Après l’ouverture de l’agence de livraison à Fontaine, dans le Territoire de Belfort puis le centre de distribution à Sevrey (Saône-et-Loire), le monstre américain de la distribution continue de s’étendre jusqu’à Longvic en banlieue dijonnaise, pour une nouvelle « agence du dernier kilomètre » d’ici mi-2022. On a rencontré le collectif Plus Jamais Ça qui nous explique de quoi il s’agit vraiment.
« Plus Jamais Ça » c’est le collectif national qui milite pour la justice sociale et le climat, qui a vu le jour à Dijon en 2020. Composée d’organisations nationales déclinées en collectifs locaux (Oxfam GL Dijon, FSU 21, l’Union Départementale CGT 21, Union Syndicale Solidaires 21, Les Amis de la Terre Côte d’Or et ATTAC 21). Le collectif se donne pour mission d’informer et sensibiliser sur ce qu’est Amazon, son modèle économique et son impact, suite à l’annonce du projet de réhabilitation de l’ancien entrepôt de FrancEole à Longvic pour une nouvelle « agence du dernier kilomètre » d’Amazon.
Dis Jamy, c’est quoi une « agence du dernier kilomètre » ?
Amazon, aujourd’hui, souhaite se décentraliser en misant tout sur l’optimisation de la logistique de proximité, donc c’est ça des « entrepôts du dernier kilomètre » c’est pour pouvoir livrer plus rapidement ton Cookeo. En gros c’est pour répondre aux besoins et aux frustrations des consommateurs notamment sur les délais de livraison.
Le collectif Plus Jamais Ça a organisé une conférence de presse commune devant le futur entrepôt d’Amazon à Longvic ce 10 janvier 2022, contre l’implantation de ce centre de logistique, avec le soutien de plusieurs associations locales et de certains élus locaux, ayant pour même objectif : expliquer et sensibiliser sur ce qu’est Amazon, son impact et pourquoi lutter contre.
Mastodonte du commerce en ligne, mais pas que
Le collectif explique et informe sur les différentes activités de la GAFAM : le modèle économique de la firme repose également sur les activités logistiques et le Cloud. Ce n’est pas un nuage, mais « Amazon Web Service », qui consiste à stocker et à vendre des bases de données de ses consommateurs grâce aux data centers d’Amazon. De ta boîte mail à la BPI (Banque Publique d’Investissement) en passant par Enedis : voici où sont hébergées ces données. Sachant que sur cette activité, Amazon domine voir écrase le marché mondial avec 33% des parts de marché devant Google et Microsoft. Ça permet au géant du numérique « d’avoir une vision très fine des attentes et habitudes des consommateurs, et de repérer les produits les plus rentables pour fabriquer alors lui-même des produits qui vont concurrencer les produits tiers. » Précise le collectif PJC. Ce qui ne peut que provoquer une concurrence déloyale mettant Amazon en position de force envers les autres commerces, particulièrement les plus petits, dans un but de remplacer nos commerces de proximité existants. Et ça a déjà commencé avec le développement du e-commerce.
Pourquoi est-il aussi méchant ? Parce que !
Si seulement c’était que du business, mais Amazon c’est aussi les champions de l’évasion fiscale. Et ouais, on s’emmerde pas avec l’impôt sur les sociétés chez Amazon ni avec la TVA d’ailleurs. Il suffit de délocaliser artificiellement les revenus à Amazon International Europe basée au Luxembourg et faire apparaître une perte de 1,2 milliard d’euros sur ses comptes et hop on est plus emmerdés ! « Non seulement Amazon ne paie pas d’impôts sur les sociétés, mais grâce aux lois luxembourgeoises s’est vue recevoir 56 millions d’Euros de crédits d’impôts ! » Selon Oxfam. « C’est au moins un milliard d’euros qui ne rentre pas dans les caisses de l’État français. » Nous confie le collectif ATTAC 21.
Oxfam, au nom du collectif PJC, demande à « Mettre fin au secret fiscal des entreprises. C’est à l’Etat et à la représentation nationale, en France comme au niveau de l’Europe, d’avoir la volonté et le courage, d’obliger les multinationales à la transparence et à être imposées comme toutes les entreprises nationales. »
Beaucoup de gens se félicite de voir une entreprise de cette taille s’implanter dans la métropole dijonnaise, et on pourrait s’en congratuler aussi si ça amenait véritablement de l’emploi. « À Longvic, Amazon annonce son argument fatal : 50 postes en CDI et 250 postes pour les collaborateurs (livreur en auto-entreprise ou en sous-traitance). Sauf qu’une étude menée par l’Institute for Local Self Reliance démontre que la création d’un emploi chez Amazon entraine 2,5 emplois supprimés dans les magasins traditionnels et plus particulièrement dans le secteur de l’habillement. » Souligne Agnès SALOMON, membre du collectif ATTAC 21 et PJC. Sans compter les techniques de surveillance numérique envers les salariés sur leur temps de travail… Et dans leur vie privée, le recours massif aux intérimaires et les nombreux accidents du travail… Alors à vos CV pour un job de rêve !
Et ouais, difficile de résister au piège du clic facile pour le dernier Cookéo. Les répercussions climatiques et environnementales sont colossales : entre le développement de sa compagnie aérienne d’avions-cargos avec 150 vols par jour, la construction des data centers et la consommation électrique du stockage de données, toute l’énergie nécessaire pour faire tourner les services de livraison, la destruction des produits invendus provenant d’Asie du Sud-Est, en plus des injustices sociales et le manque de transparence… Ça n’a pas l’air d’effrayer Jeff Bezos, le mec qui vaut 200 milliards de dollars, qui a tellement investi dans l’intelligence artificielle (la robotique, la construction de drones, la sécurité, la reconnaissance faciale, les objets connectés, la santé) qu’on se demande s’il est vraiment humain. On est bien loin de la petite bibliothèque en ligne !
Ça reste toujours la même chose : tant que les clients suivront, Amazon survivra. D’autant plus que la crise sanitaire a été l’apogée du modèle Amazon. Alors les questionnements se soulèvent, les collectifs émergent pour nous informer et nous expliquer pourquoi lutter contre ce monde promis par Amazon et c’est tant mieux !
Un événement sera organisé lors de l’ouverture du nouveau centre de livraison à Longvic par le collectif Plus Jamais Ça et d’autres associations pour une « contre-inauguration ».
Affaire à suivre !
Texte : Maïa // Photos : DR