La troupe dijonnaise des 26000 couverts squatte le Grand Théâtre avec son dernier spectacle, un délire de deux heures qui dépoussière le théâtre.

“C’est pas un spectacle, c’est des débuts d’idées pour un spectacle de rue qui aura lieu dans un an, sur le thème de la mort.” D’entrée, tu sais à quoi t’en tenir. Le titre à rallonge et la réputation des 26000 couverts auraient déjà dû te mettre la puce à l’oreille. Même si tu es au Grand Théâtre dans un bel écrin, le spectacle que tu es venu voir est complètement cinglé et il ne faut que quelques instants pour s’en rendre compte.

« Perdre de vue la mort, c’est perdre le sens de la vie. »

Les acteurs enchaînent les situations burlesques, sur le thème de la mort donc. La Mort, tournée en ridicule, comme lorsqu’elle est complètement bourrée dans un des sketches qui ponctuent la représentation. Si le rythme est parfois inégal, avec des scènes tantôt déjantées, tantôt plus bavardes, le public apprécie et se fend la gueule. Des jeunes, des vieux, des bourgeois guindés, des étudiants, des junkies : “j’ai envie de couler une douille.” Oui, fais ça, jeune. Il faut dire que le spectacle est parfois sous acides.

Ça ressemble à de l’impro’, même si ça n’en est pas. Les situations ubuesques s’enchaînent, les acteurs se moquent de la mort, tournent en ridicule l’absurdité de la vie, dans un ballet déjanté de personnages hauts en couleur. Si tout est évidemment calibré, la représentation est ponctuée par les interventions des acteurs qui précisent que ce spectacle n’est qu’une répétition d’un spectacle de rue, dans un théâtre, ce qui n’est forcément pas l’idéal mais qui rajoute au folklore dingo de la pièce.

Les 26000 couverts multiplient les quiproquos, brisent les codes du théâtre, enchaînent des sketches du quotidien avec des scènes surréalistes, comme une opérette saugrenue, l’entrée d’un orchestre sorti tout droit de la Fête des morts, des délires inventifs avec les moyens du bord et surtout ce moment épique où les acteurs se déchaînent sur et autour d’un échafaudage censé représenter une marionnette géante, avec effets pyrotechniques (genre compagnie de rue).

Il n’y a jamais de moment de répit. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, le théâtre ne doit pas l’être non plus. La mise en scène évolue constamment, les personnages changent de rôle, raillent le faux à l’excès, tournent le théâtre en dérision, la mort, la vie, dans une tornade qui fait écho aux rires aux éclats de l’audience. Ils se moquent du théâtre de rue, du théâtre conventionné, des personnes qui le font… Comme eux… C’est du pur 26000 en fait, dans le style du Shakespeare, pour ceux qui s’en rappellent. À bien y réfléchir, et puisque vous soulevez la question, il faudra quand même trouver un titre un peu plus percutant est encore à l’affiche tous les soirs cette semaine au Grand Théâtre et on te recommande chaudement d’y aller, parce que tu vas te pisser dessus. Même si franchement, ils auraient pu le faire avec facile une demi heure de moins. C’est bien de savoir finir un spectacle.

– Loïc Baruteu, avec Chablis Winston
Photo (c) Christophe Raynaud de Lage, Théâtre de Bourgogne