Salles fermées, artistes à l’arrêt, producteurs aux abois… On est allé voir le président de la fédération des musiques actuelles de Bourgogne-Franche-Comté (féma), David Demange. Comment ça se passe et comment peut se passer l’avenir pour les gens qui vivent de la musique?

Dans la fédération des musiques actuelles en BFC, dont tu es le co-président (avec Manou Comby, directeur de la Rodia de Besançon), il n’y a pas que les salles de musiques actuelles. Qui représentez-vous ?

La féma est un réseau de « filière ». Pour sortir du jargon, ça veut simplement dire qu’on y accueille tous les acteurs qui font vivre d’une manière ou d’une autre la musique vivante et la musique enregistrée en Bourgogne-Franche-Comté, et pas simplement les lieux de musiques actuelles : les diffuseurs (salles de concert, festivals, structures sans lieux fixes…), les producteurs de spectacles, les studios de répétition et d’enregistrement, les labels, les médias, les écoles de musique et autres structures de formation… Tous ces acteurs font partie d’un même écosystème que nous avons à cœur de défendre.

En ce moment, tout le monde est à l’arrêt complet ? Au Moloco par exemple, vous en êtes où ?

Ce deuxième confinement est un nouveau choc pour tout le monde. L’activité des concerts est une nouvelle fois totalement à l’arrêt, après une reprise très contrainte depuis l’été (notamment avec l’interdiction des concerts debout). Pour le moment les structures ont seulement le droit d’organiser des répétitions, des enregistrements et des tournages avec des artistes rémunérés pour cela et de proposer quelques projets en milieu scolaire sous conditions. C’est ce que nous faisons actuellement au Moloco, après avoir annulé plus de 20 événements programmés hors les murs en novembre-décembre. Mais comme tu l’imagines, très peu de structures à part celles qui sont subventionnées en fonctionnement ont les moyens de faire ce type d’activités en ce moment.

On sait que les SMAC (scènes de musiques actuelles) ont la chance d’être financé par l’État, les communes, ce qui peut permettre de laisser passer un peu la tempête. Qu’en est-il des autres acteurs de la filière ?

La plupart des structures luttent actuellement pour leur survie, soit parce qu’elles ont l’impossibilité de mener à bien leurs activités, ce qui brise le lien avec les publics, soit parce que leur modèle économique est déjà très fragile et que la crise les impacte très lourdement et les met en péril. Certes il y a beaucoup d’aides mises en place par l’État et les collectivités, mais la crise est tellement forte et longue que beaucoup de situations deviennent très critiques. Et la reprise en 2021 s’annonce plus compliquée que ce nous imaginions il y a quelques mois. Tous les acteurs de la filière sont impactés par cette crise historique et je ne parle pas des artistes qui sont dans une grande détresse psychologique. C’est pourquoi la solidarité doit guider nos actions dans cette période trouble.

Vous qui ne contrôlez rien sur la crise et ses conséquences sur votre activité, à l’heure actuelle, qu’est-ce vous attendez ? De quoi auriez-vous besoin pour que les structures culturelles ne meurent pas tout simplement pendant cette crise ?

Dans le monde de la culture, tout le monde comprend que la lutte contre ce virus est difficile et que les enjeux de santé publique sont prioritaires. Cependant face à ce séisme, l’ensemble des acteurs culturels ont besoin à la fois de considération et de soutien. La culture, ce n’est pas un simple loisir, c’est un besoin essentiel de l’être humain, surtout dans une période aussi sombre que celle qu’on vit. Comment comprendre alors la fermeture des librairies ou des disquaires pendant le confinement par exemple ? Mais la considération ne suffit pas. Il faut un soutien massif à tout l’écosystème de la culture pour qu’aucune structure ne disparaisse du fait de cette crise. C’est la diversité culturelle qui est en jeu. Sinon, on laissera le champ libre aux seuls Amazon, Google, Youtube et consorts pour l’avenir…

Comment la féma peut peser sur les décideurs à son échelle ?

La féma est l’interlocuteur privilégié de la DRAC (ministère de la Culture en région) et de la région Bourgogne-Franche-Comté. On suit donc de très près l’impact de la crise sur les structures en Bourgogne-Franche-Comté pour faire remonter les difficultés et travailler ensuite ensemble à la mise en place de solutions pour faire face à tout ça. On invite donc un maximum de structures à adhérer à la féma car plus on sera nombreux et unis plus on sera écoutés. En plus c’est pas cher du tout !

Quand est-ce qu’on va pouvoir danser ensemble à nouveau d’après toi ? Les concerts en vidéo ça commence à être un peu relou non ?

Franchement les concerts en streaming vidéo on n’en peut plus ! On a besoin de vivre les choses ensemble et pas devant un écran ! On l’a beaucoup ressenti dans tous les concerts qu’on a pu organiser depuis l’été jusqu’à ce nouveau confinement. Il y avait une vraie émotion entre les artistes et le public. En plus tout le secteur a pu montrer sa capacité à organiser ces événements avec des protocoles sanitaires très sûrs. Donc je suis plutôt confiant sur une reprise des concerts en assis en début d’année 2021 si on n’est pas confinés à nouveau. Pour les concerts debout, et c’est bien là l’essentiel pour la plupart d’entre nous, on espère vraiment qu’on pourra voir le bout du tunnel au printemps. Il faut qu’on porte un message collectif fort là-dessus, quitte à proposer des expérimentations (concerts tests,…) pour montrer que c’est possible !

Tu fais du jogging comme tout le monde en attendant du coup ?

J’ai beaucoup de boulot en télétravail et le jogging c’est pas trop mon truc en ce moment. Pour garder le moral, en fin de journée je suis plutôt en mode blindtest de Sparse et Pontarlier !

  • Propos recueillis par Chablis Winston  / Photo : Stéphane Durbic