Manger moins de viande, mais en manger mieux. C’est ce que propose Emilie Jeannin, porteuse de projet du premier abattoir mobile de France qui doit voir le jour entre mai et juin. Un mode d’abattage plus respectueux du bien-être animal, plus respectueux du travail des éleveurs, pour proposer la meilleure viande aux consommateurs.

En France, l’abattage d’animaux de boucherie doit être pratiqué dans un abattoir agréé. Certaines espèces comme les porcins ou les volailles, par exemple, peuvent être abattus à la ferme sous certaines conditions, mais pas les bovins. En Bourgogne-Franche-Comté, beaucoup d’abattoirs appartiennent à des groupes industriels privés, mais très peu d’abattoirs sont publics.

Emilie Jeannin est une éleveuse de Charolaise en plein cœur de l’Auxois en Côte-d’Or. Depuis des années, avec son frère, ils mettent en place des choix éthiques dans leur élevage : élevage sans antibiotiques, sans OGM, sans produits chimiques, sans vaccins… « Je fais de la vente directe depuis un certain nombre de temps, mais on est confronté à la problématique de l’abattage », explique-t-elle. Les abattoirs publics manquent dans le coin. Elle est donc obligé d’emmener ses animaux à Autun, en Saône-et-Loire, « mais ça fait quand même une petite heure de route (…) et ces abattoirs publics sont souvent menacés de fermeture ou de mise en faillite par exemple. »

En 2016, elle découvre l’abattoir mobile en Suède. 

Pour avoir une bonne viande, il faut que les animaux soient élevés dans de bonnes conditions. Le métier d’éleveur consiste à élever les animaux, les faire grandir et à s’occuper de leur bien-être. Pour ça, plusieurs facteurs jouent. « On va mettre beaucoup d’énergie à s’attacher à comment on va élever les animaux, quelle alimentation on va leur donner, quel mode de vie : plein air ou bâtiments, etc. Mais finalement, ça peut être complètement ruiné en quelques secondes si les animaux sont soumis à du stress ou à de mauvaises conditions de transport ou d’abattage. Sur l’animal qu’on emmène à l’abattoir autour de 5/6 ans, absolument tous les efforts peuvent être saccagés sur les dernières heures » se désole Emilie. Ce non-respect du travail des éleveurs et du bien-être animal a emmené Emilie à découvrir en Suède l’abattoir mobile. 

Camion de l’entreprise Hälsingestintan en Suède de Britt-Marie Stegs – Sättra Gard

L’abattoir d’Emilie, c’est un ensemble de trois camions qui se déplacent de ferme en ferme. Du coup, ce n’est plus les animaux qui parcourent plusieurs kilomètres jusqu’à l’abattoir mais l’abattoir qui vient à eux. Ce mode d’abattage est plus respectueux pour les animaux, parce qu’il cause moins de stress, il offre une meilleure rémunération aux paysans, et est plus respectueux pour les opérateurs chargés d’abattre. On a tous vu des vidéos choc de L214 qui montrent des employés surmenés par la cadence qu’on leur impose et qui font donc n’importe quoi. Là, c’est une cadence faible. « On demande aux opérateurs un autre type de travail, ils abattent quand même des animaux mais dans une autre cadence et on ne leur demande pas de répéter tout le temps le même geste », assure l’éleveuse. En plus de ces avantages, ce processus garantie au consommateur une excellente qualité de viande qui respecte une charte éthique. Cette viande est destinée à être commercialisée sous la marque Le Boeuf Ethique. Les produits seront disponibles auprès de partenaires distributeurs, de boucheries, de restauration et d’un site internet pour le grand public.

L’abattoir est destiné à rester dans la région.

Dans cet ensemble de trois camions, plusieurs espaces sont délimités pour avoir différentes zones en matière d’hygiène. « il y a une zone pour tout le personnel : vestiaires, sanitaires, bureaux… donc ça c’est une zone propre. Il y a des zones d’abattoirs avec un début de sas ou les animaux rentrent et où il y a toutes les étapes jusque la mise en carcasse. Et puis à la fin il y a la partie « frigo » qui refroidit les carcasses jusqu’à des entrepôts où la carcasse est stockée, puis découpé. » précise Emilie. C’est ces conditions d’hygiènes irréprochables qui l’ont rassuré et décidé à importer ce modèle en France.

« Les industriels de la viande disposent de moyens financiers que personne n’a en France, et de tout un tas de soutien. C’est un peu comme dans les films de mafia… » 

L’abattoir est en cours de construction par une entreprise finlandaise et les premiers tests d’abattages en France sont prévus entre les mois de mai et juin. Ce projet a mis 5 ans à être lancé en France. Il a fallu passer par plein d’étapes avant de lancer la fabrication. Entre 2016 et 2018, elle a sollicité les instances gouvernementales pour permettre la mise en place de ces abattoirs mobiles en France. En octobre 2018, la loi autorise enfin la mise en place d’une expérimentation de cet abattage.

Le plus dur a été de lutter contre des « acteurs économiques qui ont intérêt à ce que la situation actuelle ne change pas. Eux (les industriels du secteur de la viande, ndlr) disposent de moyens financiers que personne n’a en France et de tout un tas de soutien. C’est un peu comme dans les films de mafia… » termine-t-elle. Mais elle a aussi eu plusieurs centaines de soutiens à travers la France, que ce soit de professionnels, de particuliers ou d’associations. 

Une viande de qualité qui respecte les animaux, les opérateurs et qui offrent une bonne rémunération aux paysans, nous on dit oui. Pour soutenir ce projet, un comité à vu le jour : ROSBEEF (rassemblement officiel des soutiens au boeuf éthique et ses fans) que vous pouvez rejoindre sur Facebook.

  • Florentine Colliat // Photo : Emilie Jeannin