Allen nous promène entre le Hollywood des années 50 et le New York de la même époque avec tous les poncifs du genre. Si l’histoire est centrée sur le couple Stewart/Eisenberg, le film glisse régulièrement vers les autres membres de la famille : les parents juifs, et la mère surtout plus désespérée que son fils, qui se convertissent au christianisme ; l’aîné, caïd de la pègre qui vient régulièrement couler des corps dans le béton ; la sœur, institutrice, mariée à un universitaire dont elle-même ne comprend pas toujours les propos.

Avé César des Frères Coen nous proposait l’année dernière une plongée plus franche dans l’univers du cinéma puisque l’on passait de plateaux en plateaux et de loges en loges. Ici, Allen s’amuse à convoquer tous ceux et celles qui ont fait la renommée d’Hollywood : Valentino et sa lettre d’amour, Barbara Stanwick et Ginger Rogers (que Carrell essaye d’avoir dans son agence et qui joue le pendant du rôle de Josh Brolin dans le Coen), Judy Garland, Hawks et quelques autres. Pas un plateau, pas un de ces acteurs ne sera montré mais leur simple évocation suffit à créer l’ambiance de cette période mythique.

243266.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxEisenberg est magistralement touchant et trébuchant, maladroit avec les filles comme l’indique très clairement la scène avec la jeune prostituée qui débute tout autant que lui et qu’il finira par définitivement congédier en apprenant qu’en plus elle est juive ! Il devient l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur avatar allenien, doublure moderne d’Alvy Singer.

Kristen Stewart arrive donc dans l’univers du réalisateur après la sublimissime Emma Stone. Et c’est avec beaucoup de grâce et de délicatesse qu’elle s’y fond tout naturellement dans l’écrin chaleureux du film. Étant très malheureusement passée à côté de Twilight, je la découvre pour la première fois au cinéma et j’avoue que le charme opère et que la rencontre a bel et bien lieu. Elle aussi s’invente parfaitement comme double libre et émancipée d’Annie Hall.

Et c’est dans une image chaleureuse et dorée, à l’instar du climat hollywoodien, que ce couple se trouve, se cherche et hésite avec autant de grâce qu’un pas de deux de Ginger Rogers et Fred Astaire. La pointe mélancolique qui ondule autour des personnages nous rappelle que ce brillant réalisateur n’est plus tout jeune et que la mort, du couple, de l’âge d’or du cinéma, des illusions, et peut-être la sienne, n’est plus très loin.

Un petit bijou donc, à aller voir en VO au Devosge.

– Melita Breitcbach
Photo : DR