Du 10 au 14 mai se tenait le Festival Direct à Dijon, engeance évènementielle dédiée aux musiques, quasi toutes électroniques, expérimentales et bruitistes. Retour sur la semaine.

Le parc musical dijonnais, qu’il soit local ou importé, tourne bien trop souvent autour des mêmes thématiques : dub, rap, dub, pop rock, dub, et pas souvent plus à se caler dans le crâne. Prenant place dans différents lieux de Dijon tels l’Alchimia, le Consortium, le Deep Inside et… le Shanti, rue Berbisey, émerge Direct. Et dans le paysage musical local, ce Festival Direct dénote. Deuxième épisode de celui qui fut nommé Bruit Direct l’an dernier pour sa première mouture, festival financé cette année en partie par plate-forme de crowdfunding. L’argent restant servira d’ailleurs à monter un label musical expérimental, Collection Direct, dont la première sortie sera l’enregistrement des différents lives du festival 2016.

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L’ouverture se fait à l’Alchimia et, entre deux sérigraphies par l’Atelier Le Tâche Papier et une grosse quantité de disques vinyles noise et de musique industrielle à en faire pâlir de jalousie ton cousin étrange (celui qui ne sort jamais de sa chambre), on y croise Blanchecaille Enragée et Farrah Bagarre pour un duo mix techno-vidéo Dragon Ball/Jean-Claude Van Damme, accompagnés de tables fournies de… bouffe vegan ; légumes frais, houmous et cacahuètes. L’ambiance est posée : Direct, festival de musiques expérimentales « improvisées & radicales », peut commencer et, comme son sous-titre l’indique, la musique sera exigeante et, n’aie pas peur, radicale. Preuve en est chez Mu, lieu dijonnais de la modification corporelle, dans lequel se trame, le lendemain, une performance body music réunissant la bien nommée Martine Quipique, dont le fait musical de cette soirée se joue accompagné de cassettes audio, d’ondes et… d’aiguilles plantées dans les bras ou sur le torse. Selon elle, pas de douleurs, pas de mal ; les aiguilles sont aussi grosses et effrayantes que les pointes de ton compas que tu t’amusais à te planter dans le bras, au collège. Body music, oui encore, avec l’équipe d’Endorphing Rising, guitare frénétique jouée en suspension, mais… restez-y, en suspens : les « suspensions » ? On aura l’occasion d’en reparler.

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Les deux jours suivants se montrent moins dans la performance visuelle et plus dans les clous, sans faire de mauvais jeu de mots, mais pas pour autant plus dans le calme. Se partageant le Consortium et le Deep Inside, le jeudi en début de soirée laisse place aux Égyptiens de The Invisible Hands (menés par l’Américain Alan Bishop, du groupe expérimental eighties Sun City Girl), pour finir au Deep Inside avec le combo gagnant entrée, plat, fromage et dessert Sydney Valette, Eon, Adrien Silvestre et Simon Deterne, tout de drone vêtus, à l’exception de Sydney Valette et sa synthpop. Le point de chute se fera le sur-lendemain, le samedi, au Shanti, pour un après-midi ouvert sur les bourdons de qui voudra bourdonner. Le drone, c’est une technique musicale reposant sur de longues notes, soit très minimaliste, soit bourré de subtilités. Dans les deux cas, encore un truc qui trouve ses racines en Inde. Ça et le curry. Un après-midi avec très peu de monde, mais relâche, repos, méditation sonore ; un trop de curieux aurait abimé l’esprit tranquille de l’évènement. Ici, les gens sont sages, deux ou trois s’endorment presque, bercés par les sons de transformateurs électriques.

Victor Tsaconas, par ailleurs fondateur et tête pensante du festival, ouvre la journée et, en plus d’y remarquer en final une nouvelle prestation du sus-cité Simon pour un solo de drone très progressif, deux joueurs de tampura (notez l’orthographe puisqu’on ne parle pas de fritures japonaises) dont le style musical ET vestimentaire nous ramène droit dans ce que, déjà, le Shanti nous évoque, se ramèneront pour faire le lien et offrir la seule prestation totalement non-électronique du festival, sans sortir pour autant du cadre artistique, d’ailleurs. Ah, ces hippies…

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On remercie l’après-midi drone de la même journée pour son repos offert sur un plateau à thé ambiance Hare Krishna, car le dernier trio de concerts du samedi soir sera intense. Le local Andréa Spartà ouvre et présente son nouvel album SIMULACRA, calme, plein de bonnes idées, de sons et samples naturels, assez sobre dans le fond mais plutôt efficace en ouverture de soirée. La suite garde un équilibre pratique, avec dans un premier temps une tempête de bruit craché par la vielle amplifiée d’Yvan Etienne ; drone encore, aucun répit, difficile d’accès – comme le reste – pour le profane mais vraiment très intéressant pour l’initié ou le curieux. Pour finir en beauté, autre grand nom du festival : le guitariste du célèbre Amen Ra, groupe belge de post-punk hardcore moite et d’un froid brûlant que l’on retrouve ce soir-là sous son projet Syndrome, où la guitare électrique s’y fait orchestre de corbeaux et de décors gelés contemplatifs saisissants. La coupure du dernier morceau du gars est nette et radicale, le public est jouasse. C’était Direct, c’était bien, et c’était pas du dub.

– Doug Ritter
Photos (c) Farrah Bagarre & Mathieu Arbez Hermoso