Venu mixer à l’occasion du Festival MV, Gilbert Cohen aka DJ Gilb’r a répondu aux questions de l’inquisiteur Mister B, sur le pont de la Péniche Cancale. Entre l’air d’Amsterdam, son label Versatile, sa vie et ses œuvres electro, l’ami Gilb’r n’a rien éludé. Interview peu Mickey, très House.

Pourquoi avoir déménagé à Amsterdam, alors que Paris redevient une place forte de la musique électronique dans le monde ?

Il y a plusieurs raisons à ça. Essentiellement parce que j’avais fait un peu le tour de Paris et puis j’étais amoureux d’une fille, voilà…

Et qu’est-ce que tu as trouvé en plus là-haut ? Ça va moins vite qu’à Paris ?

Une forme de calme. Un truc plus petit qui est assez agréable. Et puis je trouve que c’est moins agressif que Paris.

En plus, je crois que tu habites pas très loin de la Red Light Radio ?  Raconte-nous un peu comment ça se passe ?

Effectivement, j’ai mon studio dans le même immeuble. Si tu veux, c’est un espèce de petit bloc d’immeubles dans lequel il y a deux magasins de disques : Red Light Records et Voudou Vintage. Y’a des studios au-dessus, la radio est juste en face, c’est un complexe où tu as beaucoup de gens de la musique qui y gravitent.

Automatiquement, ça veut dire que les collections se font très rapidement. Pour le coup, ça t’a servi pour ton label, pour te redonner un coup de pied au cul ?

Un coup de pied au cul ? Pas vraiment…

Sincèrement, je suis le label depuis très longtemps et j’ai senti à un moment donné que les sorties se faisaient de plus en plus espacées, tous les 4, 5 mois. Comme si tu prenais le temps, comme si tu te disais « Ah mince, je sais pas… »

Non c’est pas « Je sais pas », je n’ai pas besoin de sortir un truc systématiquement surtout quand tu vois qu’il y a tellement de choses qui sortent. C’est pas la peine de sortir un truc « médiocre » ou que je ne considère pas intéressant. Après, ça fait 22 ans qu’on existe, c’est logique qu’il y ait des périodes un peu plus creuses en terme de sorties.

Justement, tu as eu des moments de flottement ? Est-ce qu’un jour tu t’es dit « J’arrête, j’en ai ras-le-bol. Je n’ai plus l’energie, la motivation, la passion…» ?

Non, jamais pour le moment.

I:Cube ? Ça fait 22 ans qu’on travaille ensemble. C’est presque ma plus longue relation… »

 

Après avoir survécu à la crise du disque, à l’engouement de la forme MP3 et maintenant à YouTube. C’est quoi le secret de ton label « Versatile » ?

Il n’y a pas vraiment de secret. C’est juste que j’essaye de sortir la musique la plus singulière possible et pour ça, j’ai la chance de travailler avec des artistes qui fournissent ce genre de musique. C’est eux le secret en fait.

C’est difficile d’entrer dans la famille « Versatile » ?

Absolument pas, mon seul critère est musical, pas familial.

Une question plus légère. Lady Gaga avait samplé Zombie Zombie en 2013… Tu t’es dit « c’est un coup de fouet, les dollars tombent, là c’est super… »

(Il coupe) Enfin, oui au début, et après non en fait, pas tant que ça. Mais c’était marrant. Le plus marrant, c’est que c’était un morceau de Sun Ra. Pour moi, c’est jubilatoire, Zombie avait repris ce morceau de Sun Ra. Sun Ra qui se retrouve sur Lady Gaga via Zombie, je trouve l’histoire assez cool.

Versatile, c’est le dernier label rescapé de la French Touch. Ça t’emmerde qu’on parle comme ça ?

Pas rescapé. J’ai l’air d’un rescapé ?

Mais finalement, quand on regarde pour la French Touch, il en reste pas tant que ça…

Ouais, c’est vrai mais je ne sais pas pourquoi. Après, j’explique notre longévité parce qu’on ne s’est pas enfermé dans un son et chacun a un peu évolué dans sa production. Effectivement, si je faisais des disques avec des sets de disco filtré, je ne pense pas que je serai en face de toi. 

Tu peux nous reparler de la fois où tu as fait un edit de Carlos avec Big bisous, qu’est-ce qui s’est passé ?

J’ai découvert un maxi de ce morceau là que je ne connaissais pas du tout, produit par Bernard Estardy que je considère comme un producteur génial. À ce propos, y’a Born Bad qui sort une compilation de choses un peu plus obscures de Bernard Estardy. Donc, voilà en découvrant ce maxi, je me suis dit que ça serait marrant, je l’ai filé gratuitement sur notre site web. Cette version maxi est vraiment cool et n’a rien à voir avec la version normale.

 

Parle nous aussi de ton livre-photos. J’ai été très surpris, pour moi, la vie d’un DJ c’est communier et vivre un truc intense avec le public. Là tu sors un livre de photos personnelles, un truc individuel, qui se situe à l’opposé de tout ça…

Exactement, c’est justement pour un peu contrebalancer cette vie de DJ que tu viens de décrire. Je fais de la photo depuis pas mal d’années. En fait, ça s’est fait avec quelqu’un qui m’a d’abord proposé de travailler une exposition et ensuite d’en faire un livre. Du coup, c’est une manière plus introspective de faire les choses, de communiquer avec les gens.

Tu as mis pas mal de choses personnelles dedans…

Oui, oui. Il y a des photos de gens de ma famille sur les 3-4 dernières années. Ce sont principalement des portraits. Pour le moment, il est en sold-out mais on va bientôt en remettre. A l’intérieur, tu as même un CD inédit d’I:Cube, c’est 30 minutes de musique qui servaient à illustrer l’exposition.

Ah, le grand copain I:Cube. Vous êtes vraiment liés tous les deux.

Ouais, vraiment. Ça fait 22 ans qu’on travaille ensemble. C’est presque ma plus longue relation…

Tu vas jouer aux Nuits sonores à Lyon, tu feras notamment un back-to-back avec Oceanic. Tu peux nous dire comment ça se passe ? Qui c’est Oceanic ? 

Il n’est pas encore tout à fait connu. C’est un gars de Rotterdam. Il représente une scène plus différente que celle d’Amsterdam, c’est une scène plus dure, il se situe plus dans la galaxie Clone, le label de Rotterdam, à Amsterdam, c’est Rush Hour. Oceanic, je l’ai vu en live une seule fois et j’avais trouvé ça super. Du coup, je lui ai demandé de faire des remix pour un maxi de Pierre Bastien et Eddie Ladoire qu’on a sorti quelques mois après. Comme cette année à Lyon c’est un peu plus focus sur Amsterdam, on se retrouve à jouer ensemble et j’en suis ravi.

 

  • Interview réalisée par Mister B. 

Photos : Chan Masson de l’association Sabotage.