Après presque deux semaines de blocage par le porte-conteneurs géant Ever Given, le Canal de Suez a repris son activité d’autoroute maritime, avec une facture collatérale aussi salée que la Mer Morte. Et si ça arrivait au Canal de Bourgogne ?

422 navires pour 26 millions de tonnes de marchandises bloquées ou détournées, 10% de l’économie maritime mondiale en PLS durant plus d’une semaine, une compensation d’un milliard de dollars réclamée par l’État égyptien ; c’est le lourd bilan du blocage du Canal de Suez par l’Ever Given, un porte-conteneurs géant planté en travers du passage suite à un violent coup de vent le 23 mars dernier. Il aura fallu sept jours pour le déloger et encore trois ou quatre jours pour faire défiler les bateaux coincés derrière lui. Une affaire qui a fait du bruit, et qui apporte de l’eau au moulin des anti-mondialisation.

En France, il existe évidemment de nombreux canaux, évidemment plus modestes que l’énorme Canal de Suez, financé au 19e siècle par une levée de fonds géante à la Bourse de Paris. Le Canal de Bourgogne lui est antérieur, ébauché au début du 17e siècle par l’Ancien Régime et considéré comme le projet le plus ambitieux de l’époque puisqu’il devait permettre de rallier la Méditerranée à la Manche, d’où son surnom de “canal des deux mers” pour les intimes. Les travaux démarrent finalement en 1777 et le canal s’ouvre à la navigation en 1832. C’est un échec retentissant, tant les prouesses réalisées techniquement n’auront finalement pas servi à grand chose. Le Canal de Bourgogne est très rapidement rendu inutile pour le transport de marchandises, concurrencé par lechemin de fer puis le transport routier.

Long de 242 km, avec ses 189 écluses, il est donc l’un des canaux les plus longs de France, le premier pays européen en voies navigables devant l’Allemagne et les Pays-Bas. Aujourd’hui, le Canal de Bourgogne est destiné à la navigation de plaisance et se ferme d’ailleurs à la circulation chaque année entre fin octobre et avril. Pour ceux qui préfèrent la péniche à la moto, c’est un itinéraire sympa pour se promener et la moitié des plaisanciers sont d’ailleurs des touristes, avec 40% de bateaux loués et 11% de péniches-hôtels responsables du trafic en 2018. S’il se trouve bloqué un jour, une bonne vielle p^éniche hotel coincée en travers entre Ouges et Longvic, l’économie mondiale sera impactée de 0%. Voilà, c’est dit. Et c’est une bonne nouvelle pour la sacro-sainte croissance. Encore une enquête bouclée par Sparse.

  • Loïc Baruteu // Photos : DR