Durant les prochaines semaines, on va prendre des nouvelles des lieux de culture en Bourgogne-Franche-Comté, en collaboration avec Radio Dijon Campus. Pour la première, on s’intéresse à LaPéniche, la salle de concert chalonnaise. Sophie Bellamy, directrice, et Adrien Guitton, chargé de communication, nous expliquent comment ils font vivre ce lieu depuis un an.

LaPéniche est une salle de concert, ce n’est pas un bateau, il faut le préciser… LaPéniche qui continue envers et contre tout à faire des choses. On va déjà regarder un petit coup dans le rétro depuis la proclamation des divers confinements. Que s’est-il passé à LaPéniche ? Déjà, il y a eu ce moment de sidération qui a suivi le confinement. Combien de temps il a fallu avant que vous repreniez des actions ?

Sophie : Sidérés et surtout arrêtés complètement quoi. Ne sachant même pas si on allait pouvoir programmer de la résidence ou des choses, même en mode privé. Ça a duré deux mois je dirais.

Adrien : On a dû commencer à refaire des choses début juin peut-être, mi-juin.

Sophie : Ce moment au début du confinement, au tout début du confinement de mars où là on est arrêtés et on ne sait rien du tout sur ce qu’il va se passer après. On se doutait qu’on ne pourrait pas ré-ouvrir avant la fin de la saison mais on ne savait même pas si on pourrait faire des résidences donc il y a eu un petit moment de flottement quand même. Ça a peut-être duré une semaine ce flottement et puis on a pu se permettre de penser qu’on pourrait faire des ateliers, des résidences durant l’été et c’est là qu’on a commencé à bosser.

Pour toi Sophie, comment ça se passe le travail, est-ce que tu programmes ? Est-ce que là, avec les stop and go, t’as décidé d’attendre que ça puisse redémarrer pour caler des artistes ?

Sophie : Définitivement on arrête de programmer, et puis les bookeurs sont dans le même état d’esprit aussi c’est-à-dire que reporter deux, trois fois de suite ça commence à bien faire, quoi. On perd du temps, de l’énergie, et puis moralement c’est pas très encourageant tout ça. Donc on préfère travailler sur des choses qui pourront avoir lieu comme des résidences, des présentations professionnelles. C’est un peu triste parce que du coup ça coupe complètement la venue du public mais on n’ a pas vraiment le choix.

Est-ce que l’économie de LaPéniche, à Chalon, est en danger ou pas avec ces confinements, ces couvre-feux, ces interdictions de concerts ? Est-ce que vous avez des soutiens ? Vous êtes une salle plutôt subventionnée par rapport à des structures qui sont uniquement associatives.

Sophie : Oui pour l’instant, jusqu’ici tout va bien. Il faudrait que ça cesse. Les billets d’entrée en eux-mêmes ne sont pas une énorme manne parce qu’on est plutôt pour rendre cette culture accessible un maximum à qui que ce soit, donc c’est pas des entrées très chères. Par contre, le bar, on sent la différence. Et c’est, malgré tout, une ressource qui nous permet de pouvoir faire venir des groupes un peu plus costauds aussi. Ou alors de programmer des choses plus confidentielles et de pouvoir rester à un prix abordable. Donc cette économie-là, évidemment, elle est complètement perdue pour l’instant. On est quatre salariés à LaPéniche et un service civique qui termine bientôt malheureusement mais on arrive à assurer les salaires. Pour l’instant avec les résidences qu’on programme, on a une aide assez conséquente de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles, ndlr) pour organiser des ateliers qu’on a re-balancé aussi un petit peu sur des résidences d’artistes. LaPéniche a été blindé comme un œuf tout l’été, on avait jamais eu autant d’activité l’été, on en a profité, puis on a bien fait. Là on essaye de grappiller à gauche à droite des subventions exceptionnelles sur des résidences pour pouvoir payer les artistes qui viennent travailler, puis les techniciens évidemment.

Poltergeist © Adrien Vincent

Oui, car il y a ce flou artistique sur « faut-il que les artistes soient payés pour pouvoir résider ? » Tous les artistes ne sont pas professionnels, loin de là, pourtant le gouvernement a dit : « on laissera les résidences » et on se heurte à la légalité du fait qu’il faut être déclaré. Est-ce que vous, vous avez réussi à déclarer tout le monde ou est-ce que, en bon punk et rebelle, vous avez dit tant pis. Quels choix vous avez fait à ce niveau-là ?

Sophie : En fait c’est simple, au niveau légal on n’avait pas le droit de faire des résidences sans que les gens soient payés. On ne pouvait pas envisager de faire venir des groupes qui auraient un statut amateur, qui pourraient pas prendre de cachet quoi. Par exemple, un duo que les Chalonnais connaissent bien, GRRZZZ, voulait venir bosser et on n’a pas pu les accueillir parce qu’ils ne voulaient pas avoir de cachet. On ne pouvait pas faire autrement en fait. C’est vraiment très triste comme situation.

Et est-ce que encore aujourd’hui vous êtes bloqués par ce mur de la légalité ? Qui est un petit peu con on va pas se mentir

Sophie : Non là ça s’est détendu. L’avantage qu’on a aussi, c’est qu’on n’a pas que la salle sur le site de l’Abattoir. Où il y a aussi le CNAREP, le Centre national des arts et de la rue de l’espace public, mais aussi quelques studios de répétition et notamment un studio qui a été monté par le Grand Chalon il y a une dizaine d’années, qui est mis à disposition du Conservatoire pour les musiques actuelles essentiellement, et où on a un accès assez facile au site. Ce studio, disons qu’on peut le laisser très facilement, beaucoup plus facilement que la salle en libre accès. Là, on peut accueillir un groupe amateur sans soucis donc on se laisse la liberté justement d’accueillir ces projets qui sont pas professionnels ou mi-professionnels.

Il y a Poltergeist, il y a quelques groupes comme ça, qui sont venus bosser chez vous en résidence. Il y a également eu des ateliers, des expérimentations modulaires. Normalement il y a expos, mais ça a été annulé. Pas de bol, c’est même pas à cause de la préfecture c’est à cause des inondations, une expo qui s’appelle Souvenirs de bamboche.

Sophie : On a dix-sept épreuves qu’on a soigneusement sélectionné pour représenter la bamboche, à nos yeux. Le vernissage devait avoir lieu le 1er février à 11h30 et on reçoit un coup de fil de la mairie à 11h qui nous dit « ah bah non c’est annulé alerte rouge« . Là on s’est dit qu’on cherchait à tester notre résilience.

Mais par contre une fois que ça redescendra un peu, il y aura toujours ces photos visibles ?

Adrien : Alors les photos sont toujours visibles, ça y a pas de soucis, après la mairie prévoit tout de même de monter les murs le long des quais donc, est-ce qu’ils sont accessibles quand même malgré l’installation de ces murs ? On sait pas trop pour le moment et l’idée, c’est de reprogrammer un vernissage, un petit évènement pour présenter l’expo au public chalonnais.

Symboliquement pas de bamboche quand même, on comprend bien le truc.

Adrien : Non pas de bamboche pour les quais de Saône, les pieds dans l’eau.

Alors peut-être en trois mots la suite pour LaPéniche ? Vous êtes dans quelle perspective, programmation ?

Sophie : On imagine peut-être des choses hors les murs mais hors les murs de LaPéniche simplement. Sur le site de l’Abattoir, on a la chance d’être dans un endroit qui est ouvert en extérieur, où on peut monter une scène assez facilement. Je pense, j’ai bon espoir qu’on puisse organiser des choses à la fin du printemps, au début de l’été en extérieur peut-être. En gardant une distanciation si il faut. Sinon effectivement, aller voir ailleurs comme on aime bien le faire d’habitude de toute façon. C’est-à-dire bosser avec les Enclumés par exemple qui sont du côté du théâtre du Bât de l’âne à Saint-Jean-de-Trézy ou d’autres assos’ du département, voire un peu plus, mais ça plus pour l’été et puis plus dans des petites choses. On va pas se programmer des gros raouts, et je parle pas du professeur. Et on se concentre sur la rentrée surtout et sur le festival Dancing People Don’t Die qui est programmé..

Adrien : Le premier week-end d’octobre, les 8 et 9 octobre.

  • Propos recueillis par Martial Ratel et Martin Caye, retranscrits par Amélie Bobo // Photos : H&G par Adrien Vincent