Guillaume Dampenon, coordinateur général du Bastion, nous donne des nouvelles de ce lieu de répétition et de création implanté depuis 1984 à Besançon. Quoi de neuf depuis 1 an de pandémie?

Quid du côté répétition au Bastion depuis le début de cette pandémie? J’imagine qu’avec les mesures sanitaires vous n’avez aucune marge de manœuvre…

Non, effectivement malheureusement, on n’a aucune marge de manœuvre sur la reprise des répétitions. Quoi qu’il en soit, les pratiques restent aujourd’hui interdites et totalement à l’arrêt depuis le confinement du 29 octobre. Malheureusement on n’a peu de perspectives de reprise puisque ça ne fait pas vraiment partie des priorités du secteur culturel. Aujourd’hui les pratiques amateurs dans leur ensemble sont un peu le parent pauvre des problématiques de reprise de l’activité artistique.

Comment va la scène du côté de la Franche-Comté ? Est-ce que vous avez des échos de personnes qui travaillent différemment ? Est-ce qu’il y a de la création en temps de Covid autour de vous ou malheureusement c’est complètement arrêté ?

La création ne s’est pas arrêtée à cause de la pandémie mais elle est très empêchée en ce moment. Les musiciens sont des gens qui ont plein de ressources donc il y a des stratégies qui sont mises en place pour pouvoir retrouver des lieux de répétition alternatifs on va dire, mais qui existaient déjà. Il y avait déjà plein de groupes qui s’organisent de manières un peu auto-gérées en partageant des locaux privés par exemple. Il y a beaucoup de gens qui se sont mis à répéter chez les uns chez les autres, avec toutes les nuisances que ça peut induire. Et puis il y a des difficultés d’équipement aussi, faut pas se leurrer, même si la pratique reste vivante et vivace, ça reste très compliqué. On a beaucoup d’échos de musiciens qui ne peuvent pas pratiquer. Ça pose des problèmes évidents pour l’émergence de nouveaux projets artistiques en BFC, mais ça pose aussi des problèmes psycho-sociaux. Il y en a pour qui la pratique de la musique est quelque chose d’essentiel et important pour leur équilibre, et donc se trouver privé d’un sas d’expression et de décompression, c’est assez dramatique.

Le Bastion, c’est une salle mais aussi un club qui sert à la diffusion. En ce moment c’est un peu compliqué, mais néanmoins dans son soutien à la scène, Le Bastion propose des résidences et notamment une de création de siestes sonores avec Tricyclique Dol. Est-ce que tu peux nous dire comment ça s’est fait? Et finalement accueillir ça au Bastion, comment c’est possible, juridiquement parlant ?

La compagnie Tricyclique Dol est une compagnie bisontine de créateurs et de constructeurs, des gens qui fabriquent des choses avec énormément de matériaux de récup’, et qui bricolent. C’est des gens qui associent la culture un peu DIY et la culture du Fab Lab. On a initié une collaboration avec eux en 2019 où ils sont venus faire une première résidence d’un projet autour de la «Brutbox», un dispositif adapté aux personnes en situation d’handicap pour pouvoir déclencher des sons un peu en mode bruitiste. C’est aussi des gens qui font de la noise essentiellement et qui travaillent autour de la question du handicap à travers ces constructions qu’ils fabriquent eux-mêmes. Pour cette compagnie, Le Bastion fait un peu office de laboratoire et ils ont beaucoup de plaisir à travailler ici, et on a beaucoup de plaisir à les accueillir. On a renouvelé cette collaboration avec eux début 2020, et la compagnie étant tout à fait professionnelle, il n’y a aucun problème juridique à pouvoir les accueillir. Ce qui pose problème, c’est de savoir comment on fait pour réunir des artistes qui ne sont pas considérés comme des professionnels.

Il reste finalement aux structures la diffusion, l’action culturelle et le jeune public. C’est des axes que vous proposez d’accompagner au Bastion puisque vous êtes aussi un laboratoire de projets.

On essaie d’être une fabrique un peu multi-facette autour de la création artistique et musicale. On essaie de mener différents projets de médiation et d’action culturelle en essayant avant tout de faire travailler des artistes locaux qui viennent chez nous mais pas que, avec la scène régionale dans son ensemble. Et puis on utilise tous les leviers, toutes les manettes qui sont à notre disposition pour pouvoir accompagner les artistes et diversifier un peu leurs pratiques. Aujourd’hui, la carrière d’un groupe ne se construit pas nécessairement que par la création d’album et la diffusion de concerts. Vivre de la musique et être musicien aujourd’hui c’est faire plein de choses, c’est un peu être artiste entrepreneur. Il y a plein de beaux projets à mener et c’est là-dessus qu’on essaie de les accompagner également.

Parlons un peu de nos jeunes têtes blondes, est-ce que tu peux nous dire deux mots sur le projet de « La boucle est bouclée » ?

C’est un projet d’action culturelle qu’on mène dans le cadre des parcours culturels proposés en partenariat avec la ville de Besançon. L’idée, c’est d’associer un artiste et de le faire intervenir dans des classes, de mener un projet avec les écoles, et ensuite proposer une découverte du Bastion et un spectacle en fin de parcours. C’est ce qu’on appelle de l’éducation artistique et culturelle, c’est assez nouveau pour Le Bastion mais ça fait partie des choses qu’on essaie de développer en ce moment pour s’adresser à nos jeunes, et leur faire découvrir le lieu pour qu’il devienne un peu familier pour eux, leurs parents, leur grande-tante, leur sœur.

  • Propos recueillis par Martin Caye et Martial Ratel, retranscrits par Florentine Colliat // Photo : Laval photography