En ces périodes troublées, on devient tous un peu schizo… Tout le monde donne des leçons à tout le monde via Internet. Et plus personne ne veut écouter ces gros dégueulasses de Christophe Barbier au autres Franz-Olivier Giesberg. Tu votes au 2ème tour ? Tu es fan de Macron. Tu ne votes pas ? Tu aimes donc Le Pen…

C’est plus compliqué que ça… Vous êtes certainement beaucoup dans notre cas à vous demander quoi faire sans chier sur la démocratie. On a demandé à Tonton Stéph et Mr Choubi, deux de nos illustres collaborateurs, de nous livrer chacun leur version des faits. Tout en sachant qu’il n’y a pas l’option « je vais voter Le Pen » dans ces tribunes. Eux, on leur crache à la gueule, même s’il va falloir commencer à essayer de les comprendre. Parce que ces gens vivent avec nous. Double tribune ! Alors ? Tu votes ou tu votes pas ? Chacun a son avis. Lis le et décide.

Génération schizophrène : Macron et mon bulletin

Si je sais que de nombreux amis se trouvent dans la même situation que moi – excédés, épuisés par le statu quo libéral – il en est beaucoup d’autres qui vont aller voter pour celui qui  cassera les budgets de la culture, de l’éducation, de la recherche, et qui précarisera encore plus le marché du travail… Voilà une sale situation, et nous sommes légions à nous entretuer pour savoir ce qu’il serait le plus sage de faire, histoire de se regarder dans la glace pendant cinq ans. Et pour l’espoir, on attendra les législatives. Jamais de la vie je vote pour Macron.

Nous y voilà : le candidat au sourire carnassier contre le dégueulis d’extrême-droite de nos campagnes honnies.  La gauche dégagée. Ainsi, l’affaire serait entendue : la démocratie n’ayant lieu que tous les cinq ans, le bon peuple gauchiste n’aurait plus qu’à se la fermer, à s’atterrer voire à se terrer pendant que la course aux réformes néo-libérales reprendrait son petit bonhomme de chemin… On lui demande juste, pour ce faire, un ultime coup de pouce pour résister à l’épouvantail fasciste. L’impression de déjà-vu peut parfois filer une sacrée nausée…

Je propose pour rappel le bilan de l’environnement politique qui est le nôtre, tel que je l’envisage depuis ma naissance. Un Etat-providence, certes. Puis toute une foule d’élus démocratiques qui entendent multiplier les coups de boutoir contre ce modèle d’une classe moyenne protégée et d’une fonction publique forte qui défrise pas mal de monde : de Pompidou à Valls et son 49-3. Ici : on me demande de revoter contre le fascisme y compris si je n’adhère pas au libéralisme affiché par le candidat du vide (à ce sujet, voir cette tribune) des médias ; je suis littéralement sommé de rejouer la scène de 2002 et de « voter-contre ». On me dit qu’il n’y aurait même pas à réfléchir : que cela s’impose. Il faut contrer Marine Le Pen et ses 21% au premier tour, qui pourrait monter d’un coup à 51% si je ne me fends pas d’un bulletin… On pourrait aussi imaginer un système ou un putain d’ordinateur libéral voterait directement à ma place, non ? Simple question, en effet : quand est-ce que cette mascarade est-elle censée s’arrêter? Y-aura-t-on encore droit en 2022 et 2027, ad nauseam ? C’est une question sérieuse : qu’est-ce qui pourrait désormais mettre fin à la pression opérée par le Front National sur chaque élection, maintenant que les campagnes françaises ont été désertifiées, paupérisées, abandonnées, et l’électorat de petite classe moyenne et ouvrière méprisée par feu le socialisme ? Je ne suis pas du tout persuadé que ce Macron mettra fin au danger en question, mais bien plutôt l’accentuera, en appauvrissant encore davantage les populations tentées par le vote en question.

Je n’ai pas du tout envie de confier un mandat à quelqu’un qui va systématiquement attaquer tout ce qui fait le sens et les valeurs de ce pays à mes yeux.

Mon pari est donc extrêmement dangereux mais est le suivant : Marine Le Pen ne passera JAMAIS, et il serait bon qu’elle fasse précisément 49%, afin que Macron ait la plus faible légitimité possible à l’orée des législatives. Et si par malheur elle passait, il resterait la rue, un mai 2017 mémorable pour botter le cul une bonne fois pour toute aux fachos, lesquels tentent toujours de se faufiler, justement, par les urnes de la cinquième. Il n’est évidemment pas question de faire élire cette immondice pour produire un évènement insurrectionnel, mais plutôt d’amener notre environnement politique à ses ultimes conclusions.

Tant qu’une sixième république ne remettra pas les choses à plat, avec d’autres modes de scrutins, d’autres exigences éthiques et politiques – voire une constitution interdisant purement et simplement les partis développant des argumentaires ethniques et autoritaires – nous aurons droit à chaque élection à un cadenassage du second tour par un parti populiste – ce qui profitera immanquablement au candidat de l’establishment médiatico-politique, qui à coup sûr tâchera de se faire passer pour un candidat anti-système. Avant de multiplier les « paquets fiscaux » aux nantis et aux rentiers.

Mon objectif à moi pourra paraître trivial dans un contexte où parler du danger est autrement plus grisant : il est de défendre un Etat-providence favorisant l’émergence d’une classe moyenne cultivée, investissant dans la recherche, la culture, l’éducation. Voilà l’idéal régulateur qui rend possible mes convictions, loin de tout tapage. Il est tout à fait incompatible avec les visées douteuses d’un candidat qui souhaite radier un chômeur qui refuse une seconde offre d’emploi, qui a travaillé à enrichir une banque privée et souhaite mettre fin à l’ISF telle que nous la connaissons, et s’est distingué par une campagne présidentielle absolument suspecte par son vide comme par l’engouement qu’elle a suscité chez les éditocrates – que je singe ici.

Il ne s’agit donc pas ici de donner quelque directive que ce soit, mais d’assumer publiquement une éthique de la conviction, à l’heure où l’éthique du consensus joue sa carte maîtresse pour tous nous baiser. Je comprends l’inquiétude qui guide le vote de barrage, mais je ne suis pas absolument certain que la peur soit toujours une bonne conseillère. Pensons plutôt aux législatives et votons blanc : il paraît que cela a été comptabilisé au premier tour. Voter blanc au second tour peut paraître pertinent car nombreux seront ceux qui auront suffisamment peur pour sauver Macron, même s’ils devront pour cela se boucher le nez. Voter blanc, ce sera surtout une preuve d’impertinence, et une prise de risque salvatrice en ces temps où l’esprit grégaire nous dicte de façon fort suspecte ce qu’il faut faire. Chacun fera en son âme et conscience – et ceux qui connaissent mes centres d’intérêt savent pourtant fort bien que je ne considère pas la menace fasciste comme une simple rigolade. Toutefois, je n’imagine pas une seconde l’engeance brune parvenir à gagner. Et le second tour, les experts le savent bien, étant déjà gagné, l’acharnement médiatique sur le soi-disant « silence assourdissant de Mélenchon » est bien entendu une tentative pour décrédibiliser le Front de gauche à la veille des législatives, pour remettre plus facilement les barons de gauche et de droite alliés en selle. Aujourd’hui, Macron vient d’annoncer qu’il intégrait Xavier Bertrand à son projet. Bientôt Ciotti ? Jack Lang ? Morano ? Valls ? Il est beau, le candidat anti-système qui renouvelle la vie politique. Mais focalisez-vous sur le second tour, ils vous tiennent par les tripes en vous foutant la pétoche, jusqu’à vous inquiéter à l’idée de croiser des RG aux manifs. Restez au chaud dans vos habitudes, les réformes néo-libérales et les baisses de financement de vos emplois subventionnés et de fonctionnaires arrivent à grand pas.

  • Tonton Stéph

abstention

Révolution par procuration

Ok. Je vais voter Macron au second tour. Autant dire que ce qui suit va être pragmatique et premier degré. Pas une once d’humour, je tiens à le préciser. Ce qui est sur, c’est qu’on assiste à une drôle de campagne.

Je vais voter Macron certes, mais comment être convaincant sans donner de leçons, en comprenant que l’abstention ait pu effleurer l’esprit d’un grand nombre au soir du 23 avril, moi-même ayant claironné avant le premier tour qu’en cas de duel Fillon/Le Pen, je ne me déplacerai pas.

Seulement Macron n’est pas Fillon. Austérité, Sens Commun, laïcité à deux vitesses, absence de politique sociale, avec un type comme ça, même Juppé semblait être de gauche. Sans parler des affaires et son attitude surréaliste. Fillon, son programme et sa posture faisaient presque penser au FN d’avant Philippot.

Le premier tour a montré une volonté de changement, que représentait à la fois le vote Le Pen malheureusement, Mélenchon et Hamon, tous deux essayant de proposer une nouvelle voie, et également dans une moindre mesure le vote Macron.

Le vote Mélenchon, terreau des futurs abstentionnistes, a fait naître beaucoup d’espoir. Même si ça paraissait peu vraisemblable qu’il accède au second tour, beaucoup y ont cru. Moi le premier finalement. Ce changement de système, beaucoup l’espérait et le souhaitait. Les programmes de Hamon et de JLM ont ainsi eu le mérite de créer un vote sincèrement « pour ». Inespéré et inestimable. Mais maintenant il faut faire le switch du vote « contre » et beaucoup n’y arrive pas. Mélenchon le premier. Tête de mule.

Le vote contre Le Pen oblige de voter pour Macron. Ou plutôt voter Macron. C’est différent. Je ne vais pas défendre Macron, je ne pourrai pas. Ce mec est crispant, irritant et propose quelque chose qu’on doit combattre. Mais dans l’optique du second tour, ça en devient presque caduque.

Car on ne peut pas oublier qui est en face : Marine Le Pen, fille de. Le Front National. L’obscurantisme, le racisme, l’islamophobie, l’homophobie, la corruption et j’en passe des biens dégueulasses.

Qu’une partie de la gauche durant la campagne ait désigné Macron comme principale adversaire paraît assez logique. Mais c’est l’heure du second tour et il n’est plus seul. Détester Macron et tout ce qu’il représente, c’est compréhensible. Ne pas aller voter, beaucoup moins.

Ne pas voter, c’est tout simplement laisser dire que Le Pen n’est pas pire que Macron. Si. C’est pire. Bien pire. Ne pas aller voter et faire monter l’abstention favorise sans conteste le FN. Ses électeurs vont se déplacer en masse et le score risque d’être surprenant. Ceux qui pourfendaient les sondages avant le premier tour n’arrêtent pas aujourd’hui de se justifier en les prenant à témoin. Argumentant qu’il y a tellement d’écart entre les deux candidats, que ça ne changera rien.

Alors quoi ? On laisse faire aux autres le sale boulot ? Effectivement, il est bien crade ce second tour. Et il va falloir mettre la main dans le caca. Qu’on refuse le monde proposé par Macron, je suis d’accord. Mais je refuse bien plus celui proposé par Le Pen.

Chez les abstentionnistes, personne ne veut réellement voir Le Pen accéder à l’Elysée. Même si certains affirment qu’avec le FN au pouvoir, ça serait enfin la révolution, le bordel ou je ne sais quoi. Ça non plus, ce n’est pas possible. À Dijon, dans la culture, on est plutôt épargné comme des petits blancs bobos du centre ville que nous sommes, mais pour tous ceux qui ont le teint un peu plus foncé, ça risque d’être dur, très dur. Avec Le Pen au pouvoir, ça sera l’extrême-droite décomplexée et ça risque de devenir dangereux. Physiquement je veux dire.

La chose la plus triste dimanche dernier a été de voir Le Pen au second tour sans que ça n’émeuve grand monde. Ce n’était pas une surprise, les raisons se trouvant certainement dans la politique que prône Macron, mais personne ne peut s’accommoder de ça. Jamais. En fait, la déception était plus forte que l’indignation.

Alors oui, je voulais voter Hamon, j’ai voté Mélenchon et je voterai Macron. Pour essayer de mettre un bon coup de latte au cul de la blondasse. Là tout de suite, je préfère croiser des types se vantant d’avoir acheté la dernière Audi que des connards dégueulant « dehors les arabes ».

Mais la vie politique continue. Avec l’espoir qu’à fait naître ce mouvement de gauche dans lequel il faut associer Mélenchon et Hamon, en y ajoutant peut-être Taubira.

Mais si combat il doit y avoir, et il aura lieu dès les législatives, autant se donner les moyens qu’il existe. Pour de bon.

Je n’ai pas menti, ce texte est pragmatique et premier degré. Rempli de doutes, de maladresses et d’inquiétudes. Mais comme disait Jean-Paul Belmondo : « Je veux exister, c’est tout… après je rentre chez moi. »

  • Mr Choubi