On y allait sans s’attendre à rien. On a vu un spectacle complètement dingue et beau à la médiathèque Pierre Bayle de Besançon. L’originalité de L’Absolu réside d’abord dans le fait que ça joue dans un silo. Oui, un silo. Pour les trop citadins, un silo, c’est un énorme cylindre qui sert à stocker les céréales, par chez nous le blé.

Des spectacles, on en voit toute l’année. Concerts, danse, théâtre, cirque… On devient blasés. Exigeants et blasés. Des cultureux revenus de tout. Pourtant, laisse-moi te dire que, m’y étant rendu essentiellement pour voir ce que pouvait donner un spectacle dans un silo, j’ai pris une grosse gifle dans la gueule… C’est le spectacle le plus impressionnant que j’ai vu depuis un Sochaux-Dortmund en coupe d’Europe en 2004 (Pedretti-Frau-Oruma), c’est te dire… 

Boris Gibé et sa compagnie Les choses de rien ont monté un silo de 12 mètres de haut et 9 mètres de diamètre, pendant deux jours et demi, dans la cour de médiathèque Pierre Bayle, en plein centre-ville. À l’intérieur, deux escaliers circulaires et des strapontins qui permettent à 100 personnes d’assister au spectacle. En tant que public, ça change tout notre rapport à la scène. Je ne regarde plus uniquement devant moi, mais aussi au dessus, en bas, partout. Je suis DANS le spectacle.

L’Absolu est un huis-clos dingue. Ça grimpe, ça vole, ça tombe, ça danse sous le sable, ouais, sous le sable. Ça flambe, ça fume, ça rebondit… Les effets lumières sont fous. Ça se passe au sol ou à 10 mètres de hauteur. Mais je ne vais pas balancer tous les détails ici.

Ça grimpe, ça vole, ça tombe, ça flambe, ça fume, ça rebondit…

On n’est pas vraiment dans la danse, ni dans le cirque, ni dans l’acrobatie. On est dans tout ça à la fois. Boris Gibé est seul en scène, mais a toute une équipe en coulisse, qui tire les ficelles, au sens propre comme au figuré. Il a commencé à préparer l’Absolu en 2008. Ils ont lancé les répèt’ il y a près de 2 ans. Il a travaillé avec ses techniciens et des chercheurs sur les différents éléments pour nous bluffer : l’eau (il y en a à 12 mètres du sol), l’air, le feu. Tant et si bien que tu passes ton spectacle à te demander : « Mais… comment ils font ça ?! C’est sur-réaliste ! » Champs magnétiques, électricité statique, particules de carbone… Le silo devient un gouffre sans fond. On s’y perd.

Moment de grâce… mais attention, c’est pas fun, fun. C’est gracieux mais c’est tendu. On est dans une presque obscurité tout le long du spectacle, dès l’entrée qui se fait silence dans la pénombre. Ambiance. La musique, les lumières, les noirs et la voix off ménagent une atmosphère encore plus angoissante. Une plongée dans le vide pour Boris mais aussi pour le spectateur. L’expérience est physique pour tout le monde. On encaisse.

La compagnie Les choses de rien sortent de résidence à Besançon. Les deux scènes (la scène nationale de Besançon) ont eu le courage d’accompagner ce projet fou qui joue pour la rentrée de leur saison. C’est en ce moment les premières représentations et quelque chose me dit que L’Absolu va faire du bruit.

En plus, pour approfondir le sujet, tu peux aller dans la médiathèque juste à côté, où tu trouveras deux expositions : l’une pour découvrir les coulisses de la création de L’Absolu, et l’autre autour de Marc-Antoine Mathieu, auteur de bande-dessinée, dont l’univers kafkaïen a inspiré Boris Gibé pour la création. L’entrée est gratos et on se balade au milieu des bouquins de la médiathèque. Y’a pire comme ambiance. Ça joue jusqu’au 28 octobre à Besac, il reste de la place. Vas-y.

  • Chablis Winston

Photos : Jérôme Villa