C’est au détour d’une soirée-concert avec Iltika et Feu! Chatterton que j’ai mis les pieds pour la première fois au Moulin. Le Moulin de Brainans, cette salle de concert si éloignée des Dijonnais ou Bisontins qu’elle me semble faire partie d’un épisode des Envahisseurs. Je me prends même à jouer le rôle de David Vincent. Au loin dans le brouillard, une forte lumière. Je me dirige vers elle et une ambiance coutumière vient me chatouiller ; ce ne sont pas des extraterrestres mais des habitants de Poligny ou Arbois qui viennent écouter de la musique. Plongée au coeur d’un lieu hors du commun.
Les souvenirs sont lointains mais bien vivants. Difficile d’oublier cet endroit si atypique. La visite de ce lieu singulier se fait avec Claire Fridez, directrice du Moulin de Brainans, au parcours complètement fou.
Retour en arrière, avec Promodégel, une association née en 1979 pour dégeler les oreilles des Jurassiens. Cette asso itinérante rencontre un argentier suisse fan de musique qui vient d’acheter ce vieux moulin, construit au XVIIIème siècle et qui a déjà servi aux boulangers, aux maquisards, mais qui a également fait office de boîte de nuit, de bowling, de porcherie ou de pizzeria (« le Kansas »). L’argentier propose à Promodégel de s’installer dans les lieux. En 2000, les travaux d’agrandissement commencent avec cette salle à étages (trois mezzanines) qui permettra dorénavant d’avoir une jauge de 700 personnes pour un village qui en contient à peine une centaine… Ces extraterrestres viennent de très loin, de la plaine de la Bresse aux coteaux dijonnais pour suivre leur actualité culturelle et musicale.
Le point de départ de tout ça pour Claire ? Suite au refus de son frère de l’emmener faire la bringue, car « il a sûrement peur des envahisseurs », elle rencontre une copine qui est bénévole au Moulin et qui l’embarque dans ce qui sera son histoire. De madame vestiaire à la billetterie, de la cuisine au bar, elle prend un poste dans la structure, car ses études de chimie ne la passionnent guère. Afin de définitivement incorporer le monde du spectacle, Claire reprend des études et choisit la communication à Lyon. De La Vapeur à Dijon au Noumatrouff à Mulhouse pour ses expériences, elle devient assistante communication puis administratrice et enfin directrice il y trois ans. Au Moulin, sa troupe d’extraterrestres se compose de six salariés et cinquante bénévoles actifs, pour accueillir environ 15 000 visiteurs par an. Cet ovni est labellisé SMAC, qui définit des missions bien spécifiques : celle par exemple de fabriquer leur propre produit comme « La Franche », un breuvage bien spécifique que ton pote David, Antoine, ou Vincent s’enfile dans leurs soirées jurassiennes…
Depuis son arrivée, Claire a clairement mis un coup de boost à la programmation en faisant venir des artistes de toute la galaxie, ce qui lui a permis de redresser la barre et, en bon capitaine, de ramener le Moulin sur les flots des musiques actuelles. Les envahisseurs cette saison s’appellent Radio Elvis, Wax Taylor, Danakil, Jeanne Added… Du beau linge. En fin de compte, ce sont les artistes qui en parlent le mieux, du Moulin.« Ici tout le monde a le smile, l’accueil est humain », assure Sid, chanteur du groupe Iltika. Arthur, chanteur de Feu! Chatterton aura le mot de la fin : « Cet endroit est perdu mais ce soir la communion a été magique, le Moulin c’est extra… »
– Benjamin Moreux
Photo : DR