Niché au fond d’une vallée, le centre agroécologique de l’îlot des Combes au Creusot (71) accueille toute l’année woofers, bénévoles et autres citadins en manque de nature et en recherche d’autonomie. À quelques kilomètres à peine de l’usine Arcelor Mittal qui produit des pièces pour les centrales nucléaires, on cultive ici en permaculture : fruits, légumes et vivre-ensemble. Un avant-goût du monde d’après.

Article extrait du magazine Sparse #31 (septembre 2020)

Depuis l’achat du terrain fin 2014, l’équipe de l’îlot a accompli un travail de rénovation colossal en transformant cet ancien entrepôt en un centre d’accueil et un véritable oasis de verdure de plus de deux hectares, aménagés en permaculture. En quelques années, ils ont ainsi planté mille arbres dans le verger-conservatoire, construit un poulailler, une serre, installé des ruches, des chèvres et un immense potager. Côté habitation, l’ensemble de bâtiments dédié aux gîtes permet de loger 25 personnes, dans quatre chambres meublées. Le bâtiment principal sert quant à lui à accueillir les formations avec deux salles polyvalentes, une cuisine professionnelle, une bibliothèque, un coin pour les tout-petits et une salle de prière. « Des réalisations qui n’auraient pas été possible sans l’aide précieuse de nombreux bénévoles. Plusieurs milliers de personnes sont passés par l’îlot, via les formations, les stages et les chantiers participatifs », explique Karima.

Investie au sein du projet depuis plusieurs années, cette jeune maman de la banlieue parisienne a fini par venir s’installer au Creusot avec son fils Mohamed, à quelques kilomètres de l’écolieu. « L’îlot est un lieu propice à l’inter-échange humain et aux connections culturelles. Quand Pierre Rahbi est venu visiter le site, il a constaté que la permaculture humaine était très forte ici ». Comme les créateurs du projet sont d’obédience musulmane, ils ont toujours défendu une dimension interculturelle : le lieu se veut ouvert à tous, quelles que soient les origines et les sensibilités spirituelles de chacun.

« Nous accueillons parfois des scouts, qui peuvent échanger librement avec des musulmans, sans être jugés. Tous ces jeunes ne sont pas forcément croyants, mais ils peuvent être libres d’être ce qu’ils sont ici », confie Karima. Et c’est là une des vraies forces du lieu : la capacité de réunir autour d’une table ou d’un bout de jardin, familles musulmanes de banlieue, woofers internationaux, scouts bourguignons et bénévoles creusotins. Tous viennent ici pour ralentir et goûter à un nouveau mode de vie passant par une alimentation écologique, le travail de la terre, une reconnexion à la nature et aux autres, et de nouvelles formes d’éducation.

Comme Karima, Pascal a lui aussi posé définitivement ses valises à l’îlot. Arrivé en novembre 2019 après avoir été secouru par des connaissances des animateurs de l’îlot, cela faisait 12 ans que ce cinquantenaire vivait dans les rues de la capitale. L’immense bonhomme à la voix rauque qui nous fait visiter le jardin semble avoir trouvé ici sa place : « Tu vois cette tente ? C’est la mienne. C’est là où j’ai vécu à mon arrivée, mais maintenant j’ai une chambre en dur à côté de la cuisine. J’ai accès à tous les bâtiments et même le coffre ! », s’amuse-t-il.

Au sein de la micro-ferme, tout le monde met la main à la pâte, en fonction de ses moyens. Les tâches collectives sont tournantes, et réparties chaque jour entre les différents membres. On peut par exemple dormir sur place pour 10€ la nuit en échange de 4 heures de travail ou participer à une formation payante en apiculture ou permaculture le temps d’un week-end. D’autres viennent ici passer une semaine au vert, en famille en louant une des chambres du gîte. Eric, lui, est de passage à l’îlot après avoir découvert son existence dans un numéro de la revue Kaizen sur les oasis. Installé à Aubervilliers et maître composteur de son quartier, il s’intéresse de près aux éco-lieux et a décidé de partir en visiter plusieurs en France pour « se faire une idée ». À terme, il aimerait lui aussi monter un projet alternatif résilient même s’il en mesure déjà toute la complexité : « Au delà de la permaculture, le plus dur reste bien sûr d’arriver à vivre ensemble ». Mais à voir le nombre et la grande diversité de bénévoles qui font battre le cœur de l’oasis creusotin depuis 6 ans, il semblerait que le vivre-ensemble ne soit pas juste une utopie, ni même l’apanage des bobos de centre-ville.

  • Texte et photos : Sophie Brignoli