Le Festival du Film Policier de Beaune vient de se terminer : retour sur quelques jours d’un festival pluvieux, entre films transgenres et masterclass de Brian De Palma.

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Sérieux ?! De Palma ?!

La rétro De Palma était on ne peut plus rapide. Difficile de parler même de rétrospective lorsque six films seulement sont diffusés. L’occasion tout de même de revoir sur grand écran Blow Out, Les Incorruptibles, Scarface (le film « too much » comme De Palma le définit lui-même) et quelques autres.

Mais passons outre. Le Festival International du Film Policier de Beaune avait un atout de taille : De Palma lui-même lors d’une masterclass le samedi après-midi. Je me suis demandée pendant quinze jours pourquoi l’orga du festival avait décidé de quitter le Palais des Congrès pour recevoir la star américaine dans la « grande salle » du Cap Cinéma, soit 316 places… J’ai eu ma réponse le jour venu : habituée des files d’attente, je me suis pointée à 13h00 (la rencontre est à 15h00) et là, surprise : nous sommes vingt. Nous serons une cinquantaine au bout d’une heure. Alors certes la presse rentrera en premier, mais je me rassure assez vite. Il me semble difficile de voir 250 journalistes se pointer. Ce ne sera effectivement pas le cas. La salle sera au final presque remplie mais de justesse. Incompréhension totale de ma part : mais que foutent les gens ? Les Houblonnades ? Ah ouais. D’accord.

La rencontre dure deux heures, animée par Jean-François Rauger, programmateur de la Cinémathèque française, et on ne voit pas le temps passer. Trois extraits (Pulsions, L’Impasse et Passion, le petit dernier en date) autour desquels De Palma raconte avec simplicité ses débuts, ses influences et ses envies. Le ton général est léger, souvent drôle. Quelques vraies leçons sont disséminées ça et là : présenter un décor avant d‘y orchestrer un massacre, ne pas oublier la beauté, le split screen… 75 ans, mais la verve d’un jeune homme. Le cinéma conserve, au moins mentalement. De loin, de très, très loin le climax de ce festival qui a au moins le mérite d’exister rien que pour ces deux heures.

Et les films ?

Côté compétition, une vraie grosse claque avec Les Ardennes de Robin Pront, premier film. Au démarrage poussif, le réalisateur oppose une fin improbable et surprenante. À l’affiche, entre autres ; Veerle Baetens (héroïne de Alabama Monroe), qui tente de refaire sa vie avec le petit frère de son mec enfermé pour quatre ans en prison. Sauf que, bien sûr, le grand frère revient. On sent poindre le drame sentimental pénible : on lui dit ? On lui dit pas ? Très vite cependant le film embraye et part à toute blinde, dans les Ardennes justement. Et jusqu’à la fin, on oscille entre le polar anxiogène et les grosses blagues potaches. C’est froid et aride comme le flamand. Et d’une efficacité saisissante. Le film a été récompensé par le Prix Sang Neuf et sortira le 13 avril.

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Man on High Heels, film sud-coréen de Jang Jin remporte le Grand Prix de la compétition classique. À juste titre : la violence et toute la noirceur du polar se retrouvent largement dans l’histoire de ce flic qui va sauver une jeune fille frêle et sans défense avant de raccrocher. Ce personnage et tout ce qu’il a de fascinant, la force, la rapidité, la classe, en un mot la virilité, vont rendre tout chose le boss de la mafia, troublé devant le ténébreux flic. Sauf que ce beau brun se rêve en belle brune. Hormis les flashbacks un poil convenus et patauds qui racontent l’éveil de la féminité chez le jeune garçon, ce film prend tous les poncifs du genre et les retourne comme une vieille crêpe. C’est drôle et noir à souhait. Un petit bijou.

Sinon il y avait quand même un film qu’on ne vous conseille pas : Sky de Fabienne Berthaud. Beaucoup trop de bons sentiments et de grosses ficelles dans l’histoire de cette femme (Diane Kruger) qui va, en voyageant, se libérer, devenir elle, gniagniagniagnia. C’est Gilles Lellouche qui donne la réplique à Kruger, et ce simple duo aurait dû me mener assez rapidement vers la sortie. Mais le casting du film avait deux surprises de taille : Norman Reedus, l’arbalétrier de The Walking Dead, qui joue au cowboy troublant, et Lena Dunham (Girls), qui elle campe à merveille, bien loin de la jeune new-yorkaise, une mère de famille vulgos et paumée.

Et donc, ça vaut le coup ?

Concernant l’ambiance générale, Beaune a tout de même un peu de souci à se faire. Les salles sont très petites et il est possible de se faire refouler. Mais dans l’ensemble, l’esplanade du cinéma est vide. Peu de dynamique donc, pas d’esprit festival. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y avait moins de monde que pour les sept éditons précédentes. Cela ne laisse rien présager de bon pour la neuvième édition… Dommage, car Beaune a dévoilé de belles surprises cinématographiques. Et a permis à quelques fans de rencontrer une figure majeure du Nouvel Hollywood. Et ce n’est pas rien.

– Melita Breitcbach
Photos : M.B., DR