Guts, DJ, producteur, compilateur, digger, celui-là même qui a commencé sa carrière avec Alliance Ethnik était programmé avec son live band à Détonation à Besançon, et sur le Tribu festival à Dijon. C’est juste avant son set au Tribu qu’on a papoté avec un des maitres du digging en France. Entre hip-hop, musique tropicale, scène et Ibiza.

Philantropiques, c’est le nouvel album. Tu passes de beatmaker à chef d’orchestre du studio au live. Comment t’as eu envie de changer d’univers ?

J’ai toujours pensé le travail en studio de façon collective, toujours été animé par le travail en groupe. Je me suis toujours improvisé chef d’orchestre en studio dans mes projets. Mais ce qui est nouveau c’est que j’ai voulu me tester, sur une couleur musicale, tropicale, des îles, afro. J’ai senti que c’était le moment de créer ce nouveau projet, avec le groupe, les Akaras de Scoville. C’est venu de façon spontanée, naturelle, parce que j’ai toujours drivé des musiciens en studio. Le coté live avec un band, ça a commencé sur mon 4e album en 2014.

Pourtant tu annonces que tu vas arrêter les lives à la fin de cette tournée ?

Dans mes multiples activités artistiques, il fallait que je réduise. Production, DJ, compilations, le label Pura Vida qui me prend beaucoup de temps… Je vais continuer à faire des albums en studios. Mais le live, ça prend du temps, ma santé en pâti. Je dois réduire pour être plus opérationnel sur tout le reste.

Tu prépares une belle fête pour la fin des lives le 24 janvier à l’Elysée Montmartre. C’est un beau clin d’œil car c’est là que tu as joué pour la première en première partie d’IAM dans les 90’s… En janvier, ce sera un live de 2h30, avec plein de surprises…

Je sais plus quoi rajouter, t’as tout dit (rire). Je vais jouer le meilleur des 7 albums. On va mélanger les styles et les couleurs avec plein d’invités.

Ton label, Pura Vida Sounds, c’est une sous division du label Heavenly sweetness…

Je chapeaute, je suis un peu le DA du label. Y’a plein de choses dans les tuyaux qui me réjouissent, qui m’excitent. D’ailleurs c’est rigolo parce que ce soir en première partie, c’est un hasard, mais c’est un artiste du label Kaoji, qui est programmé avec son groupe, Onipa. Il a du mal à venir jouer en Europe, donc c’est super qu’il soit là.

20 ans après Alliance Ethnik , t’as explosé un peu avec les compiles Beach diggin’, où tu faisais découvrir ou redécouvrir des vieilles pépites de groove. Moi, quand je dois présenter Guts, je dis que c’est un digger…

Oui, c’est exactement ça.

C’est quoi ta méthodologie pour digger ? Internet ? T’as des fixeurs dans différents pays ?

Je suis toujours en alerte, tout le temps à l’affût. Ce soir j’ai vu Matt, Blackvoices (DJ/digger de Besançon, ndlr), lui aussi, il fait partie des diggers qui comptent. C’est des mecs comme lui qui me font découvrir des choses aussi, j’ai plein de connexions avec des dealers au travers le monde : Portugal, Australie, USA, Allemagne… Je suis hyper à l’affût sur Internet. Mais ça prend beaucoup de temps, à redécouvrir des vieux projets, des disques obscures… Même si je digge autant de vieilleries que de nouveautés. Donc je suis dans le « avant », mais je suis aussi dans le « maintenant ». Et avec le label je suis carrément dans « l’après » . Je suis un invétéré du digging, c’est clair.

À quel moment tu tombes dans les musiques tropicales, toi qui viens du hip-hop ? T’avais ça dans ton background ?

Le dénominateur commun, c’est le groove. Le groove qui peut m’accrocher autant dans le jazz que dans la soul, que dans la pop, que dans la musique africaine, etc…

Depuis 4-5 ans j’ai repris les DJ sets. Le fait de rejouer aux platines… au début j’étais confiné dans le hip-hop, mais plus ça va et plus je joue de l’antillais, du brésilien, de l’africain, et ça marche à fond. Je me suis nourri de ces trucs-là depuis de nombreuses années. Et puis j’ai eu de la chance, la manageuse d’Alliance Ethnik à la base, c’était une figure de Radio France internationale (RFI) et aussi la manageuse de Youssou Ndour. Elle s’appelait « La Gazelle ». La connexion va très vite. Je me suis connecté très vite avec l’Afrique. La musique brésilienne, c’est venu plus tard. En ce moment je suis à fond dans la musique lusophone. Angola, Guinée Bissau… J’ai des périodes où je suis connecté à plusieurs couleurs de musique. Je me suis aperçu que je prenais de plus en plus de plaisir à jouer de la musique tropicale, et à en digger surtout. Donc je me suis dit pourquoi pas en composer.

T’as pas peur de pas être légitime de ces styles ?

J’ai la capacité à bien me faire accompagner. Et j’aime sortir de ma zone de confort, me challenger.

Du coup avec ça t’as arrêté les compilations Beach Digging ? Au volume 5 ?

C’était devenu un rendez-vous annuel sur Heavenly sweetness. Mais au bout de 5 volumes…

Tu t’es engueulé avec Mambo, ton acolyte sur ces compiles ?

Pas du tout loin de là. Mais bon, au bout de 5 volumes on avait l’impression d’avoir un peu fait le tour. On aspirait à de nouvelles idées.

On repart sur une nouvelle série ? Avec la compil’ Straight from the deck qui est sorti y’a peu ?

J’étais pas parti pour ça mais le label m’a dit, écoute, ça se vend bien, ça serait une bonne idée un 2e volume.

C’est Cyril Atef (de Bumcello, Congo Punk…ndlr), qui t’a accompagné sur ton dernier album. Il a coproduit avec toi, il joue des percus sur l’album. Qu’est-ce que ça t’apporte un Cyril Atef sur ce coup-là ?

Déjà, je suis fan de Cyril, de son univers. Je l’avais connecté y’a quelques années ; « Cyril je te kiffe, tu défonces, viens on fait un projet ensemble ». On a fait plusieurs live sets avec lui. Je faisais des DJ sets avec des musiciens qui boeuffaient. Et pour Philantropiques, je me suis dit c’est enfin le projet où je vais pouvoir l’inviter de manière impliquée. Où il va s’exprimer et jouer tous les morceaux. Je lui ai dit : « J’ai besoin d’être épaulé », il m’a dit « J’suis chaud ». Et c’est parti.

Tu vis toujours à Ibiza, parle-nous de cette île, c’est quoi pour toi ?

Ben en fait c’est mon père qui vivait là-bas. Je me suis reconnecté avec lui sur le tard. Maintenant mon père est parti, paix à son âme, et j’ai découvert une autre facette de l’île, pas celle qu’on a sur M6. Une île où la vie est douce, paisible. J’ai découvert des gens intéressants. L’île m’a captivé. Ça fait 12 ans que j’y vis. Plus j’y vis, plus je l’aime. C’est un endroit qui regorge de mystères, de malentendus et de paradoxes. J’aime bien cette idée.

  • Par Chablis Winston, Martial Ratel et Mr B, en collaboration avec Radio Dijon Campus