Pour les bars, les restaurants et surtout les établissement de nuits, on le sait, depuis la crise du COVID : c’est la merde. Avec Antonin Borie, gérant du bar de nuit l’Antonnoir à Besançon et président de l’association Bar Boîtes Restos de Besac Unis (BBRBU) qui regroupe une soixantaine d’établissements, on a évoqué les difficultés qu’ils rencontrent.

Comment l’initiative du collectif BBRBU a vu le jour ?

Au départ c’était un groupe de conversation privé Facebook que j’ai lancé pour savoir si tout le monde avait les mêmes infos sur les aides, sur le confinement, sur la législation, sur les protocoles sanitaires. Petit à petit y’a pas mal de gens qui ont essayé de rentrer dans la conversation qui n’avait rien à y faire, juste pour savoir où on en était. Du coup je me suis dis qu’il fallait créer une page publique où les gens pourraient consulter et voir ce qu’on poste de temps en temps. On s’est rapidement dit qu’il fallait se doter d’une forme juridique donc on a créé une asso. En 3-4 jours on avait un statut, un logo, une page Facebook, et en 10 jours elle était à 3-4000 abonnés. Donc elle a un peu pesé dans le game. L’une des idées principales de cette asso est de créer un interlocuteur par rapport à la ville ou aux pouvoirs publics. Pour aller les chercher il faut être un minimum crédible, et avec cette page Facebook, les gens te prennent au sérieux. On s’unit parce que l’union fait la force. Dans un premier temps ça a été des achats groupés de gel hydroalcoolique, de distributeur de gel, de masques… Et puis après l’idée de venir créer des événements et des outils s’est lancée. On a monté un projet d’événement : un festival au cœur de ville pour relancer l’activité, sauf qu’on l’a prévu début septembre et l’actualité a fait qu’on n’a pas pu.

Vous vous en sortez comment en ce moment ?

Tout le monde est dans des situations différentes, il y en a qui ont eu le droit aux aides, d’autres qui n’ont pas eu le droit… Chaque cas est différent mais globalement le moral est à zéro, les finances pareil. Le sentiment d’injustice est effarant, on n’en peut plus ! Quand Macron nous dit « on est en guerre », nous, plus ça va, et plus on est en guerre contre lui. Il a beau nous amuser avec des PGE (prêts garantis par l’état) soit disant à 0% qui finalement ne le sont pas puisqu’au final on va se retrouver au taux du marché. Il y a des aides qui sont annoncées, quand on les aura on dira merci mais pour l’instant on les a pas. Durant le premier confinement, il y en plein qui ont été exclus de ces aides soit parce qu’ils avaient trop de trésorerie, soit parce qu’ils avaient fait trop de chiffre l’année précédente, ou soit parce qu’ils n’étaient pas dans les cases. L’asso sert aussi à ça : à faire en sorte qu’on touche ces aides et à informer les restaurateurs qu’il faut déclarer ci et ça.

Vous attendez quoi des prochaines mesures gouvernementales ?

Qu’ils arrêtent leur cirque. Qu’ils soient intelligents. Quand Olivier Véran dit qu’il a vu des jeunes de 28 ans en réa’, ça nous énerve ! C’est de sa faute s’il y a pas assez de lits dans les hôpitaux : il laisse les facs ouvertes sans mettre de prise de température à l’entrée, il a laissé les gamins tout l’été faire la teuf dans des lieux où il n’y avait pas de cadre, avec 0 masques, 0 gel, pendant que nous on crevait!

Vous avez fermé l’Antonnoir à l’annonce du premier confinement, vous n’avez rien pu programmer depuis ?

Je suis fermé depuis 8 mois. On pouvait faire des choses mais pas en étant rentable. On est en train de payer la volonté des politiques de supprimer des moyens dans les hôpitaux publics depuis des années. C’est nous tous qui allons devoir payer, que ce soit le patron de boite de nuit qui est à l’agonie ou le lambda qui n’a plus le droit à aucune liberté si ce n’est le droit d’aller bosser. On paye le fait que dans les hôpitaux, les gens sont mal payés donc y’a pas de personnel, il n’y a pas assez de lit. Ils pourraient nous laisser bosser parce qu’on est les mieux équipés pour encadrer la teuf. Les restos, les bistrots, on leur a imposé le protocole sanitaire, à investir dans des plaques de plexi’ (son prix a quintuplé pendant ce temps-là). On les a fait devenir des flics de santé publique alors que ce n’est pas leur métier, pas leur passion. Ils n’ont pas envie de ça. Ils ont perdu du temps, de l’énergie, un chiffre d’affaires de ouf et au final on les ferme alors qu’on leur a demandé de faire des efforts, de s’adapter, etc.

Comment les établissements de nuit pourraient accueillir le public en respectant les mesures sanitaires ?

Dans la période immédiate, on ne pourrait pas danser mais au moins les gens se retrouveraient dans des endroits où il y a des règles. Sauf que là, les gens se réunissent dans des appart’, sur les plages, dans les bois, n’importe où. Ils se roulent des grosses taules, ils font tourner les verres. Donc c’est n’importe quoi ! On a été les premiers à force de proposition, à dire «  ok bah nous en discothèque les gens resteront derrière leur table par groupe, avec du gel à chaque table, quand ils se lèvent ils remettent leurs masques, etc ». Le tracing, on le fait depuis la nuit des temps, on fait des préventes, on a les coordonnées des gens avant qu’ils passent la porte. On comprend pas vraiment pourquoi on est mis de côté. Cet été, le Puy du Fou était ouvert. Les grandes surfaces ne désinfectent pas leurs caddies, tu peux être jusqu’à 4.000 dans un supermarché mais tu peux pas être 50 dans un bar. Il y a un moment, il faut qu’ils arrêtent leurs conneries.

  • Propos recueillis par Florentine Colliat // Photo : Clément Airiau