On a pris des nouvelles de Chalon dans la rue, festival incontournable de théâtre de rue qui a lieu tous les étés à Chalon-sur-Saône depuis 1987, avec Pierre Duforeau son directeur artistique.

En décembre dernier, le festival annonçait sa tenue du 5 au 21 juillet prochain. Quand est-il aujourd’hui avec les normes sanitaires imposées par le ministère de la culture ? 

On ne perd pas espoir. On continue à travailler sur cette hypothèse d’un festival qui se déroulerait du 21 au 26 juillet. Bien sûr ça pose beaucoup de questions. Les normes c’est : pas de rassemblement de plus de 5000 personnes sur un espace donc a priori on estime qu’il y a plusieurs espaces de jeux dans le cadre du festival. Il y a rarement 5000 personnes rassemblées sur une seule place. Et puis l’autre contrainte qui est assez difficile à appréhender c’est qu’il faudrait que le public soit assis. Donc on travaille autour de ces contraintes et on essaie d’imaginer une manière de comptabiliser les jauges et de faire en sorte que le festival puisse avoir lieu avec ces contraintes. Est-ce qu’on va véritablement y arriver ? On ne sait pas concrètement. Mais on poursuit cette hypothèse parce qu’on a vraiment envie, et on pense qu’il y a une nécessite de faire en sorte que le festival 2021 ait lieu sous une forme qui ne sera pas la même que la forme historique. Mais c’est important qu’il y ait des rencontres entre le public et des artistes. 

Concrètement là vous êtes en train de discuter avec le ministère, avec la préfecture pour savoir quelles conditions pourraient convenir à tout le monde, aussi bien pour vous, pour les artistes, et pour les autorités ? 

Oui concrètement c’est effectivement le protocole et la trajectoire dans laquelle on est. On en est pas encore à avoir déposé une hypothèse technique qui est complètement finalisée. On est partis sur une option, sur des principes. Le principe c’est qu’il faut qu’on mette en place ce qu’on appelle des contrôles de jauges, à savoir qu’il y aura sûrement des billetteries pour un certain nombre de spectacles. Les billetteries seront gratuites mais permettront quand même de gérer le nombre de spectateur sur un site. Donc nous on poursuit ces hypothèses sur des principes. Et là c’est courant avril qu’on va avoir des premiers contacts avec la préfecture parce qu’en fait c’est elle qui donnera son autorisation d’utiliser l’espace public et les conditions dans lesquelles on peut proposer un spectacle. 

Chalon dans la rue, c’est un gros festival pour la plupart des gens, mais en fait il y a toute une dynamique derrière. Qu’est-ce qui se passe en ce moment pour vous ? J’ai ouï dire que des résidences sont possibles pour les artistes...

Effectivement tout l’aspect création et accompagnement artistique tourne fort. On a beaucoup de compagnies qui sont accueillies. Comme le festival en 2020 n’a pas eu lieu, il y a eu un certain nombre de moyens qui ont été reportés sur ce qu’on appelle des apports en co-production, des moyens qui sont donnés à des artistes pour monter des spectacles. Donc il y a eu beaucoup d’accueils en automne qui ne se sont pas arrêtés depuis et qui se poursuivent jusqu’à cet été à un rythme assez soutenu. Les espaces sont quasi occupés continuellement. Ça c’est une des entrées, mais l’autre entrée c’est toujours essayer d’avoir un contact avec un public. Et ça, c’est effectivement compliqué parce qu’on ne peut pas accueillir de public sur le site pour des spectacles….

Oui, habituellement on invite des gens pour des spectacles de sorties de résidence…

Oui, donc du coup on essaie de trouver d’autres moyens. On investit comme beaucoup la dimension numérique avec des systèmes de retransmissions, avec tout un tas de choses qui sont proposées sur le site Internet et les réseaux sociaux. 

Tiens justement, parlons de Rhizome : deux fois par mois, des ambassadeurs rencontrent des compagnies, et ça se fait à distance justement par les moyens numériques.

Oui en fait Rhizome, c’est un projet d’un groupe que vous avez nommé « ambassadeurs », justement je trouve que c’est la bonne idée. C’est un groupe de spectateurs, d’aficionados qui suivent plus particulièrement Chalon dans la rue mais dans toutes ses dimensions, de la création à la construction. C’est pas uniquement des rencontres avec des équipes artistiques, c’est aussi des ateliers pratiques qui sont proposés. Ça peut être théâtrale, cirquassien, des équipes qui sont accueillies en résidences ou d’autres qui viennent spécifiquement proposer des ateliers à ce groupe. Ce groupe est ouvert, on l’a lancé en février mais il peut toujours être rejoint. 

On fait comment ? On vous contacte par Internet ? 

Oui sur le site Internet il y a tout un petit descriptif et des contacts qui permettent de se connecter pour pouvoir suivre le projet. L’idée c’est de mailler entre le numérique et « le vrai » avec des rencontres qui sont possibles quand on a des petits groupes, quand les choses sont encadrées et qu’on peut assurer un certain nombre de mesures sanitaires. C’est un peu une manière d’être dans les clous. Rhizome a été créé aussi pour fédérer un code du public pour créer une dynamique en amont du festival pour avoir aussi une rencontre un peu plus singulière, un peu plus précieuse et de qualité avec différents projets artistiques. Donc ce n’est pas exclusivement des réunions sur Zoom, loin de là, il y a aussi tout un aspect vraiment de participation, de rencontres physiques. 

En tant que directeur artistique de Chalon dans la rue, est-ce qu’il y aurait malgré tout un esprit, une ligne qui se dégagerait de cette édition 2021 dans les propositions artistiques ?

Je suis peiné par la question (rire). Parce qu’en fait, malgré l’espoir et la dynamique dans laquelle on est, ce qui va être très impactant c’est que si on arrive à mettre en place la manifestation, elle va avoir quand même une couleur très particulière dans sa forme et dans le rapport au public. C’est-à-dire que je pense qu’une des forces et une des joies de Chalon dans la rue, c’est aussi ce moment de convivialité festif, ce rapport un peu différent à la ville qui casse vraiment le quotidien. Ça, on va voir ce que ça va donner. Après, artistiquement, une des entrées un petit peu fortes, c’est des propositions artistiques qui prennent en compte le contexte et le commun, c’est-à-dire comment on vit ensemble. Il y a un projet autour de la place de la femme dans l’espace publique. On a un projet avec le collectif Balle Perdue autour de l’adolescence. On a des entrées comme ça qui sont assez sociétales. Avec la fragmentation de l’effet de confinement où chacun est un peu pris dans sa bulle, comment on refait société, comment on se retrouve et comment on arrive à évoluer en groupe dans l’espace public. 

On sait qu’il y a des dynamiques fortes qui existent et des créateurs dans beaucoup de domaines. Quel est l’état d’esprit de Chalon en quelques mots ? 

En quelques mots, il y a effectivement une nouvelle dynamique chalonnaise avec beaucoup de liens entre les institutions, en particulier avec l’Espace des Arts depuis l’arrivée de son directeur Nicolas Royer. Donc on travaille beaucoup avec le Conservatoire, l’Espace des Arts et l’Arrosoir. Et puis il y a toujours aussi une présence assez agile du côté du collectif La Méandre qui anime et dynamise le territoire créatif chalonnais. On travaille aussi sur différents spectacles qu’on accompagne avec une proposition dans le cadre du festival 2021 et un plus gros projet qui s’appelle Fantôme et qui devrait voir le jour en 2022. Il y a quand même toujours de l’envie et du désir et je pense que c’est ce qu’il faut conserver et qu’il faut surtout ne pas lâcher. 

  • Propos recueillis par Martial Ratel et Valentine Leboucher, retranscrits par Florentine Colliat // Photo : Michel Wiart