Regarder un film, une série, écouter une musique, bref rencontrer une œuvre artistique est, dans l’appréciation personnelle de tout un chacun, très souvent une question de synchronisation. Disons qu’il y a des mauvais films qui tombent au bon moment, et des bons films qui arrivent au mauvais moment. Parfois sous la pression de la bien-pensance culturelle et de sa soi-disant objectivité, on revient sur certaines œuvres dites « fondamentales » ou « majeures » pour comprendre que nous n’avions jadis pas su l’apprécier parce que ce n’était pas le bon moment.
Synchronisation totale en cette fin d’année dégueulasse 2016. J’ai eu la chance de communier avec la série Canal+ signée par le réalisateur Paolo Sorrentino. Je suis de la génération qui a grandi sous Madame est servie, le Cosby Show et le Prince de Bel-Air. Autant vous dire que mon rapport à l’Eglise se résume à des chewing gums à la fraise collés sur le poêle du curé pendant le catéchisme. Peu importe, The Young Pope n’est pas une série comme les autres. C’est une prière sous amphétamines.
Une drôlerie contemporaine et subversive construite sur un scénario audacieux qui annonce la couleur dès la première scène du premier épisode. Dix épisodes au casting international parfait qui crucifie l’Establishment, et baptise la caricature du Saint-Esprit. Un vrai moment de grâce et de jubilation où même l’irrévérence de Maurizio Catalan et de Maradona trouve sa place. Entre deux clopes, Pie XIII blasphème et fait tourner en bourrique le Vatican sur fond de rock n’ roll. Sale, beau et cathartique. Le massacre facétieux d’une spiritualité en plein doute. Pour une série, c’est du grand cinéma. Amen.
– Cédric de Montceau
Photos : DR