On continue de prendre des nouvelles des lieux culturels mais on sort du registre des salles de concerts. On a demandé à Noelle Latil, en mission de service civique à L’Eldorado, le cinéma d’art et d’essai de Dijon, comment il se portait depuis la crise du Covid. 

Comment ça va pour votre cinéma qui est fermé maintenant depuis un petit moment et qui subit une fermeture rude pour une petite structure artistique ? 

Ça fait maintenant plusieurs mois qu’on est fermé, pour l’instant ça va au niveau financier, mais comme on n’a aucune information sur une date de réouverture, si la situation se prolonge, ça va devenir un peu compliqué financièrement pour l’Eldorado. On entend parler dans les médias de la possibilité de rouvrir les parcs d’attraction et d’organiser des festivals cet été, mais en ce qui concerne le cinéma et la culture, tout est passé sous silence, on a un peu disparu des radars. Et du coup ça commence à devenir un peu compliqué moralement. 

J’imagine qu’il y a de nombreuses discussions entre les producteurs, les distributeurs, les diffuseurs et les autres acteurs du cinéma, ça dit quoi ? Les choses iront mieux au printemps ? À la rentrée prochaine ? 

Ça redémarrera pas avant mai/juin. Mais c’est un peu compliqué de se projeter parce qu’autant pour décembre, même janvier, comme on avait des dates possibles, tout le monde continuait à communiquer, se faire passer des films et à essayer d’organiser des choses. Comme on n’a aucune visibilité, il y a vraiment une espèce de pesanteur et de latence qui fait que tout est figé. 

On fait quoi quand on est exploitant d’un cinéma, programmateur ou programmatrice comme toi ? On passe son temps à regarder des projections professionnelles privées dans l’espoir de les mettre un jour à l’affiche ? 

On a quelques projections professionnelles, mais pas tant que ça, parce que les distributeurs se prononcent plus sur les dates de sortie de leurs films. On n’est pas vraiment démarchés pour des nouvelles sorties. Comme ça commence à faire un moment qu’on est fermé, tous les films qu’on devait sortir depuis novembre jusqu’à maintenant s’accumulent dans les réseaux. Ce sont les films qu’on va avoir à la réouverture. 

Ça veut dire que ça va aller très vite sur les affiches ? Pour les cinéphiles, il ne faudra pas rater le moment où le film intéressant sera à l’affiche parce qu’un autre le chassera sûrement très vite ?

Peut-être. Mais peut-être aussi que les distributeurs arriveront à trouver un arrangement pour un échéancier, mais peut-être que ça ira très vite oui en effet. 

Certaines plateformes pour le cinéma grand public deviennent une concurrence pour les salles obscures. Est-ce que pour l’arts et essai, il y a d’autres plateformes équivalentes à Netflix qui peuvent aussi devenir une menace pour l’Eldorado  ? 

Il y a quelques plateformes en effet, mais il n’y a pas tellement de films arts et essais qui sortent directement en plateforme. En tout cas beaucoup moins pour les films grands publics que l’on voit régulièrement sortir sur Internet. 

Parlons de l’Eldorado en tant que tel, les mercredis après-midis dorénavant, il se passe pas mal de choses, on peut venir vous rencontrer, vous l’équipe, papoter cinéma et soutenir l’Eldorado à partir de 13h je crois ? 

Oui, depuis trois mercredis maintenant, on a décidé d’ouvrir tous les mercredis après-midis de 13h à 18h, pour faire une espèce de permanence. Dans un aspect de soutien financier d’abord, on vend des BD à prix libre, des affiches, des carnets sérigraphiés qu’on a fait nous-même pendant le confinement, des box avec des livres sur le cinéma, des places de cinémas. Mais c’est aussi un moment convivial pour boire un café, en respectant les gestes barrières bien-sûr, pour renouer avec le public, accueillir du monde dans le hall du ciné. Je pense que pour certains des habitués, c’est aussi un geste très fort, ça fait un peu comme s’ils revenaient voir un film. 

Justement, de quoi vous parlez ? De quoi les gens qui vous soutiennent, cette espèce de fan-base militante, ont envie de vous parler ? Vous parlez de cinéma, de politique de société ? 

On parle de la réouverture, ça c’est la moitié des conversations, mais aussi des derniers films qu’on a vu, des films qu’on a envie de voir, de nos lectures… L’idée c’est vraiment de se retrouver pour discuter, peut-être pas forcément comme avant mais d’essayer de retrouver cet esprit d’échange et de partage autour du cinéma. 

Est-ce que tu penses qu’il y a une tendance qui va se dégager de films tournés en mode confinement, couvre-feu dans les films d’auteur que vous diffusez à l’Eldo ?

Elle est dure cette question. Je pense qu’il y a une tendance qui se dégage des films du temps de Covid. Ça ne va pas ressortir toute suite dans nos salles je pense. Ce sera dans quelques mois ou années qu’on va voir ça se dessiner. Mais dans l’immédiat tout va reprendre comme avant. Et à voir après, si dans quelques temps, il ne va pas y avoir une tendance de films qui ont été marqués par le confinement. 

  • Propos recueillis par Martial Ratel et Valentine Leboucher, retranscrits par Florentine Colliat // Photos : page Facebook de l’Eldo