Groupe à la fois emblématique et totalement atypique de la scène post punk anglaise des années 80’s, And Also The Trees, passera par Dijon ce samedi 15 octobre au Théâtre des Feuillants pour présenter son dernier album ‘Born Into the Waves’. Rencontre avec Simon Huw Jones, chanteur et parolier du groupe.
Vous avez joué à Dijon il y a 4 ans pour le festival ‘Kill Your Pop’. Quel souvenir gardes-tu de ce concert à l’hôtel de Vogüé ?
Simon Huw Jones : Ce concert est plus fort que les autres dans ma mémoire, c’est un lieu remarquable où jouer… Je me souviens ce que j’ai ressenti, de l’odeur de la pierre à la la forte présence du passé. C’était une de ces occasions ou on se sent privilégié de jouer quelque part. Le public était réceptif, nous avons bien joué et nous avons rencontré ensuite les organisateurs du festival qui était des gens très bien, passionné de musique et très hospitaliers. Je me rappelle que nous sommes allés voir et toucher le chouette sur le mur de la cathédrale qui n’était pas très loin.
Robert Smith vous a invité à ouvrir pour The Cure pour 3 soirs consécutifs en décembre 2014 au Eventim Apollo de Londres (ancien Hammersmith Odeon), comme cela avait été le cas 3à ans auparavant. Comment cela s’est passé ? Gardez-vous de bons contacts avec Robert Smith et les autres membres du groupe ?
SHJ : Justin (frère de Simon et guitariste d’And Also The Trees) est toujours resté en contact avec Robert – il veut toujours écouter nos derniers albums. Il voulait depuis quelques années que les deux groupes rejouent ensemble – et ce fut occasion idéale. Ça a été une expérience très positive et ce fut génial de le revoir à nouveau après toutes ces années. C’est vraiment un mec bien. Nous connaissons aussi Simon Gallup (bassiste de Cure) quand nous avons tourné avec eux dans les années 80 mais aucun des autres. Nous avons surtout discuté football avec Simon, ainsi qu’avec son frère excentrique Rick qui a réalisé le film ‘Carnage Visors’ et qui était notre éclairagiste pendant de nombreuses années.
Robert Smith a produit votre deuxième démo en 1982 et Lol Tolhurst (batteur de Cure) avait quant à lui produit votre premier album en 1984…
SHJ : C’est exact. Ils nous ont soutenu et encouragé à nos tout débuts. Nous n’avions personne d’autre – pas de management ou d’amis dans le business, dans d’autres groupes ou dans la presse – nous n’étions juste que des gamins qui avaient formé un groupe dans leur chambre quand nous avons eu nos premiers contacts avec eux.
Vous avez joué au Japon pour la première fois l’année dernière. Comment vous a accueilli le public ?
SHJ : De façon excellente – nous avons joué deux soirs dans un club à Shinjuku et il y avait là des gens qui nous avaient suivi depuis la sortie de notre tout premier single ainsi que des plus jeunes qui venaient de nous découvrir – ce fut une très grande expérience pour nous. C’est un peu dommage que nous n’ayons pas pu y aller plus tôt quand nous étions en haut de la vague en tant que « nouveau » groupe parce que nous avions alors beaucoup d’intérêt au Japon… de la presse et même la TV. Mais ce qui compte, c’est que finalement, nous y sommes allés.
Ce voyage au Japon, ainsi que ceux que vous avez fait dans des pays dans lesquels vous n’aviez jamais encore joué, comme l’Ukraine ou la Lituanie, ont été en partie une inspiration pour le nouvel album…
SHJ : Nous avons toujours été influencé par notre environnement et d’une certaine manière, c’est une des choses qui nous a rendu un peu à part des autres groupes car nous avons été influencé et inspiré par notre environnement quand nous vivions au milieu de la campagne dans une partie démodée de l’Angleterre, mais aussi par son histoire, ses habitants, et ses paysages… pas exclusivement, certes, mais cela a participé pour une grande partie dans le style et le son d’And Also The Trees. Et nous continuons à être influencé par ce qui nous entoure, ce qui inclut bien entendu les voyages que tu as mentionnés dans l’Est… Même si ce ne fut que des visites fugaces, elles ont laissé une forte impression et nous les avions en tête quand nous écrivions ‘Born into the Waves’. L’espace et la distance ont été des ingrédients importants pour nous dans l’écriture de cet album.
‘Born into the Waves’ est votre quatorzième album, pour une carrière de plus de 35 ans. Comment s’est passé l’enregistrement ?
SHJ : Les premiers enregistrements ont été fait à Herefordshire en Angleterre – dans cette ancienne grange où nous avions enregistré la plupart de nos derniers albums. Ce n’est pas un studio d’enregistrement, c’est juste qu’il y a un très bon son, et que c’est un endroit paisible pour travailler. Notre ingénieur du son possède sa propre entreprise, et il a pu apporter tout le matériel d’enregistrement sur place. Les voix ont été enregistrées dans ma maison du sud de la Bourgogne, la guitare de Justin à Londres… ce qui semble un peu décousu mais c’est la meilleure façon que nous avons trouvé pour travailler maintenant, en plusieurs étapes. Mais au final, cela sonne. Quand j’enregistre, je ressens toujours la présence des autres musiciens.
Est-ce qu’un nouvel enregistrement est un nouveau défi ?
SHJ : Chaque nouvel enregistrement est un défi à sa manière… comme tout travail créatif.
Est-ce compliqué de vivre loin des autres membres du groupe quand vous enregistrez de nouveaux morceaux ou quand vous devez répéter ?
SHJ : Ce n’est pas difficile d’être éloigné en ce qui concerne la créativité car je travaille toujours seul. J’aime être avec les autres mais malheureusement la solitude est mon environnement le plus créatif pour écrire et pour la musique. C’est un frein d’avoir à prendre l’avion pour les répétitions en Angleterre, oui… mais d’un autre côté, l’Angleterre reste comme ma maison donc je suis heureux d’y retourner.
Tu vis à Genève, mais aussi en Bourgogne. Qu’est-ce qui t’a fait choisir ces deux endroits ?
SHJ : Ma femme est Suisse – Suisse-italienne en fait – mais elle travaille à Genève donc il a été assez logique pour nous de déménager la-bas. Mais pour posséder une maison ou même un appartement à Genève, il faut être plutôt riche, ce que nous ne sommes pas… J’aime Genève, c’est toujours une nouveauté pour moi de vivre dans une ville après avoir vécu à la campagne, mais après une semaine ou deux, j’ai besoin de m’échapper. La partie de la Bourgogne ou nous avons acheté une maison est très belle et très calme… ce n’est pas très loin de Cluny. J’y aime tout : les collines, le bétail charolais, le silence. C’est un paysage puissant.
Depuis le dernier album, la composition d’And Also The Trees a changé… Ian (basse) et Emer (claviers, dulcimer) étaient dans le groupe depuis longtemps…
SHJ : Oui, des circonstances hors de notre contrôle… C’est triste. Mais Grant et Colin apportent de nouveaux ingrédients… ce qui est cool.
Comment peux-tu expliquer que les français aiment sans doute plus le groupe que les anglais ? Est-ce que les Français sont plus « romantiques » ?
SHJ : Nous avons beaucoup discuté de ceci depuis des années et nous n’avons jamais vraiment été capables de donner une réponse succincte… tu peux vraiment aller loin dans la psyché des deux nationalités… et revenir de l’autre côté sans être plus avisé. Ces temps-ci, nous avons un bon public en Angleterre aussi… mais moins d’exposition médiatique.
Tu as joué quelques rares concerts en duo avec ton frère Justin sous le nom « Brothers of the Trees » et cela va se reproduire ce dimanche à Paris, juste avant le concert d’And Also The Trees… Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour tenter cette formule ? Est-ce que c’était déjà dans vos esprits ?
SHJ : Je ne sais pas pourquoi cela a pris si longtemps pour nous y essayer… mais c’est bon de découvrir des choses comme cela sur le tard. Dans un sens, c’est un peu comme une performance acoustique grâce à l’espace que nous créons et à la subtilité mais en plus il y a la puissance de tout le son de guitare de Justin qui peut être vraiment génial… et l’excitation d’occasionnels passages improvisés. J’ai l’idée d’inclure d’autres musiciens également, pour rendre chaque concert unique. Ainsi, les autres membres du groupe ont été impliqué dans le projet la dernière fois que nous avons joué car ils étaient là de toutes façons. Pour les prestations futures, nous réfléchissions à inviter d’autres personnes, d’autres sons. Nous voulons garder ‘Brothers of the Trees’ comme un un projet très ouvert… J’ai l’idée que Justin et moi seulement pouvons jouer dans de très petites salles mais également dans de plus grands endroits avec d’autres musiciens. En fait, nous n’avons joué ce projet que deux fois : la première fois à Vevey (Suisse) dans un garage devant 50 personnes, et la seconde fois dans un superbe théâtre Art Deco à Leipzig devant 400 personnes.
Est-ce que la photographie – ton autre passion – est une manière de capturer les images qui sont dans ta tête ? Quelle est ta relation avec cet art ?
Avec la photographie, tu peux rendre beau quelque chose d’ordinaire et rendre ordinaire quelque chose de beau… C’est imprévisible, tu penses avoir une très belle image et tu découvres que ce n’est pas le cas (la plupart du temps) et quand tu trouves une photo que tu as pris que tu aimes beaucoup, il est difficile de savoir pourquoi. Parfois tu vois quelque chose de toi-même dans les photographies de choses simples, même des paysages. C’est encore une chose inexplicable et magique pour moi.
– Propos recueillis par S. Faits-Divers.
Photo : Richard Dumas, DR