« Quoi ? Un film français ? Qui porte sur la mort et la maladie, en plus ? Laisse tomber, ça doit être aussi chiant et crédible que Plus belle la vie, encore. » T’as tout faux, champion. Non seulement Réparer les vivants prend aux tripes, mais il réussit le tour de force de s’avérer réaliste, ce qui est assez rare, c’est vrai. Tu vas donc te rendre à l’Eldo. Et emmène des mouchoirs : il est question de dons d’organes.

Alors, certes, te connaissant, t’es pas forcément le candidat idéal pour proposer les tiens, en particulier ton foie et ton pancréas. Mais imagine qu’un de tes proches se bute dans sa Safrane. Eh bien on risque, au moment où tu seras effondré, de te demander si on peut pas prélever quelques bouts de bidoche dans son petit corps encore tiède. Ce n’est pas spoiler que révéler que c’est le pitch du film, et c’est un adolescent qui est la victime. On va le dire tout de suite : on n’avait pas vu un ado aussi bien filmé depuis Elephant de Gus Van Sant.

De façon générale, Réparer les vivants rend les gens simples filmés tout simplement beaux. Des chirurgiens, des infirmières, des familles déchirées. Le casting est d’ailleurs assez extraordinaire, avec des acteurs aussi bons que ceux de Magnolia, de P. T. Anderson, qui thématisait aussi ce rapport à la mort. Vise un peu : le génial Tahar Rahim, Bouli Lanners dont le jeu est si juste comme Dominique Blanc, Emmanuelle Seigner, et même ce bougre de… Kool Shen. Mais ce sont surtout les deux protagonistes aux destins croisés, qui sont sublimes. Anne Dorval, qui jouait dans Mommy, est bouleversante de beauté dans le rôle de celle qui attend fébrilement et sans trop le vouloir un cœur tout jeune. Tu te sentirais comment, toi?

Cœur  à cœur

La musique composée par l’inévitable Alexandre Desplat est comme d’habitude au top, mais ça, on le savait depuis De battre mon coeur s’est arrêté, Syriana ou Moonrise Kingdom. C’est peut-être le seul artifice d’un film qui arrive à suggérer des émotions poignantes sans jamais en rajouter ni dans le pathos, ni dans les invraisemblances, ce qui malheureusement monnaie courante pour ce genre de thème casse-gueule qui vire alors au tire-larmes pompier (exemple : 21 grammes.) Ici, tout est suggéré avec douceur et délicatesse, ça fait du bien.

Alors, c’est vrai, le film n’est pas non plus un chef d’œuvre, mais il y a tout de même des qualités cinématographiques indéniables dans la façon de capturer la beauté de certains regards, et il y a aussi des scènes marines assez sidérantes, je n’en dis pas plus. Il faut reconnaître également que le film a un petit côté didactique qui le destine assez aux élèves de lycée et de médecine qu’on aimerait initier à l’éthique et à ce sujet grave.  Mais ça va, ce n’est pas non plus une Théma Arte.

Sans aucune prétention, il fait le taff, et remue les tripes juste comme il faut. Tu vas bien au cinéma pour ça, non ? Non ? Que pour le pop-corn et les super-héros ? Réparer les vivants est bien plus palpitant que tes merdes avec des sauveurs en collant. Les vrais super-héros sauvent des vies, mec. D’ailleurs, il est notable et louable que le film mise bien davantage sur le côté vivant des protagonistes plutôt que sur l’aspect morbide de l’affaire. Ces gens qu’on nous montre une heure et demi sont juste simples et magnifiques. Puis la mort frappe à la porte…

Bon, on te le répète une dernier fois : tu prends ton Vélodi pourri, des Kleenex, et tu traces à l’Eldo. Enfin, pas trop vite, quand même : ça roule vite du côté de la place Wilson…

– Tonton Stéph
Photo : DR