Peu avant l’entrée en guerre contre le Covid-19 et le confinement général, un collectif cagoulé avait déjà pris les armes, à Dijon. Avec bêches et arbrisseaux en guise de kalashnikovs.

Une action de désobéissance civile a été perpétrée à Dijon dans la nuit du 7 au 8 mars, sur les rives du lac Kir : la plantation d’une mini-forêt en devenir sur un terrain communal délaissé par les promeneurs. Qui se cache derrière cette armée clandestine et quelles sont leurs revendications ? Eco-terroristes, doux dingues ou lanceurs d’alertes éclairés ?

Juste avant le confinement, on a rencontré un des généraux, tête pensante du mouvement qui entend bien montrer l’exemple en matière de lutte contre le réchauffement climatique en proposant une solution permettant également de freiner l’effondrement de la biodiversité.

Plus vite, plus fort

Signe des temps ou green-washing opportuniste, la végétalisation des villes est un argument de campagne électorale que tous les candidats à la mairie de Dijon ont inscrit dans leur programme. Lutte contre le réchauffement climatique bien sûr mais surtout une idée consensuelle : celle de créer des « îlots de fraîcheur » pour les citadins qui suffoquent de plus en plus dans les espaces urbains sur-minéralisés pendant les canicules à répétition.

Face à ces bonnes intentions, le collectif Plantation Rébellion propose d’agir « plus vite, plus fort » pour répondre au péril du réchauffement climatique. En ajoutant un deuxième enjeu à leur action, celui de la sauvegarde de la biodiversité, ils entendent bien faire passer le message : marcher pour le climat, « c’est bien mais ça ne suffit pas ».

Un jeune plant prêt à être mis en terre.

Il ne s’agit pas non plus de « planter un arbre à la va-vite et de rentrer chez soi ». Plantation Rébellion propose donc d’engager des actions massives, « d’afforestation », c’est-à-dire de recréer des forêts sur les terrains communaux délaissés.

L’action au lac Kir va dans ce sens, la plantation sauvage du lac est pensée comme une mini-forêt : arbres dominants au centre, arbres dominés dans un deuxième cercle puis arbustes à la périphérie. Les différentes espèces de la faune locale devraient naturellement trouver leur compte dans ces différentes strates et recoloniser les lieux.

Afforester pour pas cher

Selon le collectif, la politique de végétalisation de la ville est trop timide malgré les moyens financiers non négligeables lors de la plantation d’arbres. Lorsque la ville de Dijon a planté le long du tram, il s’agissait de « hautes tiges », des arbres transplantés qui coûtent cher (150€ l’unité) et qui mobilisent une équipe d’agents, des engins polluants. « On peut faire beaucoup mieux avec moins de moyens, à l’aide de jeunes plants issus de pépinières forestières (2€ l’unité). Après 10 ans seulement, ceux-ci auront rattrapé leurs aînés du fait de s’être mieux enracinés, ils seront également plus vigoureux », insiste le militant. Il s’agit donc d’investir tous les délaissés pour les afforester sans même demander la permission aux municipalités, mais en s’appuyant sur des personnes qui ont de l’expérience et en pensant l’architecture de la future forêt.

Un militant du collectif Plantation Rébellion.

En passer par la désobéissance civile pourra peut-être mener à des actions en justice, ce à quoi le collectif s’est préparé. Chaque arbre planté provient de pépinières certifiées et ont un « passeport phytosanitaire ». Il faudra alors prouver le préjudice puisque le choix des sites ne semble entraver aucune activité économique. Cela sera aussi sans doute « une excellente occasion » de communiquer sur l’urgence de l’action que martèlent les scientifiques quant au désastre à venir si des actions massives ne sont entreprises pour freiner le réchauffement climatique.

Plantation Rébellion, autoproclamée « branche arbrée de G.I.E.C. », entend donc éveiller nos consciences à coup de bêche en répondant à l’appel récent de 1.000 scientifiques prônant la désobéissance civile face à l’état d’urgence climatique. Ils ne détruisent ni ne bloquent rien, ils entreprennent des actions concrètes ayant pour but l’enrichissement du patrimoine forestier communal. La recherche d’un anti-virus du prochain fléau à venir, en quelques sortes.

  • Augustin Traquenard // Photos : DR

NDLR : depuis l’opération au lac Kir, début mars, les arbres sont toujours là aujourd’hui.