Potager, culture, jardin, maraîchage, faune, flore… des mots qui sentent bon la campagne et les envies de grand air post-confinement. Pourtant, une résidence en plein centre-ville de Dijon tente de démontrer qu’on peut s’inscrire dans une démarche écolo même en ville. Il est peut-être temps de revoir ton projet de bunkerisation dans le Jura. La vie d’ermite attendra.
Au premier abord, la copropriété située au 42 avenue Victor Hugo à Dijon est tout à fait normale. Mais quand on passe le portail d’entrée… c’est la jungle ! On marche dans les hautes herbes où un animal sauvage risque de surgir à tout moment, on esquive tant bien que mal les branches des arbres, des moustiques gigantesques nous assaillent… Bon ok, on exagère un tout petit peu. Mais laisser (modérément) la nature reprendre ses droits est bien l’idée défendue par Jean-Noël Cabassy. Quand il emménage ici en 1994, « il n’y avait pas un brin d’herbe, c’était un jardinier qui désherbait tout au glyphosate ». Le sol était entièrement recouvert d’un gravier blanc immaculé. Aujourd’hui, des « mauvaises » herbes apportent un peu de couleur mais c’est aussi tout un écosystème qui se développe à petite échelle.
« Ça a commencé avec la mise en place du compostage partagé (un dispositif du Grand Dijon), raconte Jean-Noël, sauf qu’après on s’est dit « mais qu’est-ce qu’on fait du compost ? » C’est là qu’on s’est engagé dans la démarche de création de jardins ». Sur une bande linéaire de 17 m², poussent désormais salades, framboises, tomates ou encore patates. L’espace cultivé se développe également avec des fleurs ou des arbres, toujours des essences locales. L’idée est de rentabiliser toute la surface disponible, même le toit des garages. Forcément, « il y a 40 centimètres de terre donc on ne peut pas faire grand-chose ». Pour les fleurs, alors que la préférence se tourne généralement vers les rosiers, Jean-Noël oriente plutôt vers des iris, moins gourmands en eau, ou alors il utilise la technique du paillage, avec de la paille bio issue du village de Malain, à 15km de Dijon.
Sur la dizaine de résidents, avec Aurélien, ils sont deux à être moteurs de la démarche. « Je n’avais jamais fait de potager avant. On se lance, on test, on découvre » précise ce dernier. L’apprentissage se fait petit à petit, au fur et à mesure des projets. En temps normal, « c’est des entreprises paysagères qui viennent, explique Jean-Noël. Nous on n’en a plus. On redonne la main aux résidents pour gérer leur espace ». Ainsi, la démarche est écologique mais également sociale. « Chaque année on se réunit et on fait appel pour savoir qui veut des m² de jardin », permettant ainsi de créer des interactions entre des résidents urbains qui se côtoient de moins en moins. « Je pourrais avoir une maison à la campagne. Mais est-ce que c’est la solution ? Si tout le monde a sa maison avec son jardin, on va prendre sur les terres agricoles, la forêt. Vu qu’on est nombreux il faut qu’on apprenne à vivre ensemble, à faire des choses ensemble ». Cela peut passer par d’autres aspects que le maraîchage : « on a remis en service le fil à linge. Beaucoup de résidents l’utilisent ». Faire sécher ses slips en public, c’est aussi ça le vivre-ensemble.
Jean-Noël et Aurélien ont réussi petit à petit à faire évoluer les mentalités dans leur résidence, à faire adhérer à leur projet. Mais ils espèrent également inspirer d’autres copropriétés urbaines qui disposent souvent d’espaces verts uniquement recouverts de pelouse. Ils n’hésitent pas, par exemple, à héler leurs voisin quand ceux-ci avaient leurs haies de thuyas qui étaient en train de mourir. « C’est normal, les thuyas ce n’est pas une essence locale, ils n’ont rien à faire en Europe. Quand ils ont voulu les remplacer, je leur ai dit : « Non mettez du charme ! » Et comme ça petit à petit on pourrait avoir une biodiversité incroyable en ville ».
- Matthieu Fort / Photos : M.F.