Depuis une quinzaine d’années, Deluxe écume les salles et festoches de France à grands coups de moustache et de cuivres. La Vapeur de Dijon était blindax pour la première date du Moustache Gracias Tour le 23 mars dernier, une bonne occaz’ pour aller tchatcher avec cette équipe de ouachons-dingos composé de Kaya, Pepe, Pietre, Kilo, Soubri et Liliboy.

Comment avez-vous taffé ce nouvel album ? Vous étiez tout le temps tous ensemble ?

C’était le confinement donc y’a une bonne partie de l’album où on était chacun chez nous. On s’envoyait les morceaux grâce à internet, un peu dans la façon d’un cadavre exquis car on s’envoyait nos idées puis chacun rebondissait dessus, ça faisait balle de ping-pong. C’était nouveau, on a télétravaillé, comme tout le monde finalement. Une fois le confinement levé on était content de se retrouver, on a beaucoup taffé ensemble aussi donc c’était fifty-fifty confinement et ensemble.

Est-ce que y’a des groupes de référence qui font consensus entre vous tous ?

On est tous d’accord pour Orelsan, Stromae, Hiatus Kaiyote, The Roots, Benjamin Epps, qui rappelle les années ghetto de Pepe (rires), Anderson Paak, Alain Souchon…

Dans « Moustache Gracias », vous évoquez votre background à Aix-en-Provence, ça vous manque de jouer dans les rues ? C’est pour ça que vous avez contacté La Rue Ket’ ? C’est pour retrouver un petit bout de la rue ?

Peut-être inconsciemment, bien vu, mais on ne s’était pas forcément dit ça. En vrai, on adore La Rue Ketanou, on s’est croisé plein de fois puis c’est vraiment devenu des copains. C’est en se croisant en concert et en faisant la fête avec eux qu’on s’est dit qu’on ferait un son ensemble. Une fois le
confinement levé on a réussi à trouver des moments pour se voir et faire un morceau. C’est vrai qu’il y avait cette recherche pour retrouver ce son des Balkan et une ambiance très festive.

« Moustache Gracias » c’est un album de remerciement envers votre public ?

Exactement ! Avec cette crise mondiale du Covid, on s’est sentis seuls chacun chez soi mais en même temps on s’est sentis super soutenu par un public archi présent et réceptif sur les réseaux. On s’est sentis exister à travers notre public donc c’est un super titre et album de remerciements. C’est pour dire « Merci » autrement qu’en disant « Merci », car on en est là grâce à eux.

Sur cet album vous avez co-écrit et enregistré avec des fans, vous avez une vraie communauté. Comment on fait aujourd’hui pour construire une vraie commu’ ?

C’est 15 ans d’acharnement et de patience, il faut jamais lâcher. Il y a la volonté de créer cette connexion et de vouloir servir quelque chose de qualitatif qui nous plaît d’abord à nous. On n’est pas dans le rendement, on fait les choses parce que ça nous plait et pas parce qu’il faut le faire. On répond à tous les messages, on essaie d’être au plus proche possible du public. L’idée du featuring-challenge avec des fans et des artistes, c’est qu’on a proposé un morceau, une prod qu’on a mise sur Internet et les gens pouvaient envoyer leur rap par-dessus. Au départ, on voulait en choisir qu’une mais on a fini par en choisir 11 car on a reçu énormément de rap de 16 mesures, et on a tout écouté. On a reçu des pépites et pour une fois dans notre vie on a été les jurés de The Voice (rires). On est trop fiers de ce morceau ! Dans l’idée, on aimerait vraiment perpétuer ce featuring-challenge pour un prochain album, pas pour chanter mais pour un solo d’instrument par exemple.

« On n’est pas dans le rendement, on fait les choses parce que ça nous plait et pas parce qu’il faut les faire. »

Vous avez votre propre label « Nanana production », c’est important pour vous ça ? Comment on fait pour s’en sortir sans major dans la jungle musicale aujourd’hui ?

Quand on jouait dans la rue à l’époque on rêvait de faire des grandes salles, des festoches, etc mais on rêvait aussi d’avoir notre propre label et être indépendant, c’était un schéma qui nous plaisait dès le départ. Ce label c’est l’aboutissement d’un rêve plutôt qu’une simple nécessité. Sans major dans la jungle musicale, on s’en sort mieux (rires). Non, en vrai ça dépend du groupe et du projet, nous étant notre propre label on travaille avec plein de gens à côté depuis 15 ans et c’est cool. Deluxe c’est un projet atypique car c’est une histoire qui a de la bouteille, c’est une histoire de potes donc même dans les majors ils sont obligés de l’accepter. Nous on ne veut pas être des interprètes, on a besoin de toujours avoir les mains dedans, Deluxe c’est un rythme difficile et on sait ce qu’on veut donc c’est compliqué. Tout ça est possible grâce à la communauté donc on n’a pas envie de faire du racolage en disant « abonnez-vous, likez, etc. », nos informations passent quand même et on n’a pas besoin d’intermédiaire, c’est ça qu’est chouette car personne ne déforme les infos qu’on veut faire passer ou même les musiques, etc. Quand on fait nos tournées c’est différent car il y a quand même des promoteurs locaux avec l’affichage par exemple. Lorsqu’on a fait L’Acoustique Moustache Tour, on a juste fait un visuel sur nos réseaux sociaux pour dire où on serait puis on s’est retrouvés à 4 000 à Nantes, en fait les choses deviennent possible grâce à cette communauté.

Est-ce que y’a d’autres artistes qui sont signés sur votre label ?

Non, il n’y a pas d’autres artistes sur le label. C’est une trop grande charge de travail même si dans l’idée ça serait super kiffant. Peut-être plus tard, quand on aura envie de faire une pause. C’est un vrai métier.

Ça fait 10 ans que la moustache est votre symbole. On passerait pas au bouc ou aux rouflaquettes pour changer ?

Le bouc de l’enfer (rires). Pour l’instant on kiffe et on en est toujours aussi fier. Faut jamais dire jamais mais notre discographie est super clinquante comme ça, y’a une cohérence. Depuis le début on s’était dit qu’on finirait notre dernier album avec la gold cover, donc l’album à la moustache en or, un peu comme Michael Jackson avait fait.

« On s’était dit qu’on finirait notre dernier album avec la gold cover, donc l’album à la moustache en or »

La dernière fois que Sparse vous a interviewé LiliBoy, tu voulais faire de la dauphinoplastie, ça en est où ?

Avec la crise sanitaire, les opérations pas urgentes ont été recalées à… 2032 donc je suis toujours un être humain à part entière. Je continue de rêver d’être un dauphin mais je suis sur liste d’attente ! Mais merci de t’en être rappelée.

Texte et propos recueillis par Maïa /// Photos : © Gaelle Malet et Philippe Malet