Dimanche matin dernier, après un week-end de concerts (merci le Traquenard), on est allé prendre un peu l’air au cœur des Grésilles. L’idée peut paraître surprenante. Pourtant, le quartier, en pleine mutation et bénéficiant d’initiatives culturelles dynamiques et innovantes, gagne à être connu et reconnu. C’est en tout cas l’idée que défend l’association Zutique productions, qui fête ses 20 ans cette année et qui a fait le choix de s’installer aux Grésilles en 2007.
Pour vous mettre dans l’ambiance, les Grésilles ont longtemps souffert de leur réputation de quartier « chaud », grandes barres HLM délabrées à la clé. Mais, en 2005, la mairie lance une politique de grands travaux visant à redorer l’image du quartier. Architectes et urbanistes sont sollicités, les tours les plus vétustes sont rasées et remplacées par des habitations plus basses et aérées. Là où le bas blesse, c’est que les habitants ne se reconnaissent plus forcément dans ces nouveaux espaces et déplorent une perte de leurs repères.
C’est dans l’optique de permettre à la population de se réapproprier ce nouveau quartier que les membres de Zutique, en accord avec les habitants, décident de mettre en place un ensemble de projets tournés vers le street art en 2016. Pour ce faire, l’équipe prend contact avec LA référence de BFC en matière d’art urbain, j’ai nommé, Juste Ici, asso bisontine organisatrice du festival annuel Bien Urbain. C’est ainsi que la rencontre se fait entre Eltono, pointure internationale en matière d’art dans l’espace public, et l’équipe de Zutique. C’est d’ailleurs lui qui avait été chargé du commissariat de l’édition 2015 de Bien Urbain.
Décision est prise de s’attaquer, dans un premier temps, aux halles des Grésilles, fraichement construites, et ceintes d’un charmant mur de béton brut. C’est Eltono qui conçoit une méthodologie pour le lieu. L’artiste est familier de ce type de projets. Ces deux dernières semaines, il a d’ailleurs partagé son temps entre Dijon et Besac, menant deux actions similaires de front. Dans chaque cas, il a mis en application sa pratique artistique, qui s’articule autour du déploiement de formes géométriques colorées dans l’espace.
« Ça donne envie de regarder le mur »
À Dijon, grace à un partenariat avec le centre social et la MJC des Grésilles, les enfants sont placés au cœur du projet. Regroupés en binômes, chacun se voit attribuer une portion égale du mur. Chaque parcelle est ensuite divisée en six carrés égaux et chaque groupe tire au hasard six formes géométriques à répartir dans les différents carrés, ainsi que la couleur. Les enfants sont donc responsables de la composition de leur morceau de mur et de sa réalisation.
Le but est de permettre aux gamins du quartier de prendre possession de leur environnement et de participer à un travail plastique de qualité dont ils pourront revendiquer fièrement la paternité. Et ça fonctionne plutôt pas mal. Pour Louis, Loïc et Shams-Eddine, 11 ans tous les trois, « ça donne un coup de peps » et « envie de regarder le mur ». Les trois compères le disent avec un brin d’orgueil, ils aimeraient bien que les gens viennent aux Grésilles voir leur fresque.
On est effectivement séduit par leur réalisation abstraite aux couleurs vives et par l’effet produit sur ce quartier un peu terne. Situées le long d’une route passante, les halles invitent désormais à la contemplation et s’intègrent dans un patrimoine artistique dijonnais, dans lequel l’art urbain a encore du mal à se frayer une place. Mais Eltono se dit confiant. Malgré la défiance du monde l’art contemporain et la confusion existante entre graffeurs sauvages et artistes de rue, des pratiques comme la sienne commencent à connaître une certaine renommée et à trouver leur public. Et c’est vrai qu’on souhaite volontiers que des initiatives comme celle-ci se multiplient, à Dijon et ailleurs. On envierait presque nos voisins bisontins, largement en avance en la matière.
Prochaine étape du projet, prévue pour cet été : réaliser une signalétique, balisant les principaux bâtiments du quartier, permettant aux habitants de retrouver leurs repères. En attendant, on vous incite vivement à aller voir la fresque, et pourquoi pas, à découvrir le quartier.
– Marion Payrard
Photos : M.P.