Bit est un spectacle sur le bit, l’unité de mesure de base en informatique qui renvoie à un fonctionnement binaire, mode 1/0. Comme notre avis sur le spectacle : j’aime/ j’aime pas.

La pièce est de Maguy Marin : danseuse, chorégraphe toulousaine (comme Zebda, mais pas vraiment pareil), elle met en scène depuis la fin des années 70 dans la lignée de Pina Bausch (en ne faisant pas que de la danse et en y intégrant des éléments théâtraux). La dame est devenue une référence dans le milieu comme Zebda dans celui de la chanson engagée.

C’est aussi le beat ici. Le rythme, le tempo qu’il va falloir suivre. C’est une danse collective qui ouvre le spectacle. Six danseurs apparaissent progressivement sur le plateau, émergeant de la pénombre, au milieu de plans inclinés. D’abord calme, le rythme va s’accélérer. La danse ressemble à un bon vieux sirtaki. Très vite l’ensemble devient hypnotique grâce à la musique et aux six danseurs, impeccablement calés comme dans la danse synchronisée. C’est d’ailleurs très vite l’enjeu qui sous-tend cette danse qui s’accélère. L’un d’eux va-t-il faillir ? Perdre le rythme ? Faire un faux pas ? Rien de tout cela. Cette intro assez simple génère simplement une multitude de questions autant légères qu’essentielles. Suivre le rythme, faire un faux pas, dans la danse comme dans la vie.

Puis commence le cœur du spectacle qui m’échappe beaucoup plus. Non pas que je ne le comprenne pas mais il me parle beaucoup moins. J’ai l’impression de voir une caricature d’un théâtre arty qui va « bousculer notre tranquillité » et « remettre en cause nos certitudes ». Cette partie « lethéâtrecontemporaincesthyperbiiiien » débute par un tableau au sens propre assez magistral. Sur l’un des plans inclinés, sur un drap rouge, tous les corps, drapés mais presque nus, glissent et s’enchevêtrent pour former un Géricault ou un Delacroix d’une sensualité et d’une beauté saisissantes. C’est une fois à terre que tout bas-cul. Mime de fornication ; représentants religieux mimant encore la sodomie nécrophile (je reconnais tout de même là une certaine audace) ; dégringolade cupide, et suicide de jeune femme à cause du harcèlement d’un homme. Tout y passe, le bit devient opposition homme/femme, spirituel/physique, vie/mort, bobo/pas bobo. Trois gracieuses Parques glissent discrètement sur le plateau pour nous rappeler que tout cela ne tient qu’à… un fil ! Bingo.

Le spectacle redevient ce que les premières minutes avaient ébauché : une farandole, en mode classe cette fois (respect éternel à cette danseuse en talons sur le plan incliné). Cette farandole oblige à être attentif à l’autre pour que l’ensemble avance. Cette ronde, à bien y regarder, pourrait devenir l’image de toute société qui chercherait l’équilibre parfait entre l’individuel et le collectif. Une société où se tenir par la main serait à la fois un enjeu et un but, un idéal. La dernière image du spectacle nous tend encore l’image de la dualité, celle d’un saut dans le vide à la fois suicide et envol. À nous de choisir.

– Melita Breitcbach
Photo (c) Didier Grappe