la place du 30 octobre à Dijon. Mais, malgré l’apparent encombrement de l’endroit, on sent un fort potentiel, et les murs semblent déjà vibrer au son des futurs concerts accueillis. Le Festival MV et La Vapeur y ont déjà prévu des dates, et on ne serait pas étonnés que le lieu rencontre un certain succès, apportant un nouveau souffle dans le milieu culturel dijonnais.

Le collectif Chiffonnier nous accueille – quatre potes des beaux-arts réunis autour d’une idée commune de l’art et des moyens à mettre en œuvre pour donner à leur vie et leur ville un peu plus de sens. Ça débat, ça gueule, ça boit des bières, et on sent une saine émulation se dégager de tout ça. S’ils se sont rencontrés à l’école, c’est en donnant un coup de main à une vieille dame tenant une usine de chiffons (oui oui), qu’ils ont développé leur envie de partir sur la base de la récup’ et du troc pour fonder leurs actions. Rejetant l’idée d’institution, se positionnant quelque part entre les communautés Emmaüs et les leaders de l’Arte Povera, ils ont commencé par mener des initiatives telles que vendre des plats préparés à l’arrache sur un réchaud posé sur un cadis, grâce à des invendus du marché couvert de Dijon. Progressivement, ils ont souhaité apporter une cohérence et une légitimité à leurs actions en se constituant en association. Ça, c’était en juin 2014.

Leur pratique artistique et leur approche de l’espace urbain les poussent à explorer des bâtiments dijonnais à l’abandon, avec l’espoir un peu fou de tomber sur un lieu susceptible de devenir le leur. Et il y a un an, le miracle se produit. Ils découvrent une ancienne usine de radiateurs automobiles un peu délabrée, mais avec un potentiel monstre. Un rapide tour du voisinage leur apprend que l’endroit appartient à la SNCF et qu’il est, pour l’instant, inutilisé. Après quelques échanges avec la société de chemins de fer, ils trouvent un arrangement et obtiennent de pouvoir louer l’espace – la garantie pour l’entreprise de bénéficier d’une image de mécène culturel contre un faible loyer et quelques travaux, et pour le collectif d’avoir la jouissance d’une énorme surface au centre ville de Dijon.

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Les Chiffonniers investissent le lieu pour en faire, dans un premier temps, un atelier collectif. Malgré leur absence de moyens, grâce à la démerde et aux échanges de bons procédés entre potes et avec d’autres acteurs locaux (artisans, graphistes, âmes charitables…), ils projettent de remettre l’espace en état. La toiture devrait d’ailleurs bientôt être rénovée ainsi que les verrières. L’objectif : en faire un lieu d’échange pluridisciplinaire et détaché des carcans de l’art contemporain. S’ils sont ouverts aux propositions, ils souhaitent conserver une certaine ligne de conduite, fidèle à leurs valeurs. Ainsi, quelques projets ont déjà été déboutés, et notamment l’utilisation du cadre pour un shooting érotique…

De quelques soirées de projection de films entre potes, le collectif Chiffonnier a élaboré une programmation. Outre les concerts susmentionnés, plusieurs expositions sont déjà prévues (notamment pendant le Festival MV), ainsi que de nouvelles projections. Et les idées fourmillent.

Quand on leur pose la question de savoir s’ils n’ont pas peur que l’Atelier Chiffonnier s’institutionnalise avec le temps, la réponse est sans équivoque : plutôt se tirer une balle que de céder aux sirènes de la normalisation. Malgré un côté un peu brouillon et un enthousiasme encore à canaliser, leur objectif est clair : créer un nouvel espace de rencontre et de partage, ouvert au plus grand nombre et sans prise de tête, fidèle à leurs convictions et à leur authenticité. Tout ce qu’on leur souhaite, c’est d’y arriver.

– Marion Payrard
Photos : M.P.