1925-1935, dix années photographiées qui figent une époque de mouvements. Une décennie capturée sur des Unes ou des photos de presse qui racontent les ivresses et les angoisses de la société. Plus de 400 tirages et magazines exposés au musée Nicéphore Niépce à Chalon sur Saône, jusqu’au 19 janvier prochain.

1925-1935, une enclave dans un siècle fou, une décennie un peu oubliée, et pourtant riche. Il fallait bien une exposition, faite d’images, de Unes, de magazines, pour imaginer cette décennie bouleversante.

Dix années rendues frénétiques par le dégoût d’une guerre passée et l’angoisse d’une prochaine. On dirait une grande fête, les gens dansent pour oublier et pour ne pas imaginer. Et c’est la prouesse des images que de capter une insouciance grave.

Jean Moral – Séance de prise de vues sur le pont du paquebot Normandie pour Harper’s Bazaar – 1935 Planche contact © Brigitte Moral-Planté / Collection musée Nicéphore Niépce

Des livreurs de journaux saisis au vol ne sont pas encore des porteurs de mauvaises nouvelles. Les journaux eux, semblent hésiter et affichent des sourires et des Unes archi-angoissantes.
En se baladant dans l’exposition, on tombe sur une Une qui s’interroge en ces termes : Front National contre Front Populaire, Si les français se battaient, qui vaincrait ?

C’est la particularité de cette décennie méconnue sans doute, elle fait ressentir quelque chose de lourd qui plane, et cette atmosphère s’installe au cours de la visite.
Nous, ce que nous savons, ils ne le savent pas, ils ne savent pas, ces gens sur les photos, l’horrible qui s’installera et qui semble parfois s’annoncer.

En me promenant d’une salles de l’exposition temporaire à l’autre, je me demande si on jour on exposera les Unes qu’on voit tous jours chez le buraliste. Si des visiteurs du futur vanteront notre insouciance.

Les Unes de Vu retiennent toute mon attention, elles témoignent.

VU Hors-Série Fin d’une civilisation Marcel Ichac 1er mars 1933
Héliogravure © Collection musée Nicéphore Niépce

La photographie témoigne et accompagne les bouleversements d’une époque, fige sa modernité et la rend éternelle. La presse, elle, jouait déjà d’une inventivité folle, pour se démarquer, des graphismes aux couleurs des Unes, des dispositions des textes aussi farfelues qu’ingénieuses. En dix ans, on voit l’invention du photoreportage et l’essor des photomontages. Les mecs de l’époque avaient presque le niveau de Sparse.

Une décennie dorée, à laquelle l’insouciance ne survivra pas longtemps. Il y a, à l’entrée de l’exposition, cette phrase de Freud extraite de sa correspondance avec Einsten, en septembre 1932 « En attendant, nous pouvons nous dire : tout ce qui travaille au développement de la culture travaille aussi contre la guerre. »

En sortant de cette exposition, on se dit que cette décennie était du côté de la culture dans son bras de fer contre la guerre. Et c’est beau l’espoir.

Joséphine Baker (1906-1975), artiste de music-hall et Georges-Henri Rivière (1897-1985), ethnographe français, au musée ethnographique du Trocadéro. Paris, juin 1933.
Négatif souple au gélatino-bromure d’argent © Collections Roger-Viollet / BHVP

Des informations complémentaires ici

  • Arthur Guillaumot /
  • Une de l’article : Maurice-Louis Branger Musique sur la plage, Nice vers 1925 Négatif au gélatino-bromure d’argent sur verre © Collections Roger-Viollet / BHVP