Placé sous le signe du poète maudit et mystificateur Thomas Chatterton qui se suicida à l’arsenic à l’âge de 18 ans (RIP Thomas), le groupe français Feu ! Chatterton semble a contrario baigner dans le bonheur depuis leurs récents débuts il y a trois ans,  propulsé d’emblée vers les étoiles avec leur premier album « Ici le jour (a tout enseveli) ». Avant leur passage à la Vapeur le 17 mai, petit bilan avec Clément Doumic, le guitariste du groupe.

Dans la foulée du deuxième album, L’Oiseleur, qui vient de sortir, vous avez enchaîné sur la nouvelle tournée depuis mi-mars et apparemment, ça se passe plutôt bien…

Super bien même ! Beaucoup de dates sont déjà complètes  et le public est bienveillant avec nous. Bon, on a nos fidèles mais suite à l’Oiseleur, on a aussi récupéré un nouveau public qui est venu grossir les rangs de l’ancien et le solidifier. C’était d’ailleurs un peu notre crainte que de ne pas être suivis comme la première fois… Mais bon, l’album se vend bien et avec le premier single qu’on avait extrait, Souvenir, on a tout de suite senti un frémissement dans les ventes et sur les plateformes virtuelles. Alors oui, on est contents !

Oui, d’autant que la sortie du deuxième opus est toujours casse-gueule, surtout quand le premier a été salué et par la critique et par le public. Vous aviez cette pression, cette angoisse du deuxième album ? Genre on se dit, et si ça ne fonctionnait plus ?

Oui évidemment et c’est pour cette raison que l’on n’a pas perdu de temps pour commencer à l’écrire. On ne voulait pas laisser passer trois ou quatre ans, on voulait profiter du bruissement  favorable autour de nous avec Ici Le Jour. Et surtout on souhaitait retrouver les mêmes conditions d’enregistrement, c’est-à-dire une création entre potes. On a donc loué un petit deux pièces dans le 11ème à Paris et chacun d’entre nous passait  à son gré afin travailler sur les morceaux.

« L’Oiseleur est suffisamment foisonnant et ouvre certaines pistes qui éclairent d’autres aspects de notre musique et prouvent que l’on est capables d’évoluer, de ne pas rester sur nos acquis. »

À la bonne franquette quoi …

Absolument. On expérimentait des trucs, chacun apportait sa pierre à l’édifice et puis on a ensuite enregistré ensemble, dans les conditions live, ce qui entraîne parfois des accidents heureux qui se révèlent beaux au final et qui trouvent toute leur place dans un morceau. On désirait vraiment garder cet esprit de cohésion et de complicité qui nous habite depuis nos débuts.

Alors justement, enregistrer aussi vite et sur les mêmes bases aurait pu donner un album identique au premier, au risque de se répéter et pourtant…

Il y a des ressemblances bien évidemment mais je pense que l’écriture du premier album était plus aventureuse et moins cohérente que le second. L’Oiseleur est plus abouti, plus introspectif et plus expérimental. Avec des chansons comme L’Ivresse ou tes Yeux verts, on a tenté d’autres choses à la fois musicales et vocales. Avec L’ivresse, on s’approche du phrasé rap par exemple. Et puis aussi si nos chansons sont toujours traversées de mélancolie, celle-ci est plus lumineuse, plus voyageuse. Il y a une certaine rupture dans la continuité en somme…

Un album charnière ?

Oui et non. Un pas vers autre chose peut-être même si pour l’instant il est trop tôt pour réfléchir à la suite. Mais L’Oiseleur est suffisamment foisonnant et ouvre certaines pistes qui éclairent d’autres aspects de notre musique et prouvent que l’on est capables d’évoluer, de ne pas rester sur nos acquis.

« Feu ! Chatterton a une vraie signature et franchement, on ne savait pas du tout si ça allait prendre.« 

 

Comment expliquez-vous ce succès à la fois critique et public pour votre musique complètement atypique par rapport à la production actuelle ?  Vos morceaux sont longs, les textes poétiques, le chant d’Arthur entre spoken words et déclamation… Vous étiez conscients de votre différence ?

On joue depuis longtemps ensemble et en fait, on ne s’est pas dit « tiens, on va aller à contre-courant de tout ce qui se fait… », non, nos multiples influences très variées nous ont portés vers ce qu’on aimait, ce qu’on ressentait. Bon, peut-être qu’inconsciemment on a quand même songé à devenir une alternative à tout ce qu’on entendait. Le fait est que Feu ! Chatterton a une vraie signature et franchement, on ne savait pas du tout si ça allait prendre. Or, le public a suivi… Je pense que nos chansons parlent aux gens ; elles parlent d’amour, de rupture, à la fois ancrées dans la réalité mais de façon poétique avec les paroles d’Arthur.

Oui, et puis dans L’Oiseleur, les 12 titres font penser aux chapitres d’un livre. On y pioche ce qu’on veut, ce qui nous touche.

Un jardin, un livre… oui il y a cette idée de se balader de chanson en chanson, d’attraper des bouts de vies, des émotions, des sentiments, etc. D’ailleurs, de Je ne te vois plus qui ouvre l’album à La Fenêtre qui le clôt, il se dessine une ligne directrice, un chemin sur lequel on peut s’arrêter, revenir sur ses pas ou aller de l’avant. On n’a pas voulu s’enfermer dans un carcan et finalement, notre style mêle un peu tous les styles.

Lors de cette nouvelles tournée, comment avez-vous conçu votre set-liste ?  Des reprises ?

Ben, maintenant qu’on a plus de titres à offrir, on essaie de mixer, de ne pas jouer uniquement le dernier album. En fait, on change souvent, on essaie plein de nouvelles formules afin que ce soit dynamique, que les morceaux fonctionnent entre eux et que le public s’y retrouve et parfois on le sent plus réactif que d’habitude, c’est un indicateur. Bref, on n’est pas figés. Par exemple pour les festivals, on se doit d’être plus fédérateurs, plus énergiques pour un public qui n’est pas forcément venu nous écouter. Quant aux reprises, là aussi ça dépend des villes, de la composition de la set-liste. Par exemple à Lille, une reprise avait été choisie pour des raisons personnelles spécialement pour ce soir-là.

La tournée sera longue ?

Oui, jusqu’à l’été 2019 à peu près.

Vous jouez à La Vapeur le 17 mai. La ville de Dijon ça vous évoque quoi hormis la moutarde ?

La petite chouette (rires) de l’Église Notre-Dame. L’enfance surtout et les vacances en Bourgogne. Des bons souvenirs. Et puis La Vapeur, c’est la première grosse salle dans laquelle on a joué lors de notre première tournée, c’est donc un retour pour nous et on a vraiment hâte d’y être !

 

  • Interview réalisée par Thierry Blandenet.

Photos : JC Polien. 

Feu ! Chatterton sera à la Vapeur le jeudi 17 mai à 20h et Sparse fait gagner des places, le bonheur se trouve juste ici