Lui, c’est Corentin Le Guen. Après un drame personnel sur un terrain de rugby, Corentin s’est reconverti dans le rugby-fauteuil. Aujourd’hui, il dégomme tout avec son club des Blacks Chairs de Nuits-Saint-Georges et fait son trou en Equipe de France. Portrait d’un mec jamais résigné.

Au milieu du Macdo des facs, on parle rugby-fauteuil ou quad rugby. On peut dire les deux. Corentin Le Guen en est l’un de ses ambassadeurs avec son club des Black Chairs basé à Nuits-Saint-Georges. Il en existe un peu moins d’une quinzaine en France. Corentin a fondé le club en juin 2011 après un accident personnel dramatique. Octobre 2009, alors qu’il faisait partie des rangs du pôle espoir de rugby de Dijon depuis 1 mois, Corentin se trouve pris dans un maule et se prend tout le poids des joueurs sur lui. Un bruit. Une douleur. Corentin ne sent plus une partie de ses membres et le sait immédiatement : c’est grave. Bilan : des cervicales touchées et une tétraplégie. Il a alors 15 ans. Les galères commencent, la rééducation dure près d’un an et lui sucre toute une année scolaire, puis il découvre le rugby-fauteuil en décembre 2010. La découverte de ce qui va devenir une passion quoi.

Il a pratiqué le rugby depuis ses 7 ans, d’abord à Auxonne puis au milieu des vignes de Nuits-Saint-Georges. Coco vit en Côte-d’Or depuis ses 3 ans. Alors que les odeurs du Big Mac nous embrassent le fond des narines, je suis impressionné par Corentin et sa faculté à accepter le verdict dégueulasse que peut asséner la fatalité. Il prend ça avec lucidité et sagesse. “Voilà, en quelque sorte, ma vie c’est ça, il faut l’accepter et faire avec, je préfère faire du sport et me bouger le cul que de rester chez moi à jouer à la console”. Le sport pour dépasser le trauma.

Le rugby-fauteuil a été inventé au Canada en 1977 et est arrivé en France en 2004. Au niveau des règles, c’est un mix de plein de sports collectifs. Tu as 2 équipes de 4 joueurs qui doivent franchir la ligne d’essai adverse, comme au rugby. Tu joues avec un ballon de volley. Le match se passe sur un terrain de basket, et n’emprunte pas que ça à ce sport : tu n’as pas le droit de revenir dans ta zone et tu as 40 secondes pour marquer un essai. Pas le droit non plus de garder le ballon pendant plus de 10 secondes, sans une passe ou un rebond. Les joueurs peuvent se faire des passes dans tous les sens, comme au foot. Par contre, la dimension brutale et bien virile n’est pas moins bien représentée au rugby-fauteuil. Y’a du bruit, de l’impact, des blocks, le métal des fauteuils cognent, les joueurs tombent pas mal. Une petite boucherie bien rythmée qui vient casser les clichés de l’handisport. Tu as des conditions pour jouer au rugby-fauteuil, il faut être privé d’au minimum 3 membres. Puis l’entraîneur doit aussi faire avec une contrainte, il est obligé d’aligner une équipe collectant 8 points. Ces points correspondent aux degrés de handicap, chaque joueur a ses points selon une classification particulière. Un joueur considéré comme “moins handicapé” collecte 3,5 points, un joueur “plus handicapé” en a 0,5. Ouais, c’est technique.

Corentin est tranquille, causant pendant que la serveuse du MacDo braille et que les courants d’air nous gèlent. On dévie du sujet pour parler de la situation des handicapés en France. Il nous dit que la France est à des années-lumières de ce qui se fait en Angleterre concernant les infrastructures et les services pour les personnes à mobilité réduite. Il constate même une différence énorme au niveau des mentalités et du regard que portent les gens sur le handicap. Corentin s’investit pas mal en dehors de son sport pour lutter contre tout ça, ça lui arrive souvent de participer à faire des interventions sur le handicap auprès d’écoliers ou de collégiens.

Dans son club, Corentin a plusieurs casquettes, ça ne limite pas seulement à celle qui porte ce jour-là, une NY impeccablement visée d’ailleurs. Si Laurent Ruquier n’approuve pas trop cette analogie, il saura au moins que Corentin est à la fois président, joueur et même entraîneur de son club. Son statut de président bénévole de l’asso lui confère des responsabilités administratives de poids comme chercher des sponsors, penser à la communication, à la logistique etc.. Il essaye de promouvoir la pratique, pour ramener du monde et espérer des sponsors. Le projet est né de lui, avec le soutien de la région, du département, la fédé de rugby et tout le tintouin. C’était un peu galère pour trouver des joueurs et autant dire qu’il faut des fonds, les fauteuils de match coûtent une blinde, entre 5.000 et 7.000€.

D’ailleurs, les Black Chairs, ça cause un peu niveau palmarès. Vice-champion de N3 en 2015, Champion de N3 en 2016, Vice-champion de N2 en 2017, la progression est là. Pas mal pour un club qui n’a que 6 ans d’âge. Cette saison est une année charnière pour les Black Chairs, Corentin ambitionne de rafler le titre de N2 et d’accéder à l’élite l’année prochaine. Même si, il connaît déjà la N1. Grâce au règlement, Corentin peut y évoluer et quitte de temps en temps les bords du Meuzin pour joindre ceux de la Garonne et jouer avec Toulouse.

Corentin fait ça pour performer avec l’Équipe de France qu’il a intégré depuis 2015. Oui, il est international et compte une quinzaine de sélections déjà, et notamment 3 participations en Championnat d’Europe dont une en 2017 où la France a ramené le bronze. C’était à Coblence en Allemagne. Le must reste la participation aux Jeux Paralympiques de Rio en 2016. « C’était monstrueux, les balades sur le village olympique, les échanges avec les autres athlètes, les autres nations, se frotter aux meilleurs, c’était top. Puis la médiatisation, les sollicitations des gens qui demandent des autographes, ça fait plaisir de temps en temps ». Des souvenirs parfaits. Son niveau international explique en partie son quotidien de sportif de haut-niveau, 3 entraînements pour maintenir la condition physique, 2 avec son club. En plus de ses responsabilités de président d’asso. L’emploi du temps est ministériel.

Corentin voit le sport comme une thérapie et a acquis une musculature qui, par conséquent, lui a permis de gagner en autonomie : “La différence entre le début et maintenant est impressionnante”. Il s’estime même autonome à 100% même si organiser sa vie quand on est en fauteuil s’apparente parfois à un parcours du combattant, à un Koh-Lanta sans Denis Brognart mais avec tous les aspects relous. Corentin a retrouvé par ce biais les valeurs du sport co, le contact, l’esprit d’équipe. Son club participe aussi à la socialisation de personnes handicapées qui n’ont pas tous fait le deuil. “On se retrouve, handicapés ou valides, et ça fait du bien à tout le monde.” L’asso du club organise des événements à l’occas de la Fête de la Musique, ou des repas pour fédérer tout le monde. C’est vivant. Jamais rassasié, le numéro 6 des Black Chairs a déjà des projets pour plus tard, notamment pour faciliter le mode de vie des handicapés et leur intégration dans la société. T’es un bon gars, Corentin.

 

  • Mhedi Merini

Photos : Facebook de Corentin Le Guen

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