« La ligne de basse ? Une boucherie ! ». Sans savoir à quoi se référait l’auteur de cette sublime répartie, on peut se risquer à la rattacher au jeu légendaire d’un colosse de la basse électrique, co-fondateur et leader du plus éclectique des groupes de rock, à savoir Jean-Jacques Burnel, 69 ans, le plus frenchy des musiciens londoniens, à qui on passe un coup de fil amical avant le concert de The Stranglers à la Vapeur le mardi 30 novembre, jour anniversaire de Winston Churchill, Roger Glover et Billy Idol. Ça sonne… Dans une langue française patinée par 60 ans passés en Angleterre.

Qu’est-ce que ça fait de jouer dans les Stranglers ?

(Rire) Qu’est-ce que ça fait ? Oh, I’m a man on the mission ! Comme les Blues Brothers !

Vous voulez dire en mission pour le Seigneur ?

Oh no ! Pas pour le Seigneur, parce que le Seigneur nous a abandonnés. Depuis longtemps ! Les seigneurs nous ont abandonnés. Je suis en mission pour prouver qu’il y a de l’intelligence dans la musique et que la variété ne va jamais gagner.

J’aimerais qu’on parle un peu de la basse. Vous avez acheté votre première guitare basse, une Fender Precision, à Hugh Cornwell…(chanteur-guitariste des Stranglers jusqu’au début des 90’s, ndlr)

Je ne l’ai pas acheté en fait. Elle a été abandonnée et je l’ai prise. Mais j’ai vite essayé de me débarrasser de l’égémonie américaine. Bon, la Fender P c’est une super bonne basse, mais j’ai voulu améliorer le modèle, donc j’ai trouvé un artisan luthier dans le Devonshire, John Shuker, et ensemble on a créé des copies de Fender P et aussi plusieurs prototypes de bobinages (micros guitare) anglais plus serrés, commencé à utiliser du carbone sur le neck (le cou, ndlr), et à utiliser d’autres bois, et j’ai installé des chambres vides dans le corps de l’instrument. Et voilà, tout est fait en Angleterre. Je me suis libéré de l’oppression américaine.

Il parait que vous avez appris à jouer la basse tout seul, en trois semaines ?

Oui bof… J’ai transféré ce que je savais de la guitare classique depuis l’age de 11/12 ans. Bon, c’est vrai que j’avais pas d’exemple à suivre. Bien que, comme j’ai grandi en Angleterre, le bassiste que je préférais c’était John Entwistle (The Who). Et Jack Bruce, de Cream. Et aussi Paul Samwell-Smith (The Yardbirds), et Jeff Beck, qui avait joué la basse sur Over Under Sideways Downi.

Les Pistols et les Clash ils sont restés à Londres, pour se faire photographier dans les salles, les greniers d’artistes et de journalistes et nous on était (rire) sur la ligne de front

Vous êtes le précurseur de la promotion de la basse au rang de « front instrument ».

(rire) J’ai pas choisi ça, mais c’est vrai que… C’était pour des raisons pratiques, je voulais m’entendre sur scène, et donc, j’ai essayé de faire en sorte de ne pas seulement suivre la grosse caisse, mais aussi suivre le charleston. Donc je joue pour la plupart avec un médiator, comme ça je peux faire des syncopes entre les différents instruments de la batterie. Et en plus, essayer d’apporter de la mélodie et des contre-rythmes. Donc, c’est mon jeu de basse.

Ce jeu de basse, vous l’avez élaboré avec le groupe, donc ?

C’était surtout jouer avec les autres, oui. Bon, c’est avec les autres que j’ai hérité de la basse. Et en plus je suis content de ne pas avoir suivi de règles. Dans la création, il devrait pas y avoir de règle, tu sais.

Est-il exact que le son « crado » de la basse, sur de nombreux morceaux, vienne d’expériences avec du matériel d’amplification défectueux ?

Ça date d’il y a 45 ans. Depuis, je n’ai pas de matos « crade », comme tu dis. Mais c’est vrai, j’ai pris un peu le goût de travailler le son… Bien sûr ! J’avais un speaker un peu déchiré, dont j’étais pas conscient au début.

Changeons de sujet. Petit « frog » (français) vivant à Notting Hill (Londres) dans les années 60, vous avez subi un rejet xénophobe. Cela a-t-il influencé votre carrière ?

Warf ! Un petit peu au début, jusqu’à l’âge de 15 ans. Mais subir d’être français ? (gros rire). Je ne subis rien ! Oui, quand j’ai grandi à Londres, il n’y avait pas beaucoup d’étrangers, la Grande-Bretagne n’était pas cosmopolite comme elle l’est maintenant. C’est vrai, quand on se distingue,
quand on est jeune, les gosses c’est comme des animaux un peu, tu sais. Parce que ta maman a un accent français ou que tu as des shorts plus courts, tu te distingues, et la plupart des gosses ne veulent pas se distinguer. Et quand tu n’as pas le choix, tu es mis à côté. Bon, mais ça n’a pas duré
longtemps, je t’assure. J’ai appris à me battre et puis voilà, quand tu bats les anglais, ils te respectent. Très simple !

À leurs débuts, les Stranglers étaient perçus comme illégitimes dans la mouvance punk de l’époque. Là aussi, vous avez dû jouer des coudes ?

Oh, je dirais, on s’est battu beaucoup au début, oui. Mais c’était parce que soit-disant, pour les gens en province, en dehors de Londres et Manchester je veux dire, on représentait le Punk. Et nous, on a joué plus que tous les autres groupes, on allait partout tu sais, les Pistols et les Clash ils sont restés à Londres, pour se faire photographier dans les salles, les greniers d’artistes et de journalistes et nous on était (rire) sur la ligne de front et donc on subissait toutes les attaques anti-punk, anti-ça, anti-Londres. Et puis on a assuré.

Donc ça ne venait pas des autres goupes ?

C’était nos copains au début parce qu’on était dans les mêmes endroits, et puis même avant que Joe Strummer soit dans les Clash, il était dans un groupe de pub, The 101’ers, du Rythm’n’Blues, et donc on était tous un peu copains, on pouvait se dire bonjour. Et, un beau jour, nous, on a été choisi
parmi tous les groupes d’Angleterre pour représenter Londres, avec les Ramons qui représentaient New York, et on était la première partie de Patty Smith la première fois qu’elle est venue, et euh… Bon, les autres n’ont pas apprécié (rire).

L’idée de l’Europe, c’est peut-être l’idée la plus révolutionnaire de notre continent depuis les Romains

Autre sujet : Vous étiez un européen convaincu, très engagé, ayant milité pour « The United States of Europe ». L’êtes-vous toujours ? Je veux dire convaincu ?

C’est très simple ! L’idée de l’Europe, c’est peut-être l’idée la plus révolutionnaire de notre continent depuis les Romains. Le concept de l’Europe unie, regarde simplement, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les pays de l’Europe, à part la Yougoslavie bien entendu, ils se sont pas bagarrés pour la première fois dans l’histoire, nous avons de la paix pour la première fois, et les gens prennent ça pour acquis. Et vu ce qu’il se passe dans le monde actuellement, c’est dangereux d’assumer qu’on aura toujours la paix. Donc déjà ça nous a donné, pour la plupart, de la prospérité comme l’homme ne l’a jamais connue nulle part. Mais, comme dans toutes les unions, il y a des malentendus et des différences d’opinion. Donc là, c’est le temps de s’engager, discuter et faire débattre, et que l’argument le plus fort gagne. Quand tu deviens membre d’un club, tu suis les règles et si tu n’es pas content avec les règles, tu essaies de les changer de l’intérieur, ou tu quittes. C’est très simple. Donc oui, tout le monde râle contre Bruxelles, et… Qu’est-ce que c’est, l’alternative ? De se réduire en petits pays, surtout en face de l’agression des russes et des autres ? Je pense pas. Je pense que l’union fait bien la force.

Vous avez passé avec succès un diplôme en Histoire Sociale et Économique à l’Université de Bradford. Il paraît que vous y avez aussi découvert les arts martiaux, les filles et la drogue.

Euh, oui et non ! J’ai découvert les arts martiaux à l’université, c’est vrai, et je continue, je suis 7ème Dan maintenant, et j’ai découvert l’acide, le LSD, à l’université, mais le hash, j’avais déjà découvert avant. Parce qu’il n’y avait que ça. Oui, l’héro, la coke, l’ecstasy c’était plus tard.

Mais à l’époque, drogue et Shidokan lii, c’était pas un peu antinomique ?

Bien sûr !

Mais comment avez-vous vécu cette incompatibilité ?

Ah ! (rire). Demande à Jean-Jacques Burnel il y a 50 ans ! Tu auras peut-être une réponse exacte (rire) !

Les textes des Stranglers sont très ouverts à de multiples interprétations, comme Golden Brown, par exemple. C’est une marque de fabrique ?

Non, euh… Parfois on voulait laisser un « double entendre », et d’autre fois c’était assez spécifique.

Pour Golden Brown, qui a fait beaucoup polémique chez les critiques, vous avez longtemps laissé planer le doute sur le sens de cette chanson.

Oui. Et pourquoi pas (rire) ?

Vous tournez en France pour une bonne semaine. Vous aimez ça, la tournée ?

Bon, écoute, je n’ai pas joué depuis 18 mois. Je me dis musicien, donc tu imagines un musicien habitué toute sa vie à jouer devant un public, et ne pas jouer ? Il y a un manque, hein, ça tu dois connaître toi-même, hein. Ça fait partie de notre ADN. C’est dur.

Jouer sur scène aujourd’hui, c’est le même plaisir qu’il y a 40 ans ?

Le plaisir est différent ! Je n’ai plus besoin d’essayer d’éviter des bouteilles, et les attaques par des membres du public. C’est beaucoup mieux maintenant. Je peux faire ça en confort. Et puis je sais que les gens qui viennent, c’est pour nous voir. Ils connaissent un peu de notre musique, et
j’espère leur en faire connaître d’autre.

Ça se passe bien avec les nouveaux ? Jim Macaulay (batterie), Baz Warne (guitare/chant) ?

La preuve : On a fait peut-être l’album avec les meilleurs retours qu’on a jamais sorti ces derniers temps (Dark Matters, 10/09/2021), donc je crois que ça répond à ta question. Depuis que Hugh (Cornwell) est parti, ça fait maintenant 20 ans, on a les plus grandes audiences qu’on a jamais
eues, tu sais.

Est-ce que vous foutez toujours le bordel ?

Je sais pas ce que tu veux dire par ça ?

Dans une interview sur TV5MONDE, vous avez déclaré : « La devise des Stranglers, c’est foutre le bordel ».

Non, j’ai jamais dit le bordel… Ah si c’est vrai (long rire) ! Euh, écoute, ça dépend, je préfère jouer mais j’aime bien avoir des rapports avec le public, donc parfois, j’ai provoqué juste pour faire bouger, tu vois, parce que je veux une communion avec le public, je ne veux pas qu’il nous regarde comme si on était à la télévision, passif, je ne veux pas ça.

Votre collaboration avec Jacques Dutronc, c’était chouette ?

Oui, si je me souviens bien il était vraiment à la hauteur de ce que j’attendais, parce que plusieurs fois j’ai rencontré des gens connus, et ils étaient pas aussi bien que j’aurais voulu. Mais Jacques Dutronc était vraiment sympa, et marrant, et oui, j’ai bien apprécié

Dans votre musique, vous avez convoqué plein de styles, Blues, Soul, Rock, Funk, Ska, Reggae, Pop, et j’en passe. Y a-t-il un genre que vous n’avez pas encore pratiqué qui pourrait vous tenter ?

J’allais dire, le Rap ! Mais, malheureusement pour les rappers, nous avons fait un rap sur l’album The Men In Black, le morceau s’appelle Just Like Nothing On Earth (ricanement), il y a 45 ans de ça.

Et la Salsa ?

Non, je sais pas si la musique Latino je peux bien la ressentir. Mais de toute façon, tu sais, on a essayé du Reggae, on a essayé plein de choses, et ça sonne jamais comme la chose qu’on essaye de faire, donc c’est stranglerifié, carrément.

Dans Peaches, le Reggae est quand même assez présent, non ?

Oui ! Mais : la caisse claire devrait être sur le 3ème beat, et pas sur le deuxième.

J’ai découvert les arts martiaux à l’université, c’est vrai, et je continue, je suis 7ème Dan maintenant, et j’ai découvert l’acide, le LSD, à l’université

En tant que fils de restaurateurs normands installés à Londres, allez-vous faire un peu de tourisme gastronomique par chez nous ?

Ah ! J’espère ! J’adore… Tu sais, j’en fais toujours… J’ai appris aux autres dans le groupe à apprécier la nourriture française, à commencer à connaître le vin… Baz (Warne), notre guitariste, a découvert le Kir, qui est bourguignon hein ? Et maintenant, lui, c’est religieusement le Kir, tout le
temps.

Vous connaissez le soit-disant inventeur du Kir ?

Oui, euh, c’est le prêtre ?

Le Chanoine Kir, qui fut maire de Dijon après guerre, pendant longtemps.

Ah ! Il était maire de Dijon ! Ha ha cool !

Je ne sais pas si vous bouquinez, mais le cas échéant, auriez-vous un ou plusieurs livres à conseiller ?

Oui ! Euh, je viens juste de terminer Alexandre Le Grand, par Robin Lane Fox, incroyable ! Et aussi Sapiens : Une brève histoire de l’humanité, de Yuval Noah Harari.

Interview : Niko Vayssié // Photos : Colin Hawkins

avec du matériel d’amplification défectueux ?
JJB : Ça date de il y a 45 ans. Depuis, je n’ai pas de matos « crade », comme tu dis. Mais c’est vrai,
j’ai pris un peu le goût de travailler le son… Bien sur ! J’avais un speaker un peu déchiré, dont j’étais
pas conscient au début.
SP : Changeons de sujet. Petit « frog » (français) vivant à Notting Hill (Londres) dans les années 60,
vous avez subi un rejet xénophobe. Cela a-t-il influencé votre carrière ?
JJB : Warf ! Un petit peu au début, jusqu’à l’âge de 15 ans. Mais subir d’être français ? (gros rire). Je
ne subis rien ! Oui, quand j’ai grandi à Londres, il n’y avait pas beaucoup d’étrangers, la Grande-
Bretagne n’était pas cosmopolite comme elle l’est maintenant. C’est vrai, quand on se distingue,
quand on est jeune, les gosses c’est comme des animaux un peu, tu sais. Parce que ta maman a un
accent français ou que tu as des shorts plus courts, tu te distingues, et la plupart des gosses ne
veulent pas se distinguer. Et quand tu n’as pas le choix, tu es mis à côté. Bon, mais ça n’a pas duré
longtemps, je t’assure. J’ai appris à me battre et puis voilà, quand tu bats les anglais, ils te respectent.
Très simple !
SP : À leurs débuts, les Stranglers étaient perçus comme illégitimes dans la mouvance punk de
l’époque. Là aussi, vous avez dû jouer des coudes ?
JJB : Oh, je dirais, on s’est battu beaucoup au début, oui. Mais c’était parce que soit-disant, pour les
gens en province, en dehors de Londres et Manchester je veux dire, on représentait le Punk. Et nous
on a joué plus que tous les autres groupes, on allait partout tu sais, les Pistols et les Clash ils sont
restés à Londres, pour se faire photographier dans les salles, les greniers d’artistes et de
journalistes et nous on était (rire) sur la ligne de front et donc on subissait toutes les attaques
anti-punk, anti-ça, anti-Londres. Et puis on a assuré.
SP : Donc ça ne venait pas des autres goupes ?
JJB : C’était nos copains au début parce qu’on était dans les mêmes endroits, et puis même avant que
Joe Strummer soit dans les Clash, il était dans un groupe de pub, The 101’ersii, du Rythm’n’Blues, et
donc on était tous un peu copains, on pouvait se dire bonjour. Et, un beau jour, nous, on a été choisi
parmi tous les groupes d’Angleterre pour représenter Londres, avec les Ramons qui représentaient
New York, et on était la première partie de Patty Smith la première fois qu’elle est venue, et euh…
Bon, les autres n’ont pas apprécié (rire).
SP : Autre sujet : Vous étiez un européen convaincu, très engagé, ayant milité pour « The United
States of Europe ». L’êtes-vous toujours ? Je veux dire convaincu ?
JJB : C’est très simple ! L’idée de l »Europe, c’est peut-être l’idée la plus révolutionnaire de
notre continent depuis les Romains. Le concept de l’Europe unie, regarde simplement, depuis la
fin de la deuxième guerre mondiale, les pays de l’Europe, à part la Yougoslavie bien entendu, ils se
sont pas bagarrés pour la première fois dans l’histoire, nous avons de la paix pour la première fois,
et les gens prennent ça pour acquis. Et vu ce qui se passe dans le monde actuellement, c’est
dangereux d’assumer qu’on aura toujours la paix. Donc déjà ça nous a donné, pour la plupart, de la
prospérité comme l’homme ne l’a jamais connue nulle part. Mais, comme dans toutes les unions, il y
a des malentendus et des différences d’opinion. Donc là, c’est le temps de s’engager, discuter et faire
débattre, et que l’argument le plus fort gagne. Quand tu deviens membre d’un club, tu suis les règles,
et si tu n’es pas content avec les règles, tu essaies de les changer de l’intérieur, ou tu quittes. C’est
très simple. Donc oui, tout le monde râle contre Bruxelles, et… Qu’est-ce que c’est, l’alternative ? De
se réduire en petits pays, surtout en face de l’agression des russes, et des autres ? Je pense pas. Je
pense que l’union fait bien la force.SP : Vous avez passé avec succès un diplôme en Histoire Sociale et Économique à l’Université de
Bradford. Il paraît que vous y avez aussi découvert les arts martiaux, les filles et la drogue.
JJB : Euh, oui et non ! J’ai découvert les arts martiaux à l’université, c’est vrai, et je continue,
je suis 7ème Dan maintenant, et j’ai découvert l’acide, le LSD, à l’université, mais le hash,
j’avais déja découvert avant. Parce qu’il n’y avait que ça. Oui, l’héro, la coke, l’ecstasy c’était plus
tard.
SP : Mais à l’époque, drogue et Shidokaniii, c’était pas un peu antinomique ?
JJB : Bien sur !
SP : Mais comment avez-vous vécu cette incompatibilité ?
JJB : Ah ! (rire). Demande à Jean-Jacques Burnel il y a 50 ans ! Tu auras peut-être une réponse
exacte (rire) !
SP : Les textes des Stranglers sont très ouverts à de multiples interprétations, comme Golden
Browniv, par exemple. C’est une marque de fabrique ?
JJB : Non, euh… Parfois on voulait laisser un « double entendre », et d’autre fois c’était assez
spécifique.
SP : Pour Golden Brown, qui a fait beaucoup polémique chez les critiques, vous avez longtemps
laissé planer le doute sur le sens de cette chanson.
JJB : Oui. Et pourquoi pas (rire) ?
SP : Vous tournez en France pour une bonne semaine. Vous aimez ça, la tournée ?
JJB : Bon, écoute, je n’ai pas joué depuis 18 mois. Je me dis musicien, donc tu imagines un
musicien habitué toute sa vie à jouer devant un public, et ne pas jouer ? Il y a un manque, hein, ça tu
dois connaître toi-même, hein. Ça fait partie de notre ADN. C’est dur,
SP : Jouer sur scène aujourd’hui, c’est le même plaisir qu’il y a 40 ans ?
JJB : Le plaisir est différent ! Je n’ai plus besoin d’essayer d’éviter des bouteilles, et les attaques par
des membres du public. C’est beaucoup mieux maintenant. Je peux faire ça en confort. Et puis je
sais que les gens qui viennent, c’est pour nous voir. Ils connaissent un peu de notre musique, et
j’espère leur en faire connaître d’autre.
SP : Ça se passe bien avec les nouveaux ? Jim Macaulay (batterie), Baz Warne (guitare/chant) ?
JBB : La preuve : On a fait peut-être l’album avec les meilleurs retours qu’on a jamais sorti ces
derniers temps (Dark Mattersv, 10/09/2021), donc je crois que ça répond à ta question. Depuis que
Hugh (Cornwell) est parti, ça fait maintenant 20 ans, on a les plus grandes audiences qu’on a jamais
eues, tu sais.
SP : Est-ce que vous foutez toujours le bordel ?
JJB : Je sais pas ce que tu veux dire par ça ?SP : Dans une interview sur TV5MONDE, vous avez déclaré : « La devise des Stranglers, c’est
foutre le bordel ».
JJB : Non, j’ai jamais dit le bordel… Ah si c’est vrai (long rire) ! Euh, écoute, ça dépend, je préfère
jouer, mais j’aime bien avoir des rapports avec le public, donc parfois, j’ai provoqué juste pour faire
bouger, tu vois, parce que je veux une communion avec le public, je ne veux pas qu’il nous regarde
comme si on était à la télévision, passif, je ne veux pas ça.
SP : Votre collaboration avec Jacques Dutronc, c’était chouette ?
JJB : Oui, si je me souviens bien il était vraiment à la hauteur de ce que j’attendais, parce que
plusieurs fois j’ai rencontré des gens connus, et ils étaient pas aussi bien que j’aurais voulu. Mais
Jacques Dutronc était vraiment sympa, et marrant, et oui, j’ai bien apprécié
SP : Dans votre musique, vous avez convoqué plein de styles, Blues, Soul, Rock, Funk, Ska,
Reggae, Pop, et j’en passe. Y a-t-il un genre que vous n’avez pas encore pratiqué qui pourrait vous
tenter ?
JJB : J’allais dire, le Rap ! Mais, malheureusement pour les rappers, nous avons fait un rap sur
l’album The Men In Black, le morceau s’appelle Just Like Nothing On Earthvi (ricannement), il y a
45 ans de ça.
SP : Et la Salsa ?
JJB : Non, je sais pas si la musique Latino je peux bien la ressentir. Mais de toute façon, tu sais, on
a essayé du Reggae, on a essayé plein de choses, et ça sonne jamais comme la chose qu’on essaye
de faire, donc c’est stranglerifié, carrément.
SP : Dans Peachesvii, le Reggae est quand même assez présent, non ?
JJB : Oui ! Mais : la caisse claire devrait être sur le 3ème beat, et pas sur le deuxième.
SP : En tant que fils de restaurateurs normands installés à Londres, allez-vous faire un peu de
tourisme gastronomique par chez nous ?
JBB : Ah ! J’espère ! J’adore… Tu sais, je fais toujours… J’ai appris aux autres dans le groupe à
apprécier la nourriture française, à commencer à connaître le vin… Baz (Warne), notre guitariste, a
découvert le Kir, qui est bourguignon hein ? Et maintenant, lui, c’est religieusement le Kir, tout le
temps.
SP : Vous connaissez le soit-disant inventeur du Kir ?
JBB : Oui, euh, c’est le prêtre ?
SP : Le Chanoine Kir, qui fut maire de Dijon après guerre, pendant longtemps.
JBB : Ah ! Il était maire de Dijon ! Ha ha cool !
SP : Je ne sais pas si vous bouquinez, mais le cas échéant, auriez-vous un ou plusieur livres à
conseiller ?
JBB : Oui ! Euh, je viens juste de terminer Alexandre Le Grand, par Robin Lane Fox, incroyable !
Et aussi Sapiens : Une brève histoire de l’humanité, de Yuval Noah Harari.