À Nevers, on attendait tous le 9 mars comme le messie. En cause : le seul et unique concert 2019 en France de Nina Hagen est prévu à la Maison de la Culture de… Nevers. Déjà là, on était comme des dingues. A tel point que les affiches du concert, matraquées dans l’ensemble des rues de la ville, ont presque toutes été volées par ses fans. Mais voilà, on y était, on l’a vu, on l’a vécu, et on a été plus que déçus. Nina Hagen a cassé le mythe.

Si vous ne connaissez pas cette légende, dites vous que Nina Hagen est au punk ce que les Beatles sont à la pop. Pour beaucoup, on ne la présente plus tant elle est considérée comme une icône, une marraine, une reine, une star, une légende du punk, du rock et de la new wave allemande et internationale. On se souvient de ses fulgurances et de ses délires. Nina, c’était celle qui apprenait la masturbation aux filles en 1979, en direct de la télévision allemande. C’était celle capable de chanter l’Ave Maria, My Way et Over the raimbow, tout en vous disant que son plus grand rêve serait de rencontrer des extraterrestres. C’était celle qui réalisait tous vos fantasmes les plus fous. Oui, mais c’était.

La semaine précédent le concert, l’effervescence était à son paroxysme. En tant que journalistes, nous étions tous à l’affut d’une interview de la star. Par chance pour nous, certains grands confrères ont été balayés, à notre profit : deux médias régionaux sont retenus et nous sommes parmi les grands élus. J’avais l’impression d’avoir passé un concours. Petit gossip : même une certaine « Starr » avait déjà pris ses places pour venir admirer la légende du Punk et était présent ce soir là à Nevers.

9 mars 2019, 20h pétante, on entre dans la salle étrangement étonnés par le son de guitare et de piano accompagnant la voix de Nina Hagen. « Nous sommes désolés, elle a décidé de commencer une demi-heure plus tôt, on n’a rien pu faire. Bonne soirée à vous et bon concert ! ». Ambiance. On la découvre sur scène, accompagnée de son guitariste et chanteur, de son contrebassiste, batteur et de son pianiste. Ce soir, elle chante du Brecht. Elle n’a pas changé, toujours aussi exubérante. Ses pointes roses et son poncho à imprimés psychédéliques nous transportent le temps des premières chansons vers des aigues lyriques et des notes masculines. C’est beau, on regarde et on est bouche bée. C’était avant qu’on sente la décadence de la légende, au bout de la troisième chanson, soit seulement 30 min après le début du concert. Elle s’agace, réclame de l’eau et un spray pour sa gorge, elle s’assoit et ne fait plus le show. Les « shit » et « scheiβe » s’invitent dans ses paroles, on la perd définitivement quelques minutes plus tard : Nina Hagen est aphone en plein concert ! Nous expliquant que l’air conditionné de l’hôtel lui a fait perdre sa voix, elle nous fredonne un good-bye (enfin, heureusement que son chanteur était là pour combler la chanson) et part sans retour pour honorer les rappels du public. Pas même une révérence, il faudra se contenter d’un good-bye à demi chanté.

 

Alors, c’est vrai, elle faisait de la peine. Nina ne donnait pas l’impression d’une diva désabusée, mais plutôt d’une artiste désemparée. En sortant bredouille de la salle et après seulement une petite heure de concert (si on peut appeler ça comme ça…), ses fans sont venus me voir avec des « tu seras clémente s’il te plait » et une pointe de gène dans le regard, comme si leur mère avait fait une bêtise. Simplement réaliste, il faut avouer que la légende a prouvé qu’il faut savoir tirer sa révérence.

Et l’interview exclusive alors ?! Aucune nouvelle, rien à faire, ne serait-ce qu’un refus exprimé avec politesse. Rien. Comme dirait l’autre, il faut savoir s’arrêter au sommet de sa gloire plutôt que de décevoir.

A bon entendeur.

  • Victoire Boutron