La capitale de la pipe (et du diamant). On demande à Christophe Joneau, directeur de La Frat’ si ça ne les fatigue pas un peu, eux les habitants de Saint-Claude, les blagues salaces à propos de leur ville. Sa réponse ? « Un peu, mais la pipe, c’est capital, dirait Marx ».

L’association accueille des artistes en résidence, quatre salles de ciné, un théâtre, une imprimerie, une salle de sport, des ateliers et des concerts dans un bâtiment qui s’étend sur 4000m2 et 8 niveaux. Par quel miracle l’esprit et les initiatives de « coopérateurs » du XIXe siècle perdure aujourd’hui dans un lieu culturel pluridisciplinaire au fond du Jura ?

Depuis le début des années 80, la maison du peuple, initialement une coopérative alimentaire qui fût également un lieu d’éducation populaire et de résistance pendant l’occupation, accueille en ses lieux La Fraternelle. L’association, dont le but initial était de créer un lieu d’échanges et de rencontres, affiche un fier bilan 30 ans plus tard, tant le rayonnement culturel de la structure est impressionnant. Les bénévoles de la première heure ont gagné leur pari, le bâtiment qui s’étend sur 4000m2 sur 8 niveaux est aujourd’hui, de l’avis des nombreux artistes, habitants, professionnels et élèves, cet espace rêvé de liberté et d’émancipation par la culture.

Christophe Joneau le confirme, l’activité à La Frat’ est intense avec près de 50.000 visiteurs par an, pour pas moins de 10.000 habitants dans la ville. « Aujourd’hui, on a trois secteurs d’activités principaux qui sont la diffusion, l’éducation artistique et populaire et la production. On a une convention avec l’éducation nationale qui va être reconduite ». Mystérieusement, l’esprit d’un modèle coopératif d’un autre âge se perpétue dans un lieu associatif. C’est à se demander comment un repère d’irréductibles gauchos, les Frateux et leur « utopie concrète » n’ont pas encore été balayé par la start-up nation. Pour Christophe Joneau, ce paradoxe tient dans le rapport affectif qu’entretiennent les habitants de Saint-Claude avec La Frat’.

Tout le monde a un ami, un voisin ou un proche qui est lié à La Fraternelle. Tout le monde y est déjà venu car ce sont les salles de ciné du coin. Pendant longtemps, le gymnase de La Frat’ était celui qu’utilisaient toutes les écoles. Même les personnes en désaccord avec les valeurs et l’histoire politique de l’association y sont attachées. « Pour ce qui est des critiques, on a été un temps perçu comme trop élitiste. » Mais cette image a changé, du fait notamment de la programmation hors-les-murs, de la restitution des ateliers par les élèves aux parents ou encore d’une offre de spectacles plus variée.

Cependant, malgré l’attachement de la population à la structure, malgré la reconnaissance des collectivités qui ont chargé l’association de coordonner le contrat territorial de développement culturel et d’éducation à la culture depuis plusieurs années, La Fraternelle fait face à des difficultés financières. La bonne nouvelle, c’est que Cahuzac va participer car La Fraternelle est reconnue d’utilité publique depuis 2015. Les dons donnent droit à un crédit d’impôt.

  • Augustin Traquenard

Crédits photos : N. Waltefaugle et J.M. Brellier