Artisans de l’impression et passionnés de l’édition se sont retrouvés samedi à Chalon-sur-Saône. C’était Zone Zine, première du nom. Le grand salon de la micro-édition. Et nous, nous y étions.
Samedi 7 avril se tenait à La Péniche de Chalon-sur-Saône la première session du « Salon de la micro-édition ». Un événement pensé et organisé par Klaus Walbrou et Pierre Berthier, graphistes et illustrateurs. Salon de la micro-édition. Quésako ? Un salon, on connaît. Ça sonne stands, rencontres professionnelles et échanges de cartes de visite. « Micro-édition » reste plus énigmatique. Petite édition ? Tirages limités ? Alors on y est allé, on les a rencontrés. Ces amoureux de l’art et du papier, de l’impression, de l’objet et de la liberté. On les a rencontrés et on a constaté. Zone Zine, tout sauf un salon : un repère de passion.
En une journée, Zone Zine donnait à voir toutes les facettes de la micro-édition, à travers des rencontres, des expositions ou des ateliers. Le salon a réuni des artistes au savoir-faire traditionnel, sérigraphes, illustrateurs, graveurs, éditeurs. Des artistes couleur locale, venus de toute la Bourgogne Franche-Comté, mais aussi de Troyes, Romans, Rennes… Tous ont en commun de fabriquer de façon artisanale et indépendante des ouvrages en édition limitée. Affiches, fanzines, éditions d’art, livres, T-shirt, autocollants, cartes postales, le champ est vaste. « Dans la micro-édition, nous réalisons tout ce qui serait impossible chez un imprimeur : pliage compliqué, Leporello», nous dit Klaus Walbrou.
NB : Leporello égal livre – accordéon. Dur à mémoriser, mais on l’a bien noté…
A l’heure du numérique et de la culture de masse, ces passionnés se livrent au sur mesure et à l’édition maison. Un travail d’orfèvre où l’on sait prendre le temps. La micro-édition c’est un travail d’artiste, les mains dans l’encre, la tête dans le choix du papier. « Il faut garder les vieilles traditions, ce sont des savoir-faire fragiles. Moi j’aime le rapport à la matière» ajoute Klaus, en pleine démonstration de sérigraphie. Une main dans la peinture, l’autre tenant un cadre. Il y a quelque chose de charnel dans la micro-édition, l’encre plein les doigts, le toucher du papier, mat, brillant, transparent, épais… Papier, pas seulement d’ailleurs, tous les supports sont possibles, si tant est qu’ils soient plats. « Tu prends une crêpe et du Nutella, tu fais une sérigraphie ». Alors là, pas de souci, à la prochaine crêpe – sérigraphie – party, promis on s’inscrit.
« Il y a aussi une dimension do it your self. On veut faire un livre, on le fait. J’ai mis 10 ans à construire mon atelier, à acheter le matériel. Maintenant j’ai tout chez moi, dans ma cave. Je peux tout faire »
Concevoir une œuvre complète sans passer par les réseaux classiques de l’édition, un leitmotiv chez tous ces artistes – artisans. « Nous avons le plaisir de faire nos images de A à Z, jusqu’à la diffusion, sans avoir de compte à rendre », dit Nicolas de l’atelier OASP de Troyes. On perçoit une volonté de créativité, sans concession ; passer de l’idée à l’imprimé, sans intermédiaire, hors des sentiers battus. Les liens ne sont pas dictés par le marché mais par l’affinité… et une dose de second degré.
Ils ne se prennent pas au sérieux ces artistes-là. Perfectionnisme ne rime pas avec élitisme. Jeux de mots et humour décalé, c’est la clé. Vous trouverez des autocollants Rage against the Marine, avec visuel de Marine Le Pen ou le Guide de recyclage de la moustache avec ses multiples déclinaisons, vu par Jonathan.
Les artistes se réunissent en collectifs, ateliers, associations. Au départ une dimension pratique, mutualiser le matériel. Mais pas que… Les adaptes de la micro-édition travaillent ensemble. Ils invitent des artistes, pensent des projets collectifs. A l’image du Fanzine poster de l’association Encrage, collaboratif aussi bien dans le dessin que dans l’impression. 10 posters-pliages qui se déploient, réalisés par 10 artistes, imprimés par 5 ateliers, réunis en 1 coffret.
Projet collaboratif, affinités artistiques, une transition parfaite pour évoquer l’événement de la journée : la création de la micro-galerie Chalon 3000. A la manœuvre Guillaume, musicien et Maïa, musicienne – plasticienne.
Chalon 3000, « un centre d’art contemporain sans moyen »
Pourquoi Chalon 3000 ? « Parce qu’il faut voir grand et se projeter à long terme ». Un espace miniature « mais plein d’amour », dixit son concepteur. Chalon 3000 expose les petits labels, les hors réseaux traditionnels : disques vinyles, cassettes, tirages de micro-éditions. Un espace de vente, d’exposition et de rencontre pour discuter et boire un verre. « Les petits labels, la musique indépendante, nous faisons partie de ce réseau et on ne voulait pas être seulement consommateurs. On a eu envie de faire circuler les travaux de gens que l’on a vu et aimé. Ceux que l’on ne pourrait pas trouver dans des commerces classiques », dit Maïa. Alors ils ont imaginé cet espace pour vendre les disques d’artistes qu’ils soutiennent. Une affaire de passionnés, une envie de liberté. Les thèmes forts de la journée. Après quelques verres de punch et de belles idées, la soirée s’est prolongée par des concerts bien relevés. Bouquet final d’une journée rythmée, comme du papier à musique… Zone Zine, première édition de la micro-édition. Le projet est lancé, le projet est « encré ». Le réseau va se structurer, sans s’institutionnaliser. Ces doux passionnés vont continuer. Le maillage va se tisser.
Allons boire un verre à Chalon 3000 en attendant la seconde édition de la micro-édition.
- Erika Lamy
Photos : Thomas Lamy.