Ça faisait déjà un moment qu’on avait envie d’aller faire un tour à l’atelier de la rue Guillaume Tell. On a donc profité du vernissage de l’expo de Grégory Pouillat pour découvrir ce lieu alternatif dédié à la sérigraphie, entre atelier, galerie et boutique. Chouettes illustrations, bonne ambiance et open blanc cass’ au programme.

On arrive vers 18h, soit relativement tôt ce qui n’est pourtant pas dans nos habitudes. Début du vernissage. Pas grand monde sur les lieux, on est un peu intimidées au point de ne pas oser toucher au buffet pourtant bien alléchant. Sur place deux espaces : la salle donnant sur la vitrine qui fait simultanément office de boutique et de lieu d’exposition, et à l’arrière la partie atelier avec les presses. Le lieu n’est pas très grand ce qui lui confère un caractère confidentiel plutôt charmant. On jette un coup d’oeil aux dessins et lithographies de Grégory Pouillat ainsi qu’au coin « boutique » et très vite on est conquises. L’endroit se remplit peu à peu. L’ambiance chaleureuse et les petits fours maison achèvent de nous convaincre.

C’est Joy, co-fondatrice de l’atelier, qui nous détaille un peu son histoire. Ils sont quatre à l’origine du projet, Juliette et Joy donc, qui se sont rencontrées aux beaux-arts de Dijon, puis Olek et Saman, avec qui germe l’idée de créer un atelier. L’enjeu premier est de mettre en commun un matériel coûteux destiné à la sérigraphie. Le lieu a ouvert fin juin mais c’est surtout en septembre que la machine commence à tourner. Progressivement, l’association diversifie ses activités pour transformer l’endroit en un véritable couteau suisse de la sérigraphie ; à la fois atelier, commerce, et petite galerie d’art, proposant aussi ses services tant aux particuliers qu’à des sociétés.

Outre des sessions d’initiation tout public dont certaines sont destinées aux plus jeunes (thème : imprime ton t-shirt) – un projet avec la Minoterie est en cours – l’atelier propose des stages plus complets, pour ceux qui souhaitent approfondir leur pratique de la sérigraphie. Il est également possible de louer le lieu pour avoir accès au matériel, ce qui peut intéresser une start-up ou des associations. Plusieurs partenariats ont déjà été instaurés avec des institutions dijonnaises culturelles ou sportives : La Vapeur, Shifty Board Shop… Depuis janvier 2016, l’atelier voit ainsi se multiplier activités et nouveaux contrats.

Ce sont désormais huit personnes, arrivées lors de deux vagues successives et notamment lors de workshop, qui font vivre l’atelier. Et si la sérigraphie, la reliure et l’imprimerie en général restent au cœur du projet, l’introduction d’autres techniques, telle que la linogravure, est aussi la bienvenue. Pour Juliette, c’est ce concept atypique autour duquel se réunissent des personnalités différentes – avec déjà leurs propres techniques dans leurs bagages – qui font du Tâche Papier un lieu hétéroclite, ni white cube ni seulement simple atelier.

Un parti-pris plastique

C’est Juliette, d’ailleurs, qui est à l’initiative des expositions temporaires. La galerie et son parti-pris plastique participent de la reconnaissance et la promotion de jeunes artistes. Ce n’est pas toujours l’apanage de professionnels, l’asso privilégiant toutefois le travail de ceux qui ont une pratique artistique régulière. Les techniques diffèrent mais restent intimement liées au papier. La sculpture ou la vidéo ne sont pas évincées mais le cadre ne s’y prête pas vraiment.

Indépendante et ne bénéficiant d’aucune subvention, l’association doit s’autofinancer, notamment par la biais de la boutique où se vendent t-shirts, tote-bags, papeterie et goodies en tout genre, réalisés par les membres de l’atelier. Souhaitant promouvoir le lieu auprès du plus grand nombre et inciter les gens à y venir, Joy et les autres misent sur les salons et évènements culturels, comme le festival Interactions qui se déroulait à la Ferronnerie la semaine passée, ou encore (sortez vos agendas) le second Creative Market organisé par « Suivez cet ananas » qui se tiendra les 15, 16 et 17 avril… à la Ferronnerie encore et toujours – ne cherchez pas, c’est the new place to be.

On refait un tour, on réclame un blanc cass’, on chippe une part de cake et on s’extasie devant les tote-bags réalisés pour l’occasion, avec l’impression de retomber en enfance, une sale envie de tripoter les machines et de « mettre les mains dedans ». Le motif choisi est bien évidemment tiré de l’exposition : un lapin, œuvre de Grégory Pouillat, qu’on demande à rencontrer (Grégory, pas le lapin. Suivez un peu bordel). C’est Joy qui a souhaité valoriser son boulot, dont le style graphique n’est évidemment pas sans rappeler les thématiques privilégiées par l’asso.

Un peu timide mais fervent lecteur de Sparse, il est d’abord passé par une formation de graphiste avant de se lancer dans le dessin et l’illustration en autodidacte. Originaire de Mâcon, Grégory nous explique qu’il bosse de plus en plus souvent avec des assos chalonnaises, plus dynamiques à son goût. On perçoit chez lui un certain enthousiasme  ; il revendique son intérêt pour une autre forme de discours que celle portée par les institutions culturelles traditionnelles. C’est aussi pour ça qu’il a recourt à la sérigraphie, technique plastique pas forcément connue du grand public et qu’il souhaite contribuer à démocratiser.

Le discours du garçon, modeste et sympathique, a un côté très rafraîchissant. On l’interroge sur les multiples références au conte présentes dans ses dessins et il nous parle de son engouement pour Arthur Rackam, illustrateur phare du début du XXème siècle, et à qui l’on doit notamment certaines images de Alice au pays des merveilles. Il précise toutefois que cette exposition se veut plutôt « récréative » et qu’il produit aussi un travail plus militant, au travers de vanités qui portent sur des thèmes sociaux d’actualité, comme la question des migrants. Pour lui, c’est le boulot des artistes de savoir mêler divertissements et propos plus sérieux, et de mettre du fond dans la forme.

Séduites par le lieu, repues et pompettes, on repart, tote-bag sous le bras et fondant au chocolat à la main, en se disant que vraiment, on y retournera bien vite.

– Marion Payrard et Axelle Gavier
Photos : M.P.

Atelier Tâche Papier : 31 rue Guillaume Tell à Dijon