Papotage en règle dans une ambiance brumeuse, avec le XTRM Tour, groupe le plus sûr de lui de toute la Suisse. Les 3 têtes blondes du rap suisse, Di Meh Slimka et Makala, ont retourné la Péniche Cancale jeudi dernier lors du festival GéNéRiQ. Une soirée placée sous le signe de la boucherie.

Alors, ce concert à la Péniche Cancale, à chaud ? C’est quoi votre premier ressenti de la soirée et du public dijonnais ?

Slim k : Franchement c’était cool, c’était cool, c’était cool Dijon. 

Di Meh : C’était dar, c’était chanmé, c’était grave chanmé même.

Makala : Très très chaud, très très chaud tout le public dijonnais. Hâte de revenir une prochaine fois dans une plus grande salle. Le Zénith, on est prêt pour ça.

Aujourd’hui, parler de rap français dans l’industrie du rap constitue presque un non sens puisqu’on assiste à une véritable montée en puissance du rap belge, canadien ou encore suisse comme c’est le cas pour vous .

Di Meh : Franchement, les gens ils le voient, avec la puissance qu’on peut avoir sur les réseaux, tout ça. Les gens n’ont plus besoin de se fier à une ville pour écouter du son. 

Makala : Ouais c’est la sincérité quoi, on est sincère et ça joue beaucoup. On est sincère, c’est à dire que c’est même pas une histoire de quel type de rap, quel genre de ville. Des gars de quartier tu vois, ou des gars de je sais où, c’est juste la sincérité, la puissance et le travail. 

D’ailleurs, quel regard vous portez sur le rap français ? Parce qu’on sait que c’est une branche du rap souvent critiquée mais à tort ou à raison, je vous le demande. 

Makala : Bah on a grandi aussi avec ça, tu vois. Ça nous entoure et ça nous a permis de créer notre propre style aussi. On sait ce qui se passe de l’autre côté. J’écoutais un gars qui s’appelle SIMKO dernièrement et j’ai kiffé ouais. 

À une époque où on reproche à certains rappeurs de manquer de communication avec leur public, vous c’est tout l’inverse. Que ce soit sur scène ou sur les réseaux sociaux, on sent que c’est une dimension super importante dans votre vie d’artiste. Vous avez quand même une bonne petite « fanbase » qui commence à vous suivre. Comment vous définiriez votre rapport au public en tant que rappeur ? 

Di Meh : Simple en un mot : sincère. Ce qui rejoint la réponse de Makala. T’as capté. 

Makala : On fait connaissance un peu avec eux parce que c’est nouveau pour nous, tu connais. Donc voila on apprend à se connaitre.

Slimka : On a de la chance pour le moment, y’a pas encore 50 000 personnes qui nous courent après donc on peut encore canaliser tu vois.

Di Meh, toi t’es présent sur scène depuis un peu plus longtemps que tes compères. Tu as passé de belles années à côtoyer des mecs comme Fixpen Sill, Lomepal, Panama Bende ou encore Caballero. 

Di Meh : Bah c’était cool d’aller voir ailleurs comment est l’herbe, t’as capté. En vrai, ouais ça m’a fait prendre de la bouteille surtout quand je rentrais à Genève. Quand t’as la vision de là-bas et que tu rentre chez toi, t’as une deter’, t’as une faim encore plus forte. Mes frères aussi ont la même hargne, tu vois ce que je veux dire ? Y’avait des bonnes comme des mauvaises expériences, le rap français c’est plein d’aléas mec. Je ne dis pas que j’ai eu de mauvaises expériences avec eux, je te dis juste que le rap français c’est cool tu vois, mais j’suis bien en Suisse frère, j’suis bien avec mes Suisses, t’as capté ? 

Toi, Slimka, ça a été un peu plus tardif, t’es le dernier arrivé dans la bande. Au début tu te contentais d’être dans les clips de tes potes et puis en 2015 tu t’es vraiment décidé à rentrer un peu plus dans l’game. Raconte-nous un peu comment ça s’est fait et puis dis-nous un peu quel a été le déclic pour passer enfin derrière le mic ?

Slimka : J’étais sur un seul clip avec Maëva (rires). En plus, ça fait longtemps mais je pense pas que tu parles de ça. Tout simplement, mec, je trainais avec mes frères qui étaient déjà dedans. Une fois, Di Meh m’a proposé de faire un concert à Paris j’crois, c’était ça hein ? J’ai fait aussi Cadillac avec Makala. Voila, tu vois après c’est ça, après faut avoir faim tu vois, faut pas parler chinois quoi, t’as capté. 

Makala : Faut être choisi, il a été choisi par le ciel mec.

Makala, tu as dis : « Moi je prône le style du non-style… ». Est ce que tu peux nous en dire plus ?

Makala : C’est le style de ne pas avoir un style fixe. Donc c’est un style quand même, c’est ce style là que je prône tu vois ? Finalement, je ne ferai jamais la même chose tout le temps. J’aurai toujours envie d’essayer de nouvelles choses. C’est ça que je prône, le style du non style, dédicace à Bruce Lee, Rest In Peace refré. 

Y’a pas mal de gens qui s’offusquent un peu parfois du manque de recherche de textes profonds au sein de la nouvelle génération de rappeurs. Vous, vous le revendiquez presque ce goût pour les rimes absurdes, les mots fun, les punchlines faciles mais puissantes. Le moins qu’on puisse dire c’est que ça n’empêche pas le public de scander vos refrains dans la surdité la plus totale, on en a eu un bel exemple ce soir. Ce choix, c’est pour faire chier les puristes ou tout simplement parce que vous n’avez jamais eu l’ambition de faire du rap conscient ? 

Di Meh : Alors déjà qu’est-ce que le rap conscient ? Tu vois ce que je veux dire ? Qu’est-ce que manier les mots, manier les rimes mon frère ? Moi ce que je te dis c’est que dans les sons y’a du vécu tu vois, comme y’a de la technique, comme y’a du flow, y’en a pour tout le monde. Même le puriste il peut kiffer la technique, y’en a pour tous les goûts, même pour tous les enfants, les enfants comme Haribo frère. 

Slimka : « Conscient », finalement, c’est un mot, si ce que tu te dis mon gars c’est réel, même si t’as pas des punchlines qui te sautent aux yeux, tant que c’est réel, tant que c’est sincère, c’est là, la vraie conscience. Tous ces blablas, tout ça, non, c’est nous le vrai rap conscient. On est conscient que ce qu’on fait, ça suffit. 

Makala : Pour nous, le rap conscient, c’est se bloquer dans un univers et on ne veut pas s’enfermer. 

Votre beatmaker/producteur s’appelle Pink FlamingoJe trouve que ça ne ressemble vraiment à rien d’autres. Je pense notamment au son « Depeche Mode » que vous avez sorti et dans lequel le beat est complètement surréaliste et change 3 ou 4 fois en 3 min 30. À quand remonte la rencontre avec lui et pourquoi c’est super important pour vous de bosser avec ? 

Makala : Ce qui est bien, c’est que Pink Flamingo est un artiste à part entière lui aussi, tu vois ? Il fait sa propre musique et ça c’est cool. Ça remonte à aussi longtemps qu’on se connait tous, tu vois ? C’est le genre de truc qui n’est plus quantifiable, le genre de truc qu’on ne date plus maintenant. Mes premiers projets ont été produits par Pink Flamingo tu vois ? Et je ressens pas le besoin d’aller voir ailleurs tu vois ? C’est comme une meuf, quand t’es bien avec, t’as pas envie de la tromper. Comme un bon plan weed, au final tu connais frère, tout ce qui est positif au test quoi, t’es à l’aise quoi. 

Pour finir, quel message vous voudriez faire passer à tous ces gamins apprentis rappeurs qui rêvent un jour de vivre de leur passion mais qui sont également parfois découragés par le discours qu’on peut leur servir à l’école ou dans leur entourage ? 

Makala : Donne pas de conseils mecs, fais pas chier, c’est bon. 

Di Meh : De pas attendre sur les gens vraiment, ça c’est vraiment la phrase de base, jamais attendre sur les gens. Fais tes shits frère et si tu vois que quelqu’un te ralentit, tu le cap direct et tu fais tes shits. Personne doit te freiner. Y’a des gens qui restent bloqués pendant 3 ans, 3 ans plus tard ils se réveillent et qui disent : « Oh j’ai rien sorti, j’ai rien fait ». Eh ouais gros, belek à ton entourage gros. Faut trainer avec des gens motivés. 

Slimka : Faut avoir confiance en soi, sois XTRM, sois pur. Entoure-toi bien et voilà tous les bons conseils qu’on peut te donner. 

  • Interview réalisée par Léo Thiery, à la Péniche Cancale

Photos : Edouard Roussel