L’étonnant duo composé d’un acteur français oscarisé et d’un cinéaste musicien nous a donné quelques tuyaux pour frimer en société et pouvoir affirmer qu’on a tout compris au film.

La dernière loufoquerie de Quentin Dupieux présentée au festival de
Cannes, “Le Daim”, met en scène Jean Dujardin en proie à une obsession pour un blouson à frange. On les a rencontré à l’occasion des avant-premières diffusées aux cinemas Cap Vert de Quetigny et Darcy de Dijon.

Après une série américaine (Rubber, Wrong, Wrong Cops), Quentin Dupieux aka M.Oizo tourne maintenant en France (Réalité, Au poste) et
met en scène l’acteur le plus bankable du Cinéma Français : Jean Dujardin. Tout deux de passage à Dijon avant le set de Oizo au festival VYV, une bonne occasion pour Sparse de leur poser quelques questions, entre la poire et le fromage.

Une caractéristique du film semble être sa lenteur vous êtes d’accord avec ça ?

Quentin Dupieux : La lenteur, c’est quelque chose qui me fait marrer, ça va à contre courant des comédies où le rythme est ultra rapide, le montage fait
par des bouchers et qui sont longues, trop longues. Quand je vois les gens se marrer devant mon film, je jubile, je me dit qu’on peut effectivement faire marrer avec de la lenteur. Comme pour mon précédent film, “Au poste”, le temps est celui des comédiens, de la vie. Pas besoin de monter le film pour créer une rythmique particulière pour rendre le film comique, ce sont les acteurs qui sont drôles.

Dans le film, les objets technologiques présents sont dépassés (caméscope, TV cathodique), tout comme les décors qui sont désuets, cela renvoi à l’enfance ?

QD : Peut être, ce qui est sûr, c’est que j’aime bien lorsqu’il y a un parfum du passé, mais sans en faire trop c’est-à-dire tomber dans la nostalgie. Cela permet aussi de ne pas inscrire le film dans une époque précise.

Jean Dujardin : En tant que spectateur, on a tendance à se dire : il s’agit de
telle époque, le personnage vient de tel endroit, de tel milieu et va se diriger par là. Quentin fait des ellipses, il brouille tout ça, c’est ce qui est intéressant.

Tu parles beaucoup du montage de tes films que tu fais toi-même, dans « Le Daim », Denise (Adèle Haenel) a aussi une passion pour le montage cinématographique. Est-ce que tu fais un rapport avec ton activité de musicien ?

QD : Un peu, mais faire du montage au cinéma c’est tellement plus compliqué et dense que de faire de la musique sur un ordinateur. Il y a des correspondances parce que les logiciels fonctionnent de la même manière, sauf que sur un morceau où tu as juste besoin d’un petit groove qui se répète, la zone de travaille est toute petite, alors que sur un film, c’est immense. Dans mon cas, la musique est venue car j’en avait besoin dans mes courts-métrages. En fait je suis un peu manchot en musique, je ne sais même pas ou sont les notes sur un clavier, je fais des trucs très simples, alors qu’avec un film, j’ai l’impression que je peux vraiment m’exprimer parce que je maitrise davantage mes outils.

Dans le film, Georges (Jean Dujardin) semble littéralement se transformer en daim, c’est une métaphore sur le retour à la vie sauvage ?

JD : Effectivement, Georges abandonne une vie chiante, son travail, sa famille pour une régression animale. On peut imaginer qu’il travaillait auparavant chez Copytop où il passait son temps à faire des photocopies.

QD : Une source d’inspiration a été le film “Grizzly Man”. On a regardé ça avec Jean, il s’agit de cassettes qu’a retrouvé Werner Herzog d’un mec qui partait tous les ans sur une île pour se filmer avec des ours sauvages.

JD : Il y a été 14 ans d’affilé et il s’est finalement fait becter ainsi que sa femme.

QD : Le truc génial, c’est que pendant l’accident, la caméra tombe donc on ne voit rien. Par contre il y avait du son, mais c’est d’une telle violence que Herzog choisit de ne pas nous le faire écouter. La fin de mon film est directement inspiré de la folie de ce mec qui avait comme projet de vivre avec des ours mais sans aucune connaissance de leur dangerosité.

À propos de références et d’inspirations, en visionnant « Le Daim », on pense à « The Shining » ou encore à « L’adversaire » de Nicole Garcia où un mythomane passe ses journées seul dans sa voiture.

QD : Je n’ai pas vu “L’Adversaire” et à la différence du film
de Kubrick, le but pour moi est de faire rire, même si il y a un coté
angoissant dans le film.

Jean, tu as déclaré avoir été possédé par le personnage de Georges, comment s’est passé la sortie du tournage ?

JD : Il est vrai que ma vie personnelle et le scénario, le personnage
de Georges, c’était synchro. Au point où lors du tournage, je
n’avais pas besoin de bosser le scénario, alors que je suis
quelqu’un qui travaille beaucoup. Là, tout était en moi, c’était
facile. Pour ce qui est de sortir du personnage, ça a été, même si
pendant une semaine, j’ai acheté du daim en rafale.

  • Augustin Traquenard

Crédit photo : DR et Augustin Traquenard