Ok. Je ris toute seule rien qu’à l’idée. Je me prépare à aller à un concours de pêche aux silures à Mâcon. Déjà hier, quelques pêcheurs avaient investi les bords de Saône à grands coups de tentes 3 secondes camouflages, de tables pliantes, avec bancs et bières intégrés, de chien en laisse, et de Madame qui fait la tambouille. Ambiance.

J’arrive au bord de la Saône vers 10h. Elle est recouverte de petits bateaux. En plissant les yeux, on croirait au débarquement. Un petit débarquement. Mais faut avouer qu’il y a aussi quelques avironneurs de week-end, qui font pas trop trop les malins. Je m’approche du stand presque vide où il n’y a que des hommes, des vrais. Je me renseigne : 20 bateaux, 40 participants. En général, les pêcheurs vont par deux, sauf quelques frimeurs qui préfèrent l’aventure en solitaire. Ils y sont depuis 7h ce matin. A 11h, aucun silure n’est pris. Pas normal. Le temps sans doute. Et puis la mer est calme. Pas de courant dans le « fleuve aux vagues écumantes », comme disait Lamartine. Pas de courant, pas de mouvement. Pas de mouvement, pas de poisson.

River Monsters

Les gars sont répartis de part et d’autre de Mâcon. Du pont nord au pont sud, soit environ sur 4 kilomètres. En attendant la première prise, je me fais un copain. Robert. Il me propose un verre de blanc que je refuse poliment. Trop tôt. Robert a gagné 3 fois en 98, 99 et 2000 et il en est fier. Sa plus grosse prise faisait 2 m 18. Beau bébé. Après il a arrêté parce qu’on l’a accusé de tricher. Du coup, vexé, il continue de pêcher tout seul, pour son plaisir. Un question me taraude : Comment triche-t-on à la pêche au silure ? Simple comme bonjour. On pêche un poisson avant, on l’accroche à un endroit et on va le chercher le jour du concours. Pas fair-play. Maintenant, les barques sont tirées au sort et vérifiées avant le départ. Et on surveille de près les pêcheurs. C’est à dire qu’il y a deux gars sur un petit bateau moteur qui font le tour des concurrents régulièrement. C’est aussi eux qui iront chercher la bête quand elle aura bien voulu mordre. « maintenant on triche partout. Dans les concours de truite ou de brochet, c’est pareil ».

« Des cons, y en a partout, même chez les poissons »

Dans le stand, se réchauffant à coup de petit Mâcon blanc, on s’inquiète. Il est 13h et toujours rien. « D’habitude à cette heure là, y en a bien un ou deux de sorti… » Et rebelote sur les conditions météo.. A moins que les silures deviennent plus malins d’année en année. Pas con. Vu qu’ils sont rejetés à la baille après la pesée, ils peuvent aller prévenir les autres. Mais vu qu’il ne sont pas bagués et rendus à la Saône, ce sont peut-être les mêmes qui se font pêcher chaque année ? « Ah oui, c’est possible, mais pour le coup ça voudrait dire qu’ils deviennent cons. Des cons, y en a partout, même chez les poissons »

Saint Laurent, en face, sans filtre Instagram

Je continue à discuter le bout de gras avec les gars, attendant la première prise. 14h toujours rien. Je remets 10 balles dans Robert qui me raconte ses aventures de marin d’eau douce. Au fur et à mesure qu’il vide la bouteille de blanc, il se transforme en Capitaine Achab. Encore une demi bouteille et les 40ièmes Rugissants déménagent entre Chalon et Mâcon. « Et bientôt nous serons des millions !! ». C’est la 24ème année que ce concours à lieu. « Mais si vous aimez la pêche, vous êtes bien tombée, la saison ne fait que commencer. » Chic. Le week-end prochain, c’est concours de pêche au float-tube à Crêche-sur-Saône. Et surtout, surtout, fin octobre, c’est le Concours National de Pêche au Carnassiers, avec sponsor et tout ça. On y vient de partout. Rendez-vous pris. 

« Mais un poisson, c’est un poisson, et un poisson, ça se respecte »

 

Un bateau de l’écurie « Silure Club Rhodanien » qui passe au stand

Et là, soudain, branle-bas de combat, l’heure de la première prise à sonné ! On ramène la bête sur la terre ferme pour la pesée : 1m58 pour 21,6 kilos. Déjà un beau morceau. Et le deuxième suit de prêt. Plus petit. « Mais un poisson, c’est un poisson, et un poisson, ça se respecte ». Les bêtes sont donc pesées, puis temporairement plongées dans un bassin bâche/bottes de foin, construit pour l’occasion. Quand le deuxième poisson rejoint le premier dans le bassin, c’est baston. Le plus gros fonce sur le plus petit, dentier sorti, antennes agressives. C’est qui le patron ? C’est comme chez les humains, c’est le plus gros. Du coup on repart sur des anecdotes et un gars raconte que l’autre jour, il a sorti un beau morceau d’1m80 bon à manger. Il a donc ouvert la bête pour la vider et y a trouvé un ragondin même pas commencé de digérer. D’un coup j’ai plus faim. Mais il est vrai que contrairement aux idées reçues, le silure, bien préparé est un poisson plutôt fin et sans arête. Et contrairement aux légendes, ce gros poisson carnivore, s’il peut engouffrer d’un coup un bébé cygne ou un petit chien, n’a jamais à ce jour fait de victime humaine. Plus tard, dans la journée, on sortira un monstre gagnant de 2m30 pour 82 kilos. Au poil pour le basket. Mais pas grand chose d’autre. Cette année, le concours n’aura pas brillé par le nombre de poissons pris. Mais l’important, c’est de participer. Les pêcheurs sont sympa et accueillants. Et le soir, pour fêter ça, ils se posent bien pépouzes autour d’une bonne choucroute garnie…de saucisses.

L’obsession du jour

  – Par Louise Vayssié / Photos : L.V.