Ça se passait au Café international à Besançon la semaine dernière et si tu l’as loupé tant pis pour toi. Organisée par le Duo, la scène culturelle du Crous, la soirée mettait à l’honneur la jeunesse française ! Silver Louzy, dijonnais de souche, en première partie, Alice et moi, de Paris, pour la suite. Sparse est allée à la rencontre de cette nouvelle artiste pop.

À quel moment tu as senti que tu voulais te lancer à fond sur scène ?

Je pense que la première fois c’était quand j’ai gagné un concours, je chantais en anglais à l’époque. C’était pour une marque de vêtements qui s’appelle Penny black, j’ai fait une chanson en anglais qui s’appelait Penny justement pour eux. Ils m’ont vu dans un vernissage, ils avaient aimé mon style et ils m’ont demandé si je chantais par hasard. Moi je faisais ça seulement pour moi et un ami qui était là a dit « Oui oui elle chante ! » Ils m’ont dit de leur envoyer une vidéo. Je leur ai envoyé et j’ai gagné le concours mais ce que je savais pas c’était que si tu gagnais le concours – moi je pensais gagner des vêtements – eh bien tu allais jouer à Milan devant environ 300 personnes. C’était mon premier vrai concert ! Je devais avoir 20 ans (j’en ai 25 ans maintenant). C’est à ce moment-là que je me suis rendue compte que j’aimais vraiment ça et après j’ai décidé de lancer mon projet, j’ai fait plusieurs salles – l’une des premières que j’ai faite était Les Trois Baudets à Paris, une salle pour jeunes artistes, c’était formidable.

Autre anecdote : quand j’ai commencé à apprendre la guitare, j’avais 16 ans, je venais d’apprendre une chanson à la guitare qui s’appelle Anyone Else But You de The Moldy Peaches. On était dans un club de vacances avec mon père et tous les soirs il y avait un énorme spectacle. Un soir, à la fin du spectacle, l’animateur dit qu’il a une surprise et là, mon père me dit de venir : il m’avait pas prévenu et j’ai dû chanter cette chanson à la guitare avec lui, mon frère qui arrivait avec des percus et devant 400 personnes cette fois-ci !

« Quand je me suis mise à faire de la musique c’est comme si je crachais le morceau ! »

 

Alice et moi c’est vraiment un projet que t’as auto financé, comment ça s’est lancé ?

Je faisais déjà de la musique pendant mes études à Sciences Po mais j’étais pas sûre de vouloir dédier ma vie à la musique. J’ai continué, j’ai attendu d’avoir mon master, j’ai eu de bons stages, même une proposition de boulot par la suite en journalisme et ça me faisait rien ! Ça me passionnait pas et je voyais les gens excités autour de moi mais je me sentais fade. Quand j’ai eu mon diplôme, je suis même pas allée à la remise des diplômes, c’est là que j’ai réalisé qu’après 5 ans d’études, rien ne me faisait autant plaisir que la musique. J’ai lancé le projet, j’ai tout financé moi-même, j’ai dû penser à une stratégie, à ce que je voulais raconter, etc.

« Eoliennes », « c’est toi qu’elle préfère » tes titres sont assez personnels, tes paroles aussi, tu mets beaucoup d’Alice dans ces morceaux, pour quelle raison ?

Tout ce que je faisais à coté auparavant me paraissait assez impersonnel, surtout par rapport à mes études, et quand je me suis mise à faire de la musique c’est comme si je crachais le morceau ! Je disais ce que j’avais envie de dire dans mes chansons. Quand je suis sur scène, j’aime le partage avec les gens mais quand je fais de la musique dans ma chambre c’est comme une thérapie, me laisser aller, ça me permet de me libérer totalement et de me sentir plus forte.

« Je pense que si l’on fait de la musique, c’est par honnêteté, pour vivre quelque chose »

 

Est-ce que t’as l’impression de faire partie de ce mouvement, de la chanson française qui renaît en ce moment, avec notamment Fishbach, Vendredi sur Mer, Pépite, The Pirouettes, Thérapie Taxi ?

Je suis contente si j’en fais partie ! J’aime bien ce mouvement, j’écoute ces artistes aussi et je trouve ça vraiment cool de chanter en français. La première fois que j’avais chanté c’était en anglais et je me sentais beaucoup moins proche des gens. Chanter en français me parait tellement plus personnel, comme une conversation à une amie. J’essaie aussi de me dire qu’il faut pas s’enfermer dans une bulle, avec le petit mouvement pop française qui existe, rester ouvert et toujours chercher de nouveaux sons.

En Belgique, il y a Angèle qui cartonne, tu t’identifies à elle ?

Je la suis à fond, je l’adore, elle m’a cité la dernière fois sur Virgin Radio en disant qu’elle écoutait ma musique, qu’elle aimait ce que je fais et ça m’a fait plaisir. Je trouve ça génial qu’entre les artistes il y ait une entraide justement. On m’a déjà dit que dans le monde de la musique il faut faire gaffe à ses concurrents, et on m’a déjà parlé d’Angèle parce que c’est une fille qui fait de la pop, mais je me suis jamais sentie en compétition – Angèle a clairement plus de vues que moi ! – je pense que si l’on fait de la musique, c’est par honnêteté, pour vivre quelque chose. D’ailleurs je vais jouer à Cabourg avec elle et j’en suis vraiment ravie !

Tu penses que tu pourrais le suivre ce mouvement, être propulsée sur la scène à ton tour, grâce à ton talent ? Tu sens que les gens ont un engouement pour ta musique ?

J’aimerai bien ! Ce que je sens par rapport à avant, lors de mon passage à Dijon la dernière fois par exemple, c’est que le projet prend de l’importance. Des filles voulaient des photos de moi, avaient le fameux œil dessiné sur la main. Lorsque j’ai annoncé que j’allais à Besançon, des gens m’ont écrit pour me dire qu’ils m’offriraient des bières à l’occasion, … des anecdotes qui font que je sens un intérêt pour ma musique. J’arrête pas de rencontrer plein de gens qui me connaissent. A Paris, pour la première fois, on me reconnait avec ma casquette, « oh Alice et moi ! ». J’en suis fière, ça montre que les gens écoutent ce que je fais et l’aiment. Beaucoup de commentaires arrivent spontanément à la sortie de mes vidéos également.

À la rentrée je vais sortir un nouvel EP, je suis en train de bosser dessus et j’ai l’impression de m’être encore plus livrée dedans, d’avoir été encore plus sincère. Y’a notamment un titre dont le clip est prêt, j’y crois beaucoup et tout mon entourage y croit également, j’ai déjà eu de bons retours.

T’as choisi Alice et moi comme nom de scène, le moi c’est pour la Alice qui est sur scène, qui se montre devant tout, qui se met à nu ?

J’ai clairement un côté bipolaire : il y a toujours la petite fille hyper émotive et terrorisée en moi qui m’aide à créer et qui fait que c’est très personnel. Parfois j’ai l’impression qu’il y a Alice comme on l’imagine, sur scène et puis il y a moi, tout se mélange, je me sens bien dans ce que je fais maintenant et c’est vraiment deux personnalités qui font ce que je suis. Il y a autre chose, je m’étais pas rendue compte tout de suite mais lorsque les gens disent « j’écoute Alice et moi » ils s’incluent dedans, dans l’histoire et parfois j’ai envie de dire « Oui c’est nous ! Y’a une relation secrète », j’aime l’idée qu’il y ait un lien entre les gens qui m’écoutent et moi. J’adore aller leur parler, rester avec eux, j’ai aussi fait de la musique pour rencontrer des gens et les toucher d’une certaine manière.

Last point, le meilleur endroit où tu te sois produite c’était ?

Il y a la Boule noire à Paris, c’était pour la release party de mon EP et c’était complet ! 250 personnes environ, c’était l’aboutissement d’un an de travail, j’avais tout organisé et ça faisait pas mal de taff. Quand je suis arrivée sur scène, j’ai pas tout de suite réalisé ce qui se passait, j’étais vraiment émue par ce que j’avais réussi. A la fin du concert j’ai même remercié tout le monde comme si c’était un césar ! « Merci beaucoup, ma mère, mon père, merci à tous … ! » avec les larmes aux yeux alors que c’était une simple soirée pour la sortie de mon EP ! C’était l’un des meilleurs moments, le plus fort en émotions !

 

  • Interview réalisée par Dédé Seramour.

Photos : Randolph Lungela