Kanye West est toujours une tâche. C’est le constat qu’on peut faire du teasing qu’il a orchestré autour de son album The Life of Pablo, qui a au demeurant porté ses fruits.
C’est un fait : on a beaucoup parlé de lui ces derniers temps. Il y a eu ce clash sur Twitter au cours duquel Kanye a détruit Wiz Khalifa en une trentaine de tweets, avant de se faire moucher par son ex Amber Rose qui lui demandait si ça lui manquait de se prendre des doigts dans le cul. Magie d’Internet. Puis il y a eu le buzz autour de la nana dont le fat ass apparaît sur la couv’ de l’album, qui a été choisie par Kim Kardashian herself, forcément experte en gros boules où tu peux poser ta coupe de champ’. Ou Kanye qui envoie un tweet à Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, pour lui demander un milliard de dollars, sous le prétexte qu’il file déjà du pognon à des hôpitaux en Afrique et donc qu’il peut en injecter dans ses idées géniales. Ou Kanye, toujours, qui balance que son album ne sortira jamais dans les bacs, seulement sur Internet, et que les médias « blancs » comme le New York Times n’ont pas le droit de parler de la musique « noire ». Sans parler des nombreuses déclarations égocentriques habituelles de Kanye qui se prend pour Jésus ou Dieu et qui considère son album comme le meilleur de tous les temps. Typique de Kanye.
Au-delà de cette agitation marketing, qu’en est-il de la qualité de l’album, qu’il estime lui-même d’inspiration gospel, et qu’il a dévoilé en direct pendant un défilé de mode qu’il organisait à New York devant un parterre de génies, en particulier sa belle famille et son ex-futur-ex-beauf Lamar Odom à sa sortie de désintox ? Comme souvent avec le trublion, on aime ou on n’aime pas et c’est aussi simple que ça. Sept ans après que son pote Jay-Z annonçait la mort de l’autotune, Kanye en use et en abuse toujours plus. Ce qui rend certains titres clairement dégueulasses, comme « Highlights », « Waves », avec un Chris Brown robotisé, ou « Wolves », sorte de suite métallisée infecte du très bon « Black Skinhead » sorti sur Yeezus, un titre produit par Daft Punk à l’époque. Une fois de plus, on retrouve donc énormément d’invités de marque : The Weeknd (« FML »), Kid Cudi (« Father Stretch My Hands Pt. 1 »), Frank Ocean (« Wolves »), Young Thug (« Highlights »), Ty Dolla $ign (« Real Friends », « Fade »), etc. Sans compter Hudson Mohawke, producteur sur quatre titres. Toute cette tambouille de styles donne un effet brouillon à l’ensemble de l’œuvre. Si la touche gospel est identifiable sur la première track « Ultralight Beam », produit par Chance The Rapper, qui appelle notamment à prier pour Paris, le reste semble un medley des différents albums de Kanye Famous », avec Rihanna, rappelle l’univers de My Beautiful Dark Twisted Fantasy tandis que « Freestyle 4 » et « Facts » auraient pu sortir sur Yeezus, et « Waves » et « FML » sur 808s & Heartbreak. Finalement, ce dernier titre, ainsi que « 30 Hours » avec Andre 3000 et « No More Parties in LA » avec Kendrick Lamar, et dans une moindre mesure « Fade » avec Ty Dolla $ign, rattrapent un album qui laisse un goût amer.
Les critiques demeurent malgré tout dithyrambiques devant le génie lyrique de Kanye, qui livre ici une sorte de journal intime de star, avec tous les mauvais côtés d’une vie pas si facile que ça implique ; une sorte d’ode à la schizophrénie d’un mec qui se met continuellement en scène sur les réseaux sociaux mais qui abhorre la surexposition médiatique. Les fans, eux, y trouveront sans doute leur compte. Pour les autres, en particulier ceux pour qui l’autotune fait saigner les oreilles, une première écoute devrait suffire à se faire une idée précise. Quoi qu’il en soit, l’artiste originaire de Chicago, qui rend un léger hommage à sa ville natale Chi-Town pour la première fois sur une de ses galettes, s’est semble-t-il bien amusé avec cet album, en forme d’hommage à lui-même, comme en témoigne l’interlude « I Love Kanye ». Typique de Kanye.
– Loïc Baruteu