On a rencontré la légende de la musique brésilienne à l’occasion de son passage à l’auditorium de Dijon pour le Tribu festival. Sourire, survet’ et espadrilles, la grande classe à presque 80 ans. On a discuté, en français, de musique, de Brésil et de Sacha Distel, à la cool.

(Interview en partenariat avec Radio Dijon Campus, bien sûr !).

Pourquoi avoir choisi Adriana Calcanhotto pour vos premières partie pendant la tournée en Europe ?

Elle désirait entrer en Europe en tant qu’artiste. Elle est une grande amie. Elle m’a proposé de venir avec moi, j’ai accepté. « Viens! On va faire des choses ». Elle proposait d’ouvrir les concerts. Il y a aussi des moments duo sur scène. Donc je l’ai fait venir à cause de l’amitié.

Vous vous êtes frotté à plein de musiques, comme le reggae, ou le rock, vous en avez essayé beaucoup

(Il coupe) Mais la musique brésilienne c’est tout ça, ce mélange là. Il y a des choses qui sont régionales, comme la Samba, le Forro et tout ça… Mais depuis longtemps, depuis l’arrivée de la radio, des disques, la musique brésilienne a toujours proposé une variété de genre, un métissage, une proximité avec les autres cultures musicales du monde…

Est-ce qu’il y a un style de musique que vous n’avez pas encore pratiqué qui pourrait vous tenter ?

Au sens de la musique populaire, non, j’ai déjà pratiqué tous les genres. Tout ce qui est apprécié par le public. Mais aussi pour moi-même, pour ma formation musicale. C’est un penchant naturel.

Depuis l’arrivée de la radio, des disques, la musique brésilienne a toujours proposé une variété de genre, un métissage, une proximité avec les autres cultures musicales du monde…

Vous avez connu beaucoup de changement, technologique en particulier, de la conquête spatiale jusqu’à l’avènement d’internet. Comment vous vivez avec les nouvelles technologies, en particulier dans votre musique ?

Je ne suis pas un consommateur intense des nouvelles technologies. J’utilise le minimum nécessaire pour m’actualiser. Comme les courriers électroniques…Et dans ma musique, depuis les années 70 on a utilisé l’électronique. Les choses des Japonais, les synthétiseurs, tout ça… je fais ça depuis longtemps dans mon travail.

Vous parlez Français, est-ce que vous écoutez de la musique française ? Maintenant non. Mais avant, des chanteurs comme Charles Aznavour, Sacha Distel, Johnny Halliday, Piaf…Le plus moderne que j’ai écouté c’est Téléphone, qui a déjà plus de 40 ans (rires).

Vous êtes régulièrement rattaché au Tropicalisme (mouvement culturel apparu à la fin des années 60. Qui luttait à sa façon contre la dictature militaire au Brésil, ndlr), en sachant que votre musique est très politique. Est-ce que vous pensez que le Tropicalisme est toujours d’actualité dans les nouveaux courants musicaux brésiliens, comme dans le Baile Funk… Que reste-t-il du Tropicalisme aujourd’hui dans la musique brésilienne ?

Le Tropicalisme a donné aux musiciens brésiliens l’occasion d’oser. De trouver de nouvelles formes d’expression, d’écriture, de traduction des sons…C’était ça le Tropicalisme. Un travail de modernisation, d’actualisation de la musique du Brésil. Les influences sont là. Les nouvelles générations ont pris cette mentalité que le Tropicalisme a impulsée.

Le Baile Funk moderne, c’est la musique des Favelas d’aujourd’hui. Est-ce qu’en ça on peut dire qu’il y a une dose de Tropicalisme, de politique dans le Baile Funk aujourd’hui ?

Oui, bien sûr, comme il y avait un message politique 50 ans avant. Même avant, dans les carnavals des années 30, la musique était pleine de messages sociaux, politiques. À chaque cycle, à chaque nouvelle génération, il y a toujours cette question d’intervenir dans la vie politique et sociale, de passer des messages. Le Funk des Favelas, le rap du Brésil se chargent de faire la critique du pouvoir aujourd’hui.

À chaque cycle, à chaque nouvelle génération, il y a toujours cette question d’intervenir dans la vie politique et sociale, de passer des messages.

Justement, en ce moment au Brésil, les musiciens ont beaucoup de choses à critiquer. On aurait aimé avoir votre avis sur ce qui se passe en ce moment avec Bolsonaro. On a l’impression de là où on est que c’est un retour en arrière, vers ce que vous avez connu dans les années 60 et 70 au Brésil, le côté militaire.

C’est une vague. Une vague réactionnaire et conservatrice qui déferle sur le monde. Les réseaux sociaux ont donné l’occasion à chaque individu de devenir un acteur en proposant des choses. Donc il y a une vague. J’espère qu’elle va redescendre. Si on examine l’histoire, c’est toujours comme ça. La vague avance, mais après elle reculera. Les nouvelles technologies ont donné à la société mondialisée une obligation de continuer à aller de l’avant, de continuer à avancer. L’électricité, puis l’électronique, puis le numérique, internet… On avance. Ça, ça ne se refuse pas. La société ne peut pas le refuser. Donc la vague conservatrice, elle s’en ira, elle ne pourra pas lutter contre ça.

Propos recueillis par Iliana Panier et Chablis Winston // Photos Pierrick Finelle