On est allé voir comment se porte la SMAC de Saône-et-Loire, la Cave à Musique à Mâcon, avec son directeur Didier Goiffon.

En consultant vos différents moyens de communication, j’ai l’impression que vous avez commencé à travailler sur la programmation d’octobre/novembre plutôt que celle du printemps. Est-ce que je me trompe Didier ?

Oui effectivement, on s’est déjà projeté sur la saison prochaine. Sachant que pour l’instant on accueille des groupes de manière à ce qu’ils puissent utiliser la scène de la Cave pour travailler des projets qui seraient susceptibles de tourner à la rentrée. On travaille plutôt sur la programmation de rentrée, même si on a un petit espoir de pouvoir programmer cet été en extérieur. On a une cour intérieure qu’on peut utiliser à la Cave, et on se dit que peut-être y aura-t-il une fenêtre de tir pour la période estivale. Donc si c’est possible, on essaiera de programmer sur cette période là.

Parlons un peu du soutien à la scène locale justement, ça fait partie des missions des salles de concerts, je crois justement qu’à la Cave à Musique vous avez pris ça vraiment à cœur. Vous avez accueilli Gabriiel et Célestin pour préparer les Inouïs du Printemps de Bourges, et Mona Kazu aussi en ce moment.

On a décidé de rester vraiment dans les clous niveau législatif, même s’il peut y avoir différentes interprétations des textes. On a proposé aux groupes d’être dans une logique de salariat pour régler le problème législatif avec une sorte de contrat qui permet de faire le travail d’accompagnement et de résidence sur scène. On a réorienté un peu le choix des groupes, on est plutôt sur la scène locale, ou des artistes en lien avec des structures comme Youz. On a vraiment travaillé sur la relation de proximité avec les artistes ou les structures qui intègrent et accompagnent les groupes. Mais en tous cas, le processus était de salarier chaque artiste et techniciens dans le cadre de ce travail de résidence.

Vous mettez à disposition la grande salle et éventuellement des techniciens pour travailler mais vous salariez aussi les musiciens, qu’ils soient amateurs ou non pour leur permettre d’être couverts côté législation…

Oui c’est exactement ça. Le contexte sanitaire nous impose ça, donc on a décidé d’être dans cette logique-là et de mettre des moyens économiques pour la logique salariat. Même s’il y a un certain nombre de sessions ou de travail sur scène qui à la base sont plus sur des logiques de répétitions, mais ça nous permet d’être dans les clous actuellement. C’est vraiment le contexte qui nous a fait changer dans notre mode d’organisation et de fonctionnement. C’est plutôt intéressant dans le sens où on a eu beaucoup de sollicitations là-dessus, sur les deux mois qui arrivent on a pratiquement plus de 30 jours d’utilisation du plateau. Ça permet de maintenir un lien avec les artistes et de continuer à faire vivre à minima le lieu.

En terme de diffusion, il y a plusieurs salles qui ont opté pour le moyen vidéo, que ce soit des sessions, du streaming, à défaut de pouvoir proposer de la diffusion de concerts classiques. C’est quoi la position de la Cave là-dessus ?

C’est vrai qu’on a mis un peu de temps de démarrage. Mais en échangeant avec les artistes, on a proposé aux groupes qui travaillent actuellement sur la scène de finaliser ces temps de travail avec une captation. Plutôt que de dire qu’on est dans une logique systématique de diffusion, ça serait plutôt un outil au service des groupes pour démarcher ou regarder le travail qu’ils ont fourni la semaine. On va proposer les captations en rediffusion extérieure, pas forcément en streaming. Au départ on était un petit peu frileux là-dessus, et c’est vrai que c’est plus dans la démarche d’accompagnement des groupes, d’avoir un outil de promotion qui pourrait être utilisé sur lequel on a un peu misé.

En parlant de la scène locale, la Cave à Musique, c’est aussi des studios de répétitions qui sont bien évidemment fermés. Vous avez fait le choix d’accompagner cette scène, comment est-ce que tu sens l’état des forces vives ? Parce que pour trouver des lieux pour répéter, c’est compliqué pour les groupes aujourd’hui, il y a des gens qui ne sont pas professionnels, qui travaillent, et avec le couvre-feu à 18h c’est pas possible d’organiser des répétitions. Est-ce que vous sentez que les choses s’essoufflent ou au contraire qu’il y a un nouvel élan ?

On est relativement inquiet pour la suite sur la partie répétition. On a pu conserver cette relation avec un certain nombre de groupe, mais pour la partie des pratiques on a complètement perdu le contact, du coup on se pose quand même des questions. Quelles attitudes et comment on va retrouver tous ces pratiquants. Ce qu’il faut savoir c’est qu’à la Cave, on a à peu près 400 musiciens qui utilisent les locaux de répétition, l’espace de musique amplifiée, c’est vrai qu’on est relativement inquiets sur le comment tout ça va pouvoir redémarrer. Avec les groupes qu’on accompagne régulièrement, on a un projet artistique et on a pu continuer à avoir ce lien.

Tu parles du printemps et d’éventuels concerts à l’extérieur, d’après toi ça va ressembler à quoi ? Vous vous préparez à organiser ça comment ? Vous avez la chance d’avoir un énorme espace extérieur où vous pouvez mettre pas mal de monde.

On reste optimiste par rapport à la fenêtre de tir des festivals c’est-à-dire l’utilisation des extérieurs assis qui a été annoncé, même si on n’a pas encore de dates officielles, de protocoles. Mais il y a une annonce sur l’extérieur, donc on se dit que même si on a annulé le festival Luciol in the Sky, on se dit que l’exploitation de la cour par rapport à cette annonce peut être envisageable. Après il y a toujours les questions annexes, le côté convivial des choses : le bar, la restauration… Si on lance des apéros ou des concerts dans la cour en mode assis avec la distance sans bar et sans convivialité, ça nous pose question. Donc cette fenêtre de tir sur juin/juillet, on ne sait pas encore comment on pourra l’exploiter parce que nous n’avons pas tous les éléments. Après, sur l’évolution, je crois que toute la politique est portée vers le côté vaccinal, sur comment et quand on aura tous une protection à travers le vaccin. Ça, ça va être déterminent pour pouvoir faire des choses cet été.

Tout en sachant que le temps que toute la population soit vaccinée, ça nous emmène au moins jusqu’à la fin de l’année. Est-ce que par rapport à ça, si cette « fenêtre de tir » se profile et si les autorités vous disent « ok mais c’est masqué, c’est pas de bar, assis et jauge limitée », est-ce que vous organiserez quand même des événements en disant qu’il faut faire vivre ce lieu ou est-ce que, c’est la position de certains autres acteurs culturels, un demi-concert n’est pas un concert, vous préférez ne rien faire ?

Alors le choix était clair sur le festival, pour nous ça ne représente pas du tout l’esprit sur le fond de ce qu’on souhaite pour un festival. Le lien social, la relation sociale et le vivre ensemble, c’est pour nous des dimensions très importantes donc il faudra qu’on se repose la question sur l’extérieur, mais on n’en est encore pas là. On a pas tous les éléments. On a pris une décision sur le festival (l’annuler, ndlr) alors que nous n’avons que très peu d’éléments par rapport à ce que nous annonce le gouvernement et la Ministre. Ce côté annexe, pouvoir quand même faire un minimum du lien au travers du bar, de la bouffe ça reste pour nous très important. On attend, on espère qu’il y aura des évolutions qui seront favorable à créer des choses qui ressemblera peut-être à quelque chose qui nous tient à cœur. Mais c’est sûr que dans les conditions actuelles, on aurait plutôt tendance à se dire qu’on attend septembre pour redémarrer dans le lieu, si c’est possible.

  • Propos recueillis par Martin Caye et Martial Ratel, retranscrits par Florentine Colliat // Photos : © Sherfy